Blocages de système

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Deux très récents sondages et enquêtes statistiques sur l’opinion des citoyens américains méritent d’être signalés et commentés. Bien qu’ils portent sur des sujets très différents, ils doivent être commentés ensemble.

• Le premier est une enquête Gallup, présentée le 17 septembre 2010, qui montre que les Américains sont très largement en faveur d’un troisième parti politique. 58% des personnes interrogées répondent dans ce sens, 35% estimant que les deux partis suffisent. La même situation (58%-33%) s’était présentée en septembre 2007, ce qui avait donné dès janvier 2008 l’impulsion à la candidature Obama, son élection de novembre 2008 représentant le point maximal de redressement de la courbe (47%-47%), avant de chuter à nouveau pour retrouver, aujourd’hui, la même situation. Ainsi, l’expérience Obama avec retour au pouvoir exécutif des démocrates, pour le sauvetage du système après les années Bush, est-elle consommée par un échec total dans l’esprit du public US (aujourd’hui, 22% des Américains satisfaits des démocrates). Ce sentiment est formidablement anti-establishment, comme le montre un autre sondage Gallup du 7 avril 2010: 28% des sondés sont favorables à la réélection des parlementaires en place, 65% favorables à l’élection de nouveaux venus hors-establishment.

• Un autre sondage, selon RAW Story du 17 septembre 2010, montre que l’option d’une attaque militaire contre l’Iran est vastement désapprouvée par les citoyens américains. (Sondage du Chicago Council on Global Affairs.) Si l’Iran ne cesse pas le processus d’enrichissement de l’uranium, 18% favorisent une attaque, 41% de nouvelles sanctions et 33% des efforts diplomatiques renouvelés. Lorsque la question est posée au niveau de ce que doit recommander l’ONU, 21% sont favorables à une attaque, 45% à des sanctions supplémentaires, 26% à des négociations supplémentaires. A noter qu’une attitude de rupture du public avec l’establishment existe aussi pour Israël, comme le commente le 19 septembre 2010 John Mearsheimer à propos du même sondage. Alors qu'une majorité type-Politburo du Congrès est partisane d’une intervention militaire US pour défendre Israël en cas d’attaque non provoquée d’un de ses voisins, 47% des personnes interrogées le sont, et 50% y sont opposés.

@PAYANT Pourquoi effectivement rapprocher ces deux sondages ? Parce que les deux situations ont une certaine complémentarité, dans l’esprit des hypothèses en vogue dans tous les cas. Il est connu que les habituels faiseurs de manigances et d’arrangements manipulateurs divers envisageraient volontiers, devant le discrédit à la fois du gouvernement et du système (establishment), l’habituelle option d’une “bonne petite guerre” pour mettre tout le monde d’accord et susciter un regroupement patriotique autour du même establishment ; une attaque contre l’Iran, pensent les mêmes esprits, feraient l’affaire à merveille. Bien entendu, de telles hypothèses fiévreuses ont toujours eu cours et se sont rarement vérifiées, de tels projets ont souvent été élaborés et ont tout aussi rarement été menés à terme. Mais nous parlons, encore une fois, de la stabilité psychologique de l’establishment. Ce que nous disent ces deux sondages, c’est effectivement que cet establishment doit certainement se sentir de plus en plus coincé et bloqué, avec les portