BHO, fétu de paille

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BHO, fétu de paille

26 janvier 2011 — BHO nous a donné son troisième discours SOTU (State Of The Union), devant les Chambres réunies en Congrès. Grand moment de pompes et de circonstances, et autocélébration du Système par lui-même, par le premier des serviteurs du Système, devant ses coreligionnaires ; enthousiasme contraint pour des images de pacotilles (“the Sputnik Moment”), reprenant les lieux communs du Système (la mystique JFK/conquête de la Lune) et alimentant l’enthousiasme de la médiocrité fardée aux couleurs de la gloire. Définitivement, c’est le cadre de l’action de Barack Hussein Obama, qui est tout sauf le “angry black man” qu’aurait voulu voir Seymour Hersh.

Voyons la chose autrement. Les préliminaires du SOTU, ces derniers jours, disons cette dernière décade, ont été marqués par des affirmations, des analyses et des déclarations qui conduisent à conclure que la politique de Barack Obama est dans la continuité impeccable de celle de GW Bush, à un point où elle en est quasiment la duplication, à un point plus pessimiste encore (ou plus réaliste) où elle apparaît à certains pire que celle de GW Bush, – dans le même sens catastrophique.

Citons quelques commentaires et autres déclarations dans ce sens…

• Il y a d’abord le cadeau empoisonné de Dick Cheney, très silencieux depuis une intervention chirurgicale (cœur) l’été dernier, qui revient dans l’arène politique avec un bouquet de fleurs vénéneuses pour Barack Obama. Il s’agit d’une interview à NBC, dont le texte a notamment paru dans The Hill, le 17 janvier 2011, avant la diffusion du document.

«In his first interview since undergoing major heart surgery last July, Cheney said he thinks Obama has been forced to rethink some of his national security positions now that he sits in the Oval Office. “I think he's learned that what we did was far more appropriate than he ever gave us credit for while he was a candidate. So I think he's learned from experience. And part of that experience was the Democrats having a terrible showing last election.” […] “I think he's learned that he's not going to be able to close Guantanamo,” Cheney said. “That it's — if you didn't have it, you'd have to create one like that. You've got to have some place to put terrorists who are combatants who are bound and determined to try to kill Americans.”»

• Le lendemain de cette publication, à Qatar, Seymour Hersh faisait savoir combien il était déçu, désappointé, désenchanté, devant cette politique de BHO qui est une parfaite réplique de celle de GW Bush… (Voyez notre Ouverture libre, ce 26 janvier 2011.)

• Le lendemain de l’intervention de Cheney également, le même 18 janvier 2011, Glenn Greenwald, de Salon.com, rapportant cette intervention de Cheney et le soutien à Obama d’autres officiels de l’ancienne administration Bush, constatait qu’Obama avait complètement réhabilité et pris à son compte la politique de GW Bush, en y ajoutant le fait de l’institutionnaliser puisqu’elle bénéficie désormais du soutien de celui qui la critiquait hier.

«Conservatives would love to bash Obama for being weak on Terrorism so that, in the event of another attack, they can blame him… […] But they cannot with a straight face claim that Obama has abandoned their core approach, so they do the only thing they can do: acknowledge that he has continued and strengthened it and point out that it proves they were right – and he was wrong – all along. If Obama has indeed changed his mind over the last two years as a result of all the Secret Scary Things he's seen as President, then I genuinely believe that he and the Democratic Party owe a heartfelt, public apology to Bush, Cheney and the GOP for all the harsh insults they spewed about them for years based on policies that they are now themselves aggressively continuing.

»Obama has won the War on Terror debate – for the American Right. And as Dick Cheney's interview last night demonstrates, they're every bit as appreciative as they should be.»

• Le 17 janvier 2011, Paul Woodward citait, dans un texte sur les événements en Tunisie, un commentaire sur le sentiment arabe à l’égard de Barack Obama : «“No one thinks Obama is serious about democracy,” says Shadi Hamid from Brookings Doha Center. “In some ways they have given up hope. And that I think is one of the key post-Cairo Speech stories: that after a lot of optimism about Obama’s election, people realized that when it comes to the issue of democracy-promotion in the Arab world — and that is a very important one for many Arabs — Obama’s really not on board.”»

