Big Brother est enormous, et encore plus bête que ça...

Bloc-Notes

   Forum

Il y a 7 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 1626

Big Brother est enormous, et encore plus bête que ça...

La surprise est certainement considérable dans les milieux très, très bien informés. La NSA, l’agence nationale de sécurité des USA (écoutes électroniques, téléphoniques, etc., en tous genres et au meilleur prix), a un accès direct dans toutes les bases de données des grands “opérateurs” d’internet (Google, Facebook, Apple, etc.). Elle espionne et lit dans l’internet comme si la chose lui appartenait. Il s'agit de PRISM, nom du programme en cours sans doute depuis depuis 2006-2007. C’est le Guardian qui en a fait la révélation principale, avec un suivi du Washington Post. Le site WSWS.org nous instruit minutieusement, comme à son habitude, des circonstances de l’affaire, vues de l’extérieur, ce 7 juin 2013.

«The Obama administration is engaged in a secret and illegal dragnet to accumulate detailed phone records of tens and perhaps hundreds of millions of US residents in a program organized by the National Security Agency (NSA).

»On Wednesday, the British Guardian newspaper published a secret court order, issued by the Foreign Intelligence Surveillance Court, instructing a branch of the telecommunications giant Verizon to turn over, on an ongoing and daily basis, all “metadata” relating to the calls of all of its customers. Verizon has some 121 million customers, and the branch specifically targeted—Verizon Business Services—has 10 million lines. The metadata of phone calls includes the phone numbers of the caller and the recipient, location data (such as the nearest cell phone tower or GPS data), and the time and duration of the call. This information would allow the government to construct a detailed picture of the social, professional and political connections and gain insight into the daily activities of everyone whose phone number was covered by the order.

»The order published by the Guardian applies for three months, from its date of issue in April of this year through July 19. According to the Washington Post, “An expert in this aspect of the law said Wednesday night that the order appears to be a routine renewal of a similar order first issued by the same court in 2006.” In defending the spying program, Democratic Senator Dianne Feinstein, the chairman of the Senate Intelligence Committee, made a similar statement, saying that the order is “as far as I know... the exact three-month renewal of what has been the case for the past seven years.”

»The official rational—apparently developed in secret legal memoranda prepared by the Obama administration—is that the program is authorized under the “business records” section of the Patriot Act. That act, signed into law less than a month after the 9/11 attacks, gives the government, with a rubber stamp from secret courts operating within the framework of the Foreign Intelligence Security Act (FISA), the power to require companies, libraries and other entities to turn over any “tangible things (including books, records, papers, documents and other items) “required” for an investigation to protect against international terrorism.”»

Le Guardian détaille donc, dans divers articles, différents aspects de sa trouvaille considérable. Nous avons droit à un dossier sur la redoutable NSA, le monstre impliqué, qui collecte des millions de messages chaque jour, espionne des dizaines de millions de personnes, ou peut-être des centaines de millions qui sait, etc., etc. (Voir le Guardian du 6 juin 2013  : «The very existence of National Security Agency (NSA) was not revealed for more than two decades after its establishment in 1952, and even now its structure and activities remain largely unknown. Hence its wry nickname: No Such Agency.») Il y a aussi une appréciation des diverses manifestations de colère en apprenant ce dont tout le monde devait ou devrait tout de même se douter, et une appréciation de la vertueuse défense du programme PRISM par l’administration Obama sortant évidemment son arsenal émouvant de la lutte contre la Terreur du terrorisme qui nous terrorise (ce 7 juin 2013). Enfin, on en vient à un des textes principaux, un long article que le journal britannique consacre aux documents qu’il a obtenus, assaisonnés de graphiques, de schémas, etc., puisqu’il s’agit d’une production interne type-PowerPoint pour l’édification des agents impliqués ou intéressés, et où il y a notamment de nombreux détails sur l’implication des géants d’internet dans le programme PRISM... (Le 6 juin 2013.)

«The National Security Agency has obtained direct access to the systems of Google, Facebook, Apple and other US internet giants, according to a top secret document obtained by the Guardian. The NSA access is part of a previously undisclosed program called PRISM, which allows officials to collect material including search history, the content of emails, file transfers and live chats, the document says.

»The Guardian has verified the authenticity of the document, a 41-slide PowerPoint presentation – classified as top secret with no distribution to foreign allies – which was apparently used to train intelligence operatives on the capabilities of the program. The document claims “collection directly from the servers” of major US service providers. Although the presentation claims the program is run with the assistance of the companies, all those who responded to a Guardian request for comment on Thursday denied knowledge of any such program.

»In a statement, Google said: “Google cares deeply about the security of our users' data. We disclose user data to government in accordance with the law, and we review all such requests carefully. From time to time, people allege that we have created a government 'back door' into our systems, but Google does not have a back door for the government to access private user data.” Several senior tech executives insisted that they had no knowledge of PRISM or of any similar scheme. They said they would never have been involved in such a program. “If they are doing this, they are doing it without our knowledge,” one said. An Apple spokesman said it had “never heard” of PRISM.

»The NSA access was enabled by changes to US surveillance law introduced under President Bush and renewed under Obama in December 2012. The program facilitates extensive, in-depth surveillance on live communications and stored information. The law allows for the targeting of any customers of participating firms who live outside the US, or those Americans whose communications include people outside the US. It also opens the possibility of communications made entirely within the US being collected without warrants.

