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10 juillet 2003 — Peu à peu, au fur et à mesure que la réalité du piège se confirme et que ses explications sur les raisons d’aller en guerre se compliquent, il arrive à Blair la pire des choses : le ridicule, la dérision, voire la compassion. Pauvre Blair, dit-on désormais, en ne doutant plus une seconde, pour certains, que son départ, par lassitude et absence de crédit, n’est plus qu’une question de temps. Nicholas Kristof écrit dans l’International Herald Tribune, un article avec ce titre significatif : « The U.S. could use Blair if Britain gets rid of him », suivi de cette appréciation impitoyable :
« One of the saddest results of the war in Iraq is that it may finish off Tony Blair before Saddam Hussein.
» Everywhere I go in Britain, people dismiss Blair as President George W. Bush's poodle. Blair's Labor Party has fallen behind the Conservatives in the latest poll for only the second time in 11 years. “The Iraq critics think that the prime minister has betrayed his country to a Texas gunslinger,” William Rees-Mogg noted in The Times of London. »
Les amis américains de Blair viennent de lui asséner un coup de plus, un coup dévastateur (« devastating blow »). Au lendemain de sa prestation devant les députés britanniques où il avait renouvelé ses diverses convictions, concernant les WMD, les ignominies de Saddam, la juste cause de la guerre, et également sa conviction que l’affaire de l’uranium acheté au Niger par l’Irak est fondée, la Maison-Blanche précise que cet argument-là, effectivement utilisé par GW dans son discours sur l’État de l’Union et explicitement mentionné comme venant des Britanniques, ne vaut plus tripette à ses yeux. Cette prise de position ne pouvait venir à un plus mauvais moment, et elle est même présentée par The Independent, ce matin, comme une « smoking gun », c’est-à-dire un élément décisif (contre Blair). Les Américains ont présenté cette position sans avoir averti Blair préalablement, notamment avant son audition d’hier devant le Parlement, alors qu’ils savaient que Blair allait à nouveau présenter cette “preuve” comme très valable. Ce n’est pas complètement un coup de couteau dans le dos mais c’est une indifférence complète aux problèmes du Premier ministre britannique.
« In his address to Congress in January, Mr Bush said: “The British government has learnt that Saddam Hussein recently sought significant quantities of uranium from Africa.”
» But a statement approved by the White House on Monday said: “Knowing all that we know now, the reference to Iraq's attempt to acquire uranium from Africa should not have been included in the State of the Union speech. There is other reporting to suggest that Iraq tried to obtain uranium from Africa. However, the information is not detailed or specific enough for us to be certain that attempts were in fact made.”
» “In other words,” a White House official told The New York Times, “we couldn't prove it and it might in fact be wrong.” »
Cette affaire suit la publication du rapport des Communes sur les conditions d’entrée en guerre contre l’Irak (fabrication de preuves ou pas ? Etc.) Le bilan est plus que mitigé, surtout pour Blair. On attendait surtout que Alastair Campbell soit mis en cause, durant les auditions d’il y a deux semaines. En fait, Campbell sort blanchi de l’affaire. On ne lui reproche aucune manipulation de la vérité, aucune dissimulation délibérée, transformation de preuves, etc. Campbell ne peut plus faire office de fusible. Pour autant, il paraît improbable qu’il reste encore longtemps en fonction, tant des vindictes diverses se sont concentrées contre lui.
Par contre, le rapport est sévère pour le comportement du gouvernement. Il laisse planer bien des doutes, s’interroge, dit son insatisfaction, etc. Toutes ces questions s’adressent à Tony Blair et le rendent d’autant plus fragile. Le site WSWS.org synthétise et explique bien cet aspect du rapport.
« There is an almost schizophrenic character to the report, which in one paragraph exonerates Blair, Campbell, Straw and Defence secretary Geoff Hoon only to then hurl awkward questions that leave the government open to further attacks.
» The main reason for this is that the 11-strong committee had to make concessions to its Tory and Liberal members. Three Conservatives and one Liberal Democrat had forced a series of votes insisting that the report’s language be toughened up. And they were occasionally lent support by the committee’s Labour chairman, Donald Anderson, and more often by Labour maverick backbencher Andrew Mackinlay. In the end the committee only cleared Campbell of inserting the 45-minute claim on Anderson’s casting vote, which defeated a Tory amendment 6-5 that said the issue was “non proven” as MPs had not been given enough documentation to make a proper judgement.
» These concession in the main report helped prevent an even more damaging scenario whereby the non-Labour members could have issued a dissenting minority report and divided the committee openly on party lines. Even so, Tory FAC member Richard Ottaway stated publicly, “I have reached the conclusion the government did exaggerate the case for war in the run-up to the critical vote in Parliament,” and both Tory leader Iain Duncan Smith and Liberal Democrat leader Charles Kennedy have called for an independent inquiry. »
Aujourd’hui, Tony Blair apparaît à la fois comme un prisonnier de l’évolution de la situation interne sur ce dossier irakien, et, d’une façon plus générale, comme un Premier ministre extraordinairement affaibli et dépendant du rapport des forces politiques et de l’exploitation qu’on fera ou qu’on ne fera pas de cette affaire. Il est désormais installé au coeur d’une crise qu’il a lui-même laissée se développer et s’installer, et qui est devenue une crise endémique du pouvoir politique au Royaume-Uni. Tombera-t-il ? Sera-t-il obligé de démissionner à un moment ou l’autre ? Ces questions ont désormais moins d’importance.
Désormais, un débat devrait se développer au Royaume-Uni sur la politique qui a conduit à cette crise, notamment avec les aspects de la politique transatlantique d’alignement inconditionnel sur les USA. Dans ce cadre et sauf dans le cas d’un accident ou d’une crise politique extérieure grave, Blair est là pour tenir l’apparence d’ordre politique qui continue à régner. Son gouvernement ressemble à celui qui expédie les affaires courantes, simple garantie de la continuité et de la stabilité du système. Sa voix et son orientation ne sont désormais plus prépondérantes. En ce sens, on peut dire que l’époque Blair est finie, le problème étant de déterminer par quoi la remplacer.