• On retrouve le même sentiment dans le texte de Mark LeVine, sur Aljazeera.net ce 25 janvier 2011 . LeVine se demande d’une plume furieuse pourquoi Obama ne fait rien alors que les événements prennent la tournure qu’on leur voit prendre au Moyen-Orient : «Why would Obama, who worked so hard to reach out to the Muslim world with his famous 2009 speech in Cairo, be standing back quietly while young people across the region finally take their fate into their own hands and push for real democracy? Shouldn't the president of the United States be out in front, supporting non-violent democratic change across the world's most volatile region?»

• Le 18 janvier 2011, Robert Scheer, le commentateur progressiste très connu et très incisif de Truthdig.com ajoute une cerise sur le gâteau avec ces quelques phrases sur un Barack Obama qui semble ressusciter une politique de Bill Clinton dans ce qu’elle avait de pire, dans ses liens avec Wall Street et le Big Business, – tout cela, parce que les élections arrivent…

«Here we go again. When Bill Clinton suffered an electoral reversal after his first two years in office, he abruptly embraced the corporate money guys who had financed his congressional opposition in an effort to purchase a second term. On Tuesday in his Wall Street Journal Op-Ed piece, Barack Obama veered sharply down that same course, trumpeting his executive order “ ... to remove outdated regulations that stifle job creation and make our economy less competitive. …”

»He employed the same “creating a 21st-century regulatory system” rationalization used by Clinton when he signed off on the sweeping deregulation legislation that unleashed the Wall Street greed that ended up being the biggest job-killer since the Great Depression. […]

»“On Feb. 7, Mr. Obama will visit the U.S. Chamber of Commerce—a chief opponent to his administration’s regulatory approach—for a discussion on how the White House can work with the group to create jobs. The efforts are designed to give companies more confidence in the president’s stewardship of the economy, and bolster his re-election prospects among a wealthy constituency not traditionally allied with Democrats.”

»A constituency that Daley, Obama’s new chief of staff, can faithfully represent, having received $5 million a year from JPMorgan Chase. And so ends the season of hope for the less wealthy constituency traditionally allied with Democrats.»

… Et ainsi de suite, pourrait-on écrire. Il n’empêche qu’on doit observer que cette intervention de Cheney, après celles d’autres anciens officiels de l’administration GW Bush, marque un tournant, au moins symbolique, dans la perception qu’on a de la politique de Barack Obama. Nous avons nous-mêmes pensé depuis longtemps que cette “politique de l’idéologie et de l’instinct” n’était certainement pas limitée à la seule administration Bush, comme une spécificité de cette administration, mais qu’elle était bel et bien la politique de l’américanisme déchaîné, du Système à la fois ivre de puissance et placé devant son impuissance, emporté par les cahots de sa Chute finale. C’est bien la politique du Système, et BHO suit, sans autre forme de procès, démentant les espoirs qu’on avait mis en lui qu’il tenterait de la changer d’une façon décisivce.

Dans l’article cité ci-dessus, Mark LeVine s’interroge à plusieurs reprises sur les raisons de cette capitulation complète de Barack Obama par rapport à ses promesses (pour le cas traité par LeVine, le discours du Caire d’avril 2009 et son attitude vis-à-vis des musulmans auxquels il a promis la démocratie). Les réponses sont toujours les mêmes lorsqu’on se pose cette sorte de question, si l’on en reste à une vision fractionnée des événements, refusant de sortir des sentiers battus de l’explication des rassemblements de puissance organisées dans des dynamiques complotistes menées de main de maître… «Is it companies like Lockheed Martin, the massive defence contractor whose tentacles reach deep into every part of the fabric of governance… […] Is it the superbanks who continue to rake in profits from an economy that is barely sputtering along… […] and the oil industries-to form an impregnable triangle of corrupt economic and political power? [… ] It's hard to think of any other candidates at the present time.»

