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551La politique, la communication, le jaillissement de la popularité et son effondrement… La vitesse des réactions du public au défilement des événements, bien qu’il s’agisse d’une mesure purement quantitative et d’une bassesse à mesure par conséquent, cela caractérisant les sondages & compagnie, a tout de même dans le cas qui nous importe ici une puissante signification qualitative. Il s’agit du signe de la contraction du temps et de son effet quasi instantané sur les psychologies.
Andrew Malcolm met en évidence ce phénomène, lui-même sans le réaliser sans doute, ni bien sûr le nommer, dans une chronique du Los Angeles Times, ce 9 mai 2011 : 10% d’opinions favorables au président Obama de plus (jusqu’à 56%) le lendemain de l’élimination de ben Laden, 6% de moins (jusqu’à 50%) cinq jours plus tard…
«A new Pew Research Center poll finds Obama's approval rating, which spiked to 56% after his late-night announcement of the slaying of the Al Qaeda founder, has already fallen 10%, or six points, to 50%. That and his disapproval rating (39%) have essentially returned to late-February levels, contrary to predictions that the positive bump would last weeks.»
Parallèlement, Malcolm présente un sondage sur l’opinion des citoyens US sur la guerre d’Afghanistan, qui marque une constance, en augmentation constante également, dans l’opposition à cette guerre.
«A new Rasmussen Reports poll finds that 35% of likely voters want immediate U.S. troop withdrawal from the nearly 10-year-old war in Afghanistan. That's the highest favoring immediate withdrawal ever. Another 21% want a firm timetable set for withdrawal within one year.
»That poll's combined 56% is up four points from early March, up 13 points from last September and up 19 points from September of 2009, indicating mounting impatience with the war effort despite, or perhaps because, of two troop surges ordered by President Obama. He says he has a plan to end U.S. troop involvement there before 2015.
»Of potential political significance is the fact that opposition to the nation's longest war is by far largest among members of Obama's own Democratic Party, 70% of whom favor immediate withdrawal or a firm timetable…»
La variation des opinions favorables à Obama est particulièrement intéressante et impressionnante, dans le laps de temps considéré. Elle est si “intéressante et impressionnante” qu’elle conduit à penser, comme nous le suggérons plus haut, que, dans certaines conditions de contraction du temps sous la pression des événements, ce phénomène complètement quantitatif, et d’une bassesse à mesure, qu’est la “science” statistique (sondage, enquête d’opinion, etc.), recèle certaines circonstances d’où un aspect qualitatif peut jaillir. C’est ici le cas.
Il y a en effet un véritable “dialogue” entre Obama et le public américain, portant sur cette affaire de l’assassinat de ben Laden et sur les conséquences de cet acte sur la position d’Obama, implicitement pour les élections de 2012. Ce “dialogue” est sans concession et n’est pas d’une hauteur intellectuelle ou spirituelle particulièrement remarquable ; mais c’est là la fatalité d’une situation entièrement régie par le Système, qui lui correspond par conséquent, avec une population également imprégnée par les caractères du Système. Ce qui correspond par contre à une conséquence paradoxalement qualitative de ce processus quantitatif, c’est la véracité du “dialogue” impliquée par les variations d’opinion, malgré l’hypocrisie et le virtualisme habituellement dominant du débat politique. Ainsi, la “réponse” du public aux actes d’Obama, avec la liquidation d’Osama ben Laden, peut se diviser en deux séquences extrêmement rapprochées, qui prennent leur sens qualitatif à cause de cette proximité temporelle indiquant des appréciations bien plus sophistiquées qu’elles ne peuvent paraître, et sans doute marquées par une évolution non consciente très rapide de la psychologie des personnes qui sont interrogées. (Il est évident que, nous examinons ces réponses, et l’évolution entre les deux sondages, sans porter de jugement de fond sur la question qui est soulevée, – l’assassinat de ben Laden, – ni sur les réactions du public à cet égard.)
• La première séquence concerne la satisfaction du public du fait de l’élimination de ben Laden. Le constat n’a nul besoin d’être apprécié en détails, tant il est évident, et d’ailleurs d’une qualité assez médiocre lorsqu’on considère les motifs de cette satisfaction. Le résultat est l’expression presque instantanée d’un très grand soutien pour Obama, avec les 10% d’opinion favorables en plus. Les 10% de plus, à la lumière de ce qui suit, portent pourtant beaucoup moins sur une éventuelle satisfaction du travail du président (bien que la question porte effectivement sur ce point), que sur l’acte lui-même (élimination de ben Laden). Ce qui apparaît une évidence de jugement a ici l’avantage, sinon la vertu, d’être immédiatement traduit dans ce processus d’habitude si grossier du sondage.
• La seconde séquence est si rapprochée de la première qu’on peut sans hésitation la lier dans sa signification, comme une suite directe, sinon comme faisant partie intégrante de la première. En intervenant d’une manière si significative (6% de différence) en si peu de temps, l’événement statistique peut effectivement être interprété comme une puissante nuance, voire une correction majeure apportées au résultat précédent ; c’est une façon extrêmement précise, par rapport aux significations habituelles des sondages et enquêtes d’opinion, de préciser que le premier résultat (+ 10%) concernait le fait même de l’élimination de ben Laden, et nullement le travail général qu’Obama effectue à la Maison-Blanche. Qui plus est, le résultat concomitant sur la guerre d’Afghanistan, resserre encore plus le jugement dans le sens critique, à l’encontre de l’administration Obama, signifiant que si rien n’est fait pour arrêter cette guerre, l’élimination de ben Laden n’a aucun intérêt, aucune signification, aucune valeur, – pire, qu’on a trahi le sens de cette intervention si l’on n’arrête pas la guerre en Afghanistan.
Les conditions de temps et de rapidité de ces deux sondages comparés et entre eux ont de quoi inquiéter l’équipe de la communication de la Maison-Blanche, comme les candidats pour 2012 en général. Elles indiquent que l’état d’esprit des citoyens américains est fixé sur certains grands thèmes, en général des thèmes qui génèrent la plus profonde insatisfaction et qui sont liés à la crise générale ; les évènements de surprise ou sensationnels, provoqués ou pas, mais de toutes les façons conjoncturels et nullement structurels dans leurs conséquences politiques, qui interfèrent sur la ligne générale, ne font sentir cette interférence qu’un très court laps de temps. D’une façon générale, les citoyens, votants de 2012, semblent liés à certaines considérations générales puissantes, qui concernent la crise et qui sont teintés nécessairement de la plus grande insatisfaction… Alors, le constat le plus important est de mesurer combien une distraction, même importante, faite pour interférer et désorienter cette continuité, n’y parvient que très faiblement, sur un très court laps de temps, et pour sans doute n’y laisser que des traces négligeables sinon très vite disparues. (Dire que certains, – comme Steve Clemons, par exemple,– y voyaient déjà la réélection assurée de BHO... Nous écrivions dans le même
Les votants semblent donc suivre une trajectoire qui leur est propre, sans le souci très marqué du candidat, de l’homme politique. Ils mettent en avant des considérations politiques dont ils jugent eux-mêmes de l’importance (les questions économiques et sociales dominant le reste), sans se laisser distraire fondamentalement par des évènements ponctuels, et en dispersant aisément l’effet de communication manipulé par ceux qui provoquent ces événements. Il n'est pas assuré du tout que tout cela renvoie à une démarche consciente ; il est plutôt très possible, sinon probable, qu'il s'agisse d'effets très puissants et renouvelés très rapidement sur la psychologie ; l'efficacité n'en paraît que plus grande.
Mis en ligne le 10 mai 2011 à 17H38