Bilan de l’anthropocène : la destruction du monde

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Bilan de l’anthropocène : la destruction du monde

Le World Wildlife Fund (WWF) a rendu public mardi 30 septembre son rapport bisannuel, dit Living Planet Index (LPI), qui rend compte d’une évolution encore plus catastrophique que précédemment évaluée des conditions du monde (ce que nous appelons la “crise de destruction du monde”) depuis 1970. Le facteur qui prédomine est le constat du déclin de la population animale sauvage de 52% depuis 1970, et non de 28% comme on l’estimait en 2008 (entre 1970 et 2008). D’autres observations sont intéressantes, comme ce constat que les pays les plus destructeurs en termes de consommation de ressources et de gaspillage rejoignent parfaitement la liste qu’on peut faire des pays complètement acquis au Système, construits sur l’argent et l’exploitation des ressources naturelles selon la seule optique du rapport, destructeurs des principes, etc., – bien sûr, des pays comme les USA, et d’autres comme les pays du Golfe (voir le Qatar)... Le classement établi selon l’indice dit de la Largest ecological footprints, donne le Koweït en tête, suivi par le Qatar, les EAU et les USA.

Russia Today rend compte du rapport du WWF le 30 septembre 2014 : «The world’s wildlife populations, including mammals, birds, reptiles, amphibians and fish, have dropped by more than half in the last 40 years, the World Wildlife Fund’s (WWF) said in its latest report. “Put another way, in less than two human generations, population sizes of vertebrate species have dropped by half,” Director General of WWF International Marco Lambertini said in a statement. [...] “We should feel a strong sense of urgency because we have to really deal with these issues in the next few decades,” Lambertini said. “We are using nature’s gifts as if we had more than just one Earth at our disposal. By taking more from our ecosystems and natural processes than can be replenished, we are jeopardizing our very future.”»

»The report found that Kuwait had the worst record in the past four decades, with the most resources consumed and wasted per head of any country, followed by Qatar and the United Arab Emirates. The US also has a bad track record, with the report noting that “if we lived the lifestyle of a typical resident of the USA, we would need 3.9 planets.” Other countries that left one of the worst ecological footprints included Denmark, Belgium, Trinidad and Tobago, Singapore, Bahrain and Sweden. Some of the poorer countries had better sustainability results, including India, Indonesia and the Democratic Republic of Congo.

»In terms of species, the biggest fall was reported among the populations of freshwater fish, down by 76 percent over the last four decades, the report stated. The loss of natural habitats, excessive hunting and fishing, as well as climate change were some of the main reasons behind the overall decline.

»Also, WWF said that the Earth has crossed three of out the nine identified “planetary boundaries,” which are “potentially catastrophic changes to life as we know it,” including biodiversity, carbon dioxide levels and nitrogen pollution from fertilizers. Another two are currently in danger of being crossed: ocean acidification and phosphorus levels in fresh water. “Given the pace and scale of change, we can no longer exclude the possibility of reaching critical tipping points that could abruptly and irreversibly change living conditions on Earth,” the report said.»

• Ce que met en évidence le rapport du WWF, c’est l’évolution vers une instabilité grandissante des conditions environnementales. Cette instabilité affecte les grands pays eux-mêmes, comme dans le cas rapporté parallèlement et présentant un exemple spécifique de “destruction du monde”, ce même 30 septembre 2014, également sur RT. Il s’agit de nouvelles, évidemment catastrophiques, de l’avancement de la sécheresse qui frappe la Californie depuis trois ans. Cette sécheresse est en connexion, bien entendu, avec la crise écologique sans précédent qui frappe tout le Sud-Ouest des USA (avec la situation spécifique de Las Vegas, dans le Nevada), renforçant de ce fait les déséquilibres internes des USA. La situation est résumée par les détails de circonstances qui deviennent de plus en plus habituels... «A growing number of communities in central and northern California could end up without water in 60 days due to the Golden state’s prolonged drought. [...] In January, Gov. Jerry Brown (D-Calif.) declared a drought state of emergency in preparation for water shortages, in particular during the summer months. The drought has entered its third year, and water restrictions have increased in the state.»

• Le rapport et les données du WWF ont l’avantage d’échapper à la polémique courante, essentiellement celle du global warming, polémique vaine, inutile et épuisée à force de manipulations. (Pour avoir notre précision sur cette question, voir plus bas.) Ils ont l’avantage de nous livrer en vrac ce que nous nommerions “le bilan de l’anthropocène”, c’est-à-dire de ce qui devrait devenir une nouvelle “ère géologique” dans le classement scientifique si la proposition d’une nouvelle identification est acceptée.

