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1460A chacun son Syriza-Varoufakis, son Donald Trump type-FN, etc., – tous à mettre dans le même sac antiSystème qui germe de tous les côtés et ne cesse de faire craquer les coutures serrées du Système. Nouveau venu incontestable : Jeremy Corbyn, en pleine jeunesse (66 ans), prétendant à la direction du parti travailliste britannique, parlant du “socialisme” en bras de chemise, connu pour ses engagements sacrilèges. Le spectacle est détaillé par Finian Cunningham dans sa chronique du 21 août 2015 de Sputnik-News, d’abord avec le portrait du héros improbable de la pièce...
«Jeremy Corbyn (66) is a veteran Labour Party backbencher who has consistently championed socialist policies, both in national and international spheres. He is planning to overturn the neoliberal dogma of economic austerity and unbridled pandering to the wealthy elite, and to boost British society with a massive investment program for public services. Corbyn is consistently anti-war over the past 30 years or so of his political life. He is against Britain’s servile following of US-led overseas militarism and has long been calling for nuclear disarmament. The North London MP wants to realign Britain’s foreign policy to have normal friendly relations with Russia, and to end British support for the illegal Israeli occupation of Palestinian land.
»He says he wants to make Britain a “fairer country” after nearly three decades of neoliberal capitalist disaster that has turned Britain into one of the most unequal countries among leading Western nations and a rogue imperialist warmongering power. Indeed, Corbyn is on record for stating that Blair should be prosecuted for war crimes owing to the US-British destruction of Iraq.
»Corbyn’s policies are hardly radical. Many people see his agenda as simply reasonable and democratic. But such is the de facto dictatorship of official political thought in Britain that Corbyn’s views are anathema to the establishment. Jeremy Corbyn, it seems, has news for the British establishment. There is an alternative and he is unabashedly pushing a socialist version. And ordinary Labour Party members appear to be agree with him. Not just party members, the wider public too. In recent weeks since Corbyn announced his candidacy for the party leadership, hundreds of thousands have joined Labour just to get the chance to vote for him...»
La panique est absolument totale et Tony Blair a été d’urgence ressorti de sa naphtaline doré et tapissée de dollars innombrables amassés au cours de ses tournées de conférence à $100 000 pièce et de ses postes richement rémunérés de conciliateur des problèmes insolubles, pour dénoncer la menace qui pèse sur sa démocratie si confortable. Cunningham détaille quelques coups fourrés que les “blairistes” (Tony Blair, Peter Mandelson balancé Lord de la Chambre du même nom, quelques autres vieux briscards du New Labour et la presse-Système qui va avec, etc.) ont déjà montés contre Corbyn, pour l’empêcher de déposer sa candidature ou pour faire invalider sa candidature. Tout cela est improvisé, maladroit, et jusqu’ici, n’a pas donné beaucoup de résultats. Il reste l’attaque constante, ad hominem, la diffamation, etc., de toute la presse-Système, du vertueux Guardian aux tabloïds du vertueux Rupert Murdoch. On ne prend plus de précautions : toute la lie richissime du Système, de droite à gauche, s’allie dans des agitations hystériques pour bloquer l’hérétique.
Toutes les élites-Système affirment qu’un tel amateur, un tel personnage “hors-Système“ n’a aucune chance de parvenir à un poste de direction, – mais l’Histoire, ironique, leur balance le paradoxe d’un précédent qui leur ouvrit les portes du pouvoir, – Margaret Thatcher, “hors-Système” fameuse, haïe de l’establishment, qui avait réussi à s’imposer contre l’establishment pour mettre en place la doctrine que l’establishment attendait sans le savoir précisément... Corbyn va-t-il retourner contre le Système la même aventure thatchérienne, mais cette fois en en faisant un brûlot antiSystème ? Le diable, le diable, toujours lui, accepterait bien d’en mourir de rire pour cette fois, confondu par les équipées paradoxales de ses fidèles... Voici donc quelques extraits du texte de Cunningham, nous montrant la presse-Système en pleine possession de sa liberté d’esprit et de son indépendance de jugement.
«The Guardian, for example, a New Labour-supporting outlet, has run a stream of opinion pieces by Blair and various pundits making shrill attacks on Corbyn. Blair has made the hysterical claim that a vote for Corbyn would lead to the annihilation of the party. Meanwhile, the rabid rightwing press are trying, but so far failing, to dig up all sorts of dirt. The Daily Mail has accused Corbyn of having links to international terrorism and being a “Holocaust denier”. This week, he was forced to publicly explain his past support for Palestinian resistance group Hamas and the Lebanese militia Hezbollah. The Murdoch-owned Sun has heaped slanderous caricature on Corbyn, calling him a “Marxist throwback” and “firebrand pensioner”.