Donc, ces réponses nous renvoyant aux théories type-“marionnettes” (pour qualifier BHO), avec l’originalité douteuse de regrouper en un front commun tous les candidats habituels à la manipulation de la “marionnette”. Mentionnons simplement une phrase de LeVine plus originale, malheureusement peu exploitée alors qu’elle contient un potentiel intellectuel plus intéressant, – simplement parce qu’elle apparaît comme intertitre de cette conclusion très courte où les “usual suspects” (le complexe militaro-industriel, les banques, les pétroliers) sont mis en accusation, comme toujours : «The tyranny of the status quo»… Nous y reviendrons plus loin.

Effectivement, Obama est prisonnier de ces diverses forces, comme tout président des USA l’est, depuis à peu près l’origine. D’ailleurs, il ne s’en cache même plus, puisqu’il engage de nouveaux collaborateurs, simplement parce qu’ils représentent l’une ou l’autre de ces forces dont lui-même, BHO, attend le soutien financier pour sa réélection. Rien de bien nouveau là-dedans, sauf qu’il nous paraît bien audacieux de laisser entendre qu’il s’agit d’une force organisée, d’une sorte de “front commun”, alors que ces forces agissent notoirement en ordre dispersée, chacune pour ses propres intérêts, avec toujours les mêmes méthodes de la corruption institutionnalisée, effectivement pour que rien ne change et que leurs profits continuent à croître.

La responsabilité et l’implication de BHO et de ses divers “sponsors” nous paraissant avérées, comme elles l’étaient dès l’origine à moins que BHO ne se fût révolté (“American Gorbatchev”), – ce qu’il ne fit pas, – le constat qu’on en fait aujourd’hui n’apporte rien de plus si l’on s’en tient aux explications conventionnelles. Quant à «The tyranny of the status quo», qui rejoint le constat de Greenwald et des autres que BHO poursuit et accentue la politique de GW Bush telle que la définissait Harlan K. Ullman, il s’agit simplement effectivement de cette situation où ces forces diverses, organisées en aucune façon entre elles sinon chacune pour la continuation de leurs bénéfices, agissent toutes dans le même sens pour conserver cette situation. Vraiment, il n’est pas besoin d’une explication élaborée comme les affectionne la raison humaine, sur une organisation plus ou moins de complot, sur les manipulateurs de marionnettes et le reste. Nous jugeons que cette situation mérite mieux qu’une telle redondance du jugement, qui n’a pour seul “avantage” que de renouveler la certitude vaniteuse où se trouve cette même raison humaine que l’homme seul, dans ce cas avec toutes ses manigances et ses noirs desseins, est capable d’organiser de telles situations.

«The tyranny of the statu quo»

On comprend très bien la situation de Barack Obama, – on devrait la comprendre très bien, avec peu d’efforts, simplement par l’évidence de son destin tel que nous l’avons suivi depuis 2008. Malgré ses qualités évidentes, l’homme n’a pas la stature, la puissance de conviction, l’intuition qu’on lui croyait pouvoir avoir. Il s’est laissé totalement submerger et emporter avant d’avoir pu tenter quelque chose de sérieux, – s’il y a songé, ce qui est probable mais reste tout de même à déterminer. Dans ce cas, «The tyranny of the status quo» est simplement l’acte de capitulation d’un homme, par simple abdication d’intentions supposées, au profit de la situation établie dans laquelle une place garnie de privilèges divers lui est réservée. Cela n’a rien d’extraordinaire comme explication, parce que l’explication est évidente. En conséquence, effectivement, Obama continue la politique de son prédécesseur républicain (“politique de l’idéologie et de l’instinct”), qui est la politique naturelle du système au point où il en est, et il la continue effectivement en pire parce que son intervention dans ce sens constitue une approbation bipartisane de cette politique et, par conséquent, son institutionnalisation. Cela, non plus, n’est pas difficile à comprendre.

Maintenant vient la question subsidiaire, c’est-à-dire l’essentiel de la chose : pourquoi ? A supposer que BHO voulait changer quelque chose, c’est-à-dire au moins améliorer la situation du système (ce qui est la moindre des choses, même pour une “marionnette”), pourquoi ne l’a-t-il pas fait, pourquoi n’a-t-il même pas tenté de le faire sérieusement ? LeVine répond par les habituelles explications, – réponse qu’il nuance d’ailleurs par une réflexion finale un peu désabusée, qui marque l’épuisement de la raison à toujours répéter les mêmes arguments sur les forces puissantes et cachées qui manipulent les “marionnettes”… Après avoir cité comme “causes” de la paralysie de BHO, les manipulations et les pressions des usual suspects (le Complexe, les banques, les pétroliers), il écrit : «It's hard to think of any other candidates at the present time.» On sent tout de même qu’il n’est pas très satisfait de cette réponse, qui valait déjà dans les années 1990 ou dans les années 1960, ou même avant pour d’autres forces du même type, pour les présidents correspondants, simplement parce que c’est la nature même de la chose (du système washingtonien/de l’américanisme).