»Disclosure of the PRISM program follows a leak to the Guardian on Wednesday of a top-secret court order compelling telecoms provider Verizon to turn over the telephone records of millions of US customers. The participation of the internet companies in PRISM will add to the debate, ignited by the Verizon revelation, about the scale of surveillance by the intelligence services. Unlike the collection of those call records, this surveillance can include the content of communications and not just the metadata.»

Il y a, on s’en doute, une foultitude d’autres détails. La révélation étant à mesure du gigantisme des programmes de la NSA, et de la NSA elle-même, nous nagerons dans un océan de documents et de révélations. Au reste, la grande émotion suscitée par cette affaire nous paraît, c’est selon, surprenante, suspecte, convenue, naïve, et de toutes les façons extrêmement révélatrice. Il est évident que la NSA devait espionner internet, les fournisseurs d’internet, comme elle espionne le reste depuis sa création en 1947 et à mesure grandissante de ses moyens techniques et technologiques, comme elle l’a fait et le fait avec le programme Echelon, avec l’aide d’acolytes divers de l’“anglosphère” (UK, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande), et ainsi de suite. Ce qui est intéressant pour la chronique et la statistique, si l’on veut, c’est l’implication des grandes sociétés d’internet, l’énormité des masses considérées (la population espionnée, les millions et milliards de messages, de données, d’informations, etc.) ; mais rien de surprenant, si l’on admet l’implication du corporate power dans l’alimentation du Système et le gigantisme sans frein, suscité par une paranoïa structurelle, des systèmes du technologisme et de la communication... Cela bien admis, et sans la moindre surprise, nous nous risquerons à quelques remarques.

• Lorsque le porte-parole de la Maison-Blanche du vertueux Obama déclare assez vaguement et sans trop se mouiller, «...that laws governing such orders are something that have been in place for a number of years now», il dit une évidence qu’il pourrait même élargir à des décennies en laissant tomber le détail peu important des “lois”. La NSA et le reste du complexe militaro-industriel, et le reste du Système, fonctionnent de la même façon depuis des décennies, et l’élan de 9/11 n’a fait qu’élargir démesurément et monstrueusement, et peut-être fatalement, sous le couvert de lois-bidon dont personne ne se préoccupe vraiment, une dynamique déjà existante. Il est évident que personne ne peut arrêter cela, et que personne ce contrôle plus cela. Il est évident qu’avec la NSA, nous nous trouvons devant une description graphique, technologique et statistique de l’emprise totale du Système sur ses propres activités, et par conséquent sur tout ce qu’il contrôle, qui représente si l’on veut l’univers officiel de notre civilisation, – du bloc BAO à la globalisation. Le Système est “in charge”, il commande, il décide, il conduit, il agit, – et, bien entendu, il se trompe. Confirmation, rien de plus...

• Confirmation certes, mais l’avantage étant qu’avec de telles révélations et de tels détails, avec un tel tintamarre, les ligues de vertu que sont notamment les grands organes de la presse-Système, qui sont les créations du Système également dans leurs fonctions présentes, doivent, par obligation statutaire, s’égosiller, se scandaliser, dénoncer ces diverses forfaitures. Il y a des “valeurs” à défendre, et l’on doit répondre à l’obligation d’accusation des exécutants de ces diverses félonie-Système. Cela met un peu d’animation, renforce le malaise général, augmente la paralysie des dynamiques politiques au pouvoir, etc. Ce n’est pas plus mal, et c’est même beaucoup mieux pour nourrir les entraves à la cohésion de l’ensemble.

• Mais la remarque principale que nous ferons concerne notre intense stupéfaction toujours renouvelée devant la considérable stupidité du Système (plus majusculé que jamais, pour l’occasion). Voilà que nous apprenons, sans la moindre surprise bien entendu mais tout de même avec des Himalaya de détails qui font prendre conscience du volume d’activité, que tout, absolument tout est espionné, compilé, formaté, documenté, etc. Alors, on peut mieux contempler le résultat de cette “base de données” universelle et globalisée qui devrait être également une base de contrôle absolu, une base de maîtrise complète, des événements, des organisations, des sapiens divers, surtout les dissidents et les marginaux, mais les autres aussi car tout le monde est un dissident qui s’ignore, et enfin de la marche du monde en général. Le résultat est, en effet, une totale inversion, mais vertueuse pour notre point de vue... On pourrait établir une sorte d’indice d’inefficacité et de stupidité, avec la corrélation existante entre le démarrage du programme PRISM (en 2006, semble-t-i), et l’accélération décisive des catastrophes, du désordre, de la perte de contrôle (effective en 2008). Ils contrôlent tout, maîtrisent tout, décryptent tout, mais ils ne voient rien venir, ne comprennent rien, n’entendent rien, absolument rien, – ni l’effondrement de Wall Street, ni le printemps arabe, ni la non-chute d’Assad, ni la séquestration qui emprisonne le Pentagone, ni les événements de Turquie, ni, ni, ni...

• Rarement, selon nous, aura été montré, de façon à la fois élégante et généreuse, le rapport intime, quasiment comme entre deux jumeaux où l’un se substitue à l’autre sans que nul ne s’aperçoive de rien... Disons, d’une façon symbolique bien plus qu’avec une exactitude statistique qui n’est pas notre tasse de thé, voici donc le rapport intime, quasiment incestueux, quasiment du même être entre lui-même et son double, entre la dynamique de surpuissance du Système (disons, le programme PRISM depuis 2006) et la dynamique d’autodestruction du Système (disons l’accélération des catastrophes depuis 2008).


Mis en ligne le 7 juin 2013 à 09H22