»Nevertheless, in all the media maelstrom, Corbyn has remained calm and focused on the issues. He says: “We’re the one putting forward ideas, so I don’t do personal, I don’t do reaction, I don’t do abuse… Can we please – and I say this to everyone – just talk about the issues that people are facing: the poverty levels, the inequality levels, the health problems, the way in which austerity is impacting on the lives of the most vulnerable in society? That is what’s most important.” The irony is that the more Blair’s New Labour plot with the rest of the British establishment to bring Corbyn down the more ordinary citizens are rallying to his campaign.
»Evidently, it is not the principled socialist politician who is being discredited and appearing anachronistic. It is the entire British establishment and their corporate-controlled rightwing media, including the nominally leftwing Guardian, who are seen as waging a vicious war against people’s democratic aspirations.
»Maybe sometime in the past the British establishment could succeed in destroying an alternative voice, as they did with Labour’s Michael Foot and Tony Benn during the 1980s. But, today, the public no longer rely on the media mouthpieces of the establishment. They can make their own minds up with abundant alternative information sources. The surging popular support for Corbyn is proof of that. The British people have had it with the rich getting richer and the vast majority getting poorer. They have had it with war, state-sponsored lawlessness and “professional” politician-puppets like Tony Blair and his New Labour ilk.»
On entend toujours le même refrain, car ceci qui est dit à propos de Corbyn ne vaut-il pas exactement pour ce qu’on dit de Donald Trump ? “L’ironie est que plus [l’establishment] complote pour abattre Corbyn, plus les citoyens ordinaires sont nombreux à rejoindre sa campagne” («The irony is that the more Blair’s New Labour plot with the rest of the British establishment to bring Corbyn down the more ordinary citizens are rallying to his campaign»). Trump ici, Corbyn là, Varoufakis un peu plus loin, qu’importent les noms, qu’importent les intentions, qu’importent les programmes s’il y en a, etc. ? Ce qui importe, c’est bien entendu que le courant antiSystème ne cesse de trouver de nouveaux points d’ancrage, d’enfler et de prendre chaque jour de nouvelles vigueurs, en général à partir de points de départ au cœur du Système lui-même.
Un aspect remarquable de ce courant est qu’il se développe et se déploie sans aucun ordre, réservant sans cesse de nouvelles surprises parce qu’il surgit à chaque fois dans des occurrences et des situations où il n’y avait a priori aucune raison de l’y voir surgir. Il s’agit d’une sorte de révolte très inédite, marquée par le désordre, l’absence de coordination, qui ne vaut que par l'état d'esprit qui le caractérise, similaire chez tous les acteurs qui se dévoilent les uns après les autres : une hostilité furieuse contre le Système et tout ce qu’il produit. Dans le cas britannique, on observait un Royaume-Uni plutôt sur la réserve, qui semblait plutôt assoupi après les élections de mai dernier qui ont vu la débâcle des travaillistes, et qui ne semblait potentiellement producteur d’une poussée à coloration antiSystème qu’au travers de la victoire incontestable des indépendantistes écossais, avec une deuxième tentative d’affirmation indépendantiste, ou bien d’un résultat anti-européen au référendum imprudemment promis par Cameron pour l’année prochaine. Et voilà qu’on obtient une révolte somme toute assez classique au cœur même du parti travailliste («Corbyn’s policies are hardly radical.») mais qui prend des allures catastrophiques essentiellement à cause de la réaction de panique échevelée de l’establishment.
Ainsi donc, et une fois de plus dans le chef d’un de ces évènements de plus en plus nombreux au cœur du Système, le cas-Corbyn montre d’abord l’extrême fragilité de la psychologie du Système, l’extrême vulnérabilité des structures du Système, l’extrême sensibilité de la perception du Système. Ces gens, qui triomphent partout et affichent partout le contentement obscène des privilèges de ce triomphe, vivent pourtant dans une mentalité d’assiégés craignant le pire dans une forteresse formidable qui semble chaque jour plus inexpugnable et dont le sort ne cesse de les inquiéter de plus au plus, à mesure qu’elle ne cesse de se renforcer, – comme si, tiens, la surpuissance de son comportement se portait garante d'un effet d'autodestruction à mesure. Quelle drôle d'idée...
Mis en ligne le 21 août 2015 à 13H52
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