(L’ère de l’anthropocène, actant comme son nom l’indique l’action humaine comme un facteur décisif pour les conditions géologiques, indiquerait la période commencée à la fin du XVIIIème siècle, souvent selon la référence symbolique de l’année 1784, qui marque l’introduction de la machine à vapeur au Royaume-Uni. On sait que cet événement, cette datation autant que cette identification, tiennent une place essentielle dans notre propre rangement métahistorique. Le début de l’ère de l’anthropocène est jugé par nous comme la troisième révolution qui, avec la révolution américaniste et la Révolution française, marque ce que nous désignons comme l’événement du déchaînement de la Matière. On trouve de nombreuses références et analyses sur ce site, sur la question de l’ère de l’anthropocène, – par exemple le 4 novembre 2013 et le 21 novembre 2013, pour prendre deux parmi les plus récentes...)

Pour nous, l’ère de l’anthropocène incluse dans le “déchaînement de la Matière” ouvre la période de l’introduction du processus accéléré de la destruction du monde, notamment avec son opérationnalisation réalisée dans le Système, et précisément par le moyen mécanique du “choix de la thermodynamique” (Le choix du feu, selon Alain Gras) pour le développement technologique (système du technologisme). Cette “destruction du monde” a aujourd’hui une dimension statistique qui apparente cet épisode à la possibilité prospective d’un gigantesque holocauste, par des moyens extrêmement variés, allant de l’économie à la psychologie. Il apparaît évident pour nous que le problème ainsi posé par l’ère de l’anthropocène ne peut en aucune façon être réduit aux questions écologiques ou environnementales comme elles sont souvent évoquées dans le système de la communication et dans les milieux de la gestion de la politique-Système, c’est-à-dire en étant considérées d’une façon très fortement réductrice, voire marginales. Au contraire, ces questions écologiques et environnementales constituent un contexte général fondamental caractérisant les effets absolument destructeur du Système, dans le sens que nous évoquons souvent selon la formule dd&e (déstructuration, dissolution & entropisation). Elles ont un sens métahistorique évident et pèsent sur tous les événements importants depuis qu’elles sont apparues dans le contexte de l’ère de l’anthropocène.

C’est dans ce sens qu’on doit juger à la fois très intéressant et très significatif de retrouver parmi les “pays-tueurs” (du monde) les plus “performants”, dans le sens de l’inversion et de la subversion, quelques-uns de ceux qui sont cités comme les exemples les plus accomplis de la modernité, et même de la postmodernité, qui sont des créations absolument artificielles, sans relation avec l’Histoire, et dont la puissance est fondée sur l’exploitation du monde, sur la spéculation, sur la rapacité, sur l’artificialité la plus complète. De même, on retrouve parmi eux (cas du Qatar et des USA, éventuellement du Koweït) des pays qui sont fondamentalement producteurs de la politique-Système. Le rapport n’est pas fortuit, il est logique et inéluctable. La crise environnementale est de ce point de vue étroitement liée à la crise du Système autant qu’au désordre psychologique du point de vue de la perception et des conceptions qui en résulte dans les populations, au point qu’on peut dire qu’elle est la crise du Système et que tout le reste du désordre et des conditions de tension que nous connaissons lui est directement connecté. Sa dimension politique présente est également indéniable dans la mesure où elle interfère directement dans toutes les crises nées du Système, et qui sont déclenchées pour des causes dynamiques liées au Système, – et opérationnalisées sous la forme de l’affrontement entre la dynamique de surpuissance appliquée pour l’imposition du modèle-Système (libéralisme, marché libre, idéologie des droits de l’homme, etc.) et la résistance antiSystème. La difficulté est aujourd’hui de distinguer les formes que prend cet affrontement, de distinguer ce qui est issu du Système et ce qui est antiSystème, de bien retrouver ces tendances dans des conflits géopolitiques grotesques à force de complexité et de manipulation, et également d’écarter les polémiques et les débats inutiles (au nom de l’inconnaissance)... Cette observation nous conduit au sujet annexe suivant, sur le réchauffement climatique.

• Un dernier point sera par conséquent pour aborder le débat, – selon nous faux-débat par rapport aux capacités de simulacre du Système, – sur le global warming et tout le reste concernant le “changement climatique du aux activités humaines”. Il nous a semblé intéressant, dans le cadre de cette analyse, de rappeler notre position en renvoyant à un texte de Philippe Grasset du 10 août 2011. (La forme du texte qui est une réponse personnelle de PhG à un lecteur, développée dans le cadre de la rubrique Ouverture libre, emploie la première personne du singulier et plutôt le style polémique qui s’y accorde, mais le fond reflète effectivement une position claire sur la question. La référence “Derrida, Deleuze & Cie” concerne l’argument sylmbolique essentiel de l’analyse, le passage cité sur le global warming n'en constituant qu'une partie, – la troisième comme l'indique l'intertitre.)

 

Mis en ligne le 1er octobre 2014 à 14H32