BHO, les “3 mains en 1” de l’UE, le G2 et le Disneyworld transatlantique`

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Obama ne veut pas aller au sommet de l’UE, à Madrid en mai; ou bien, dit-on encore, il n’aurait pas reçu l’invitation d’y aller; ou bien, explique-t-on, finaud, il ne sait pas à quel “Président” (Zapatero, Van Rompuy, Barroso?) il doit serrer la paluche, et le coup de “trois mains en une” l'effraie un peu; ou bien… Etc.

Divers organes dits de presse s’en donnent à cœur joie. Le Telegraph de Londres, par exemple, dont on sent bien exsuder l'ironie à propos de cette Europe évidemment abracadabrantesque, face aux USA qu’on retrouve à cette occasion si puissants, si forts, si exemplaires. Quelques mots de l’article du 1er février 2010.

«The White House has said that the US President would not be attending the regularly scheduled EU-US talks, which have been planned to take place in Madrid in May. US officials have expressed frustration because the Lisbon Treaty, which was supposed to give the EU a single global voice, has created a number of European presidents competing for Washington's attention.

»Even the venue for the summit, Madrid or Brussels, has been “up in the air” after a tussle between Spain, which holds the EU's rotating presidency and Herman Van Rompuy, the new created President of Europe… […]

»A US official told the Wall Street Journal that President Obama had not yet received an a formal invitation to the EU-US summit, a twice yearly meeting that has taken place since 1991. “We don't even know if they're going to have one. We've told them, ‘Figure it out and let us know’,” said the official.»

Notre commentaire

@PAYANT D’abord, il s’agit de rappeler qu’il y a deux mois, les Américains faisaient un forcing de tous les diables pour tenter de convaincre l’Europe, ou l’Union Européenne si l’on veut, de venir “à leur secours”. Nous écrivions, le 4 décembre 2009, à la lumière de divers contacts transatlantique et de séminaires tenus à cet effet: «En réalité, tout cela ressemble plutôt à un appel au secours, comme une reconnaissance implicite du côté US que les USA ne contrôlent plus la situation de leur hégémonie qui devient ainsi une coquille vide, ni même leur propre situation intérieure.»

Lors de cette phase, on entendit Ronald Asmus, un “expert” qui ne fut jamais très loin des thèses neocons et qui est aujourd’hui représentant à Bruxelles du German Marshall Fund (une courroie de transmission de l’influence US en Europe), effectivement plaider pour un rapprochement entre l’Europe et les US. Le même Asmus accompagnait, la semaine dernière, le sherpa de Barack Obama venu expliquer à quelques importantes casquettes de la Commission européenne la position US dans cette affaire du sommet UE-USA. «En gros, nous explique une de nos sources, Les Américains sont venus, directement mandatés par Obama, pour expliquer aux Européens qu’ils commencent à être agacés par l’absence d’initiative des Européens, et que l’affaire du sommet doit être perçue selon cette idée. L’agacement concerne divers domaines où l’on trouve un peu de tout, de l’Afghanistan, de l’Iran, du terrorisme, toutes ces choses habituelles chez eux. Mais ce qui est surtout intéressant, c’est la menace qui accompagnait ces remarques. Les Américains ont dit que si cela continuait ainsi, ils remplaceraient l’alliance transatlantique par le G2 USA-Chine…»

Grand émoi chez les Européens et stupéfaction du bon sens de l’observateur moyennement informé. Les Américains viennent littéralement de “se faire jeter” par les Chinois qui ne veulent rien entendre à propos d’une formule G2, et c’est une des raisons pour lesquelles ils se sont aussitôt tournés vers l’Europe. Depuis, les relations entre les USA et la Chine se sont régulièrement dégradées, avec résurrection de la possibilité d’un grand et bel Ennemi dans le chef de l’immense Chine. Mais voilà que ces mêmes Américains viennent à Bruxelles menacer l’Europe d’une alliance USA-Chine type G2! Et voilà que les Européens, les diverses “importantes casquettes” de la Commission ainsi consultées et admonestées, s’affolent comme une volée de moineaux!

La thèse d’un BHO reculant devant la perspective de devoir serrer trois mains en une (Zapatero-Van Rompuy-Barroso) a bien du charme, outre de correspondre assez bien au bordel européen, mais elle ne séduit pas pour autant nos sources – pas plus que nous-mêmes, d’ailleurs. Cela vaut d’autant plus que la chose est proclamée partout, urbi et orbi, par la machine de communication de l’administration US, qui est, comme chacun le sait, une machine à virtualiser. Dès lors que l’explication sur le caractère inacceptable des “trois mains en une” est avancée officieusement/officiellement, qu’elle est reprise en cœur par la presse neocon (Wall Street Journal, Telegraph), il y a tout lieu de croire à un maquillage de façade et à une opération de communication.

On voudra bien nous pardonner, pour notre part, d’encore remiser les grands desseins, les belles pensées et les subtiles manœuvres au magasin des accessoires dépassés, pour ne voir dans cette affaire qu’un spasme de plus d’une diplomatie US devenue le fantôme d’elle-même. Comme les Européens sont dans un état assez proche, une bonne pincée d’“European-bashing” permet à Washington de panser quelques plaies douloureuses et d’oublier pour un instant les divers déboires qui encombrent déjà le bilan de l’administration Obama. A la limite, on concevrait aisément qu’après avoir courtisé les Européens pour réparer leur déception du refus chinois du G2, les Américains fassent le contraire pour tenter d’oublier ce refus chinois et faire croire, autant que se faire croire, qu’il n’y a pas eu de refus. Au grand scandale des beaux esprits, nous n’irons pas plus loin dans la recherche d’une explication qui n’existe pas, à propos d’un Washington erratique que certains décrivent comme “comateux”.

Ce qui est singulier et extrêmement concret, par contre, c’est que la menace US d’un G2 pour remplacer l’“alliance transatlantique” ait été prise au sérieux par la bureaucratie européenne qui s’agite beaucoup sur ce thème ces derniers jours. Toute cette bureaucratie est au courant de l’évolution des relations Chine-USA, de la rebuffade chinoise de novembre, des querelles sans nombre qui surgissent, d’ailleurs essentiellement d’origine US (l’affaire Google, la rencontre BHO-Dalaï Lama, une grosse commande d’armements à Taïwan), et pourtant la menace de Washington est considérée avec sérieux, jusqu’au résultat paradoxal et absurde, mais assez amusant et sympathique après tout, de soulever des critiques anti-US au sein de cette bureaucratie.


Mis en ligne le 2 février 2010 à 14H43