On sent bien que l’explication est un peu courte, et l’on sent bien le malaise et la frustration de LeVine d’en rester là. L’explication est un peu courte parce que, depuis qu’elle est presque universellement répétée, dans tous les cas depuis 9/11, elle aboutit à ce constat absurde : si ces forces sont si bien coordonnées, si bellement manipulatrices, si puissantes, si influentes, si habiles et avisées stratégiquement, avec tous les stratèges secrets aux commandes du complot, comment se fait-il que le résultat de l’action qu’elles exigent, suscitent et obtiennent finalement aboutit à une politique si catastrophique qu’elle active décisivement depuis neuf ans tous les facteurs nécessaires à la Chute (des USA et du reste parmi les alliés des USA), qu’elle accumule défaite sur défaite, qu’elle plonge l’appareil gouvernemental US dans une crise sans précédent, et ainsi de suite, avec au bout du compte la mise en cause catastrophique des intérêts de ces mêmes forces ? (On nous fera la grâce de ne pas avoir à démontrer tous ces facteurs d’effondrement qui s’imposent chaque jour comme autant de faits montrant effectivement les conditions et l’accélération de cette Chute. La raison humaine, qui nous offre toutes les explications sur les machinations humaines, est assez éclairée pour accepter ces faits puisqu’on nous dit qu’elle ne raisonne qu’à partir de cela.)

Alors, qu’on nous pardonne d’en revenir à notre explication fondamentale, qui relègue la raison humaine à sa place véritable d’“idiote utile”, pervertie par le Système et prise au piège de sa propre vanité, et cette explication fondamentale étant justement celle du Système en phase terminale. «The tyranny of the statu quo», – la phrase est justifiée car l’image est particulièrement parlante par rapport à la situation politique d’un point de vue humain (de l’impuissance humaine), – devient alors le simple constat de l’impuissance et de la paralysie d’un Système omniprésent, qui domine tout et tient tout dans ses griffes, et qui n’est plus capable de n’engendrer que les revers et les catastrophes contre lesquels nul ne peut rien. Cela nous semble un argument acceptable pour parler du caractère autodestructeur du Système comme d’un point absolument fondamental de la situation actuelle, comme du point central de la politique générale du monde aujourd’hui, – mais fondamentale, certes, dont la dimension métapolitique n’est pas déniable.

Tout cela nous semble un argument acceptable pour revenir sur notre thèse selon laquelle le Système en général est effectivement devenu un “Système-en-tant-que-tel”, qui a acquis son autonomie, qui a peut-être des spécificités psychologiques particulières (nous y croyons de plus en plus) qui impriment une pression permanente sur son “personnel” (les sapiens au service du Système), qui englobe toutes les forces citées et tout nouveau président, comme BHO bien entendu, sans que plus aucune de ces forces et plus aucune personne, fût-ce BHO lui-même, ne soit capable d’influer sur sa course de quelque façon que ce soit. Bien entendu, cette course est catastrophique, parce que le Système est naturellement une chose monstrueuse, une entité déstructurante absolue, et que si sa puissance extrême l’exonère de tout contrôle extérieur et de tout frein pouvant nuancer ou ralentir son action, cette action devient évidemment celle de la déstructuration générale dont l’aboutissement logique est sa propre déstructuration. Les deux processus (déstructuration générale et sa propre déstructuration) finissent même par se chevaucher et la dynamique d’autodestruction déstructurante du Système acquiert une telle puissance qu’elle menace de dépasser en vitesse et en ampleur la dynamique de déstructuration générale que ce même Système impose au reste. C’est une sorte de course à la destruction intéressante à suivre, pour savoir qui emportera la médaille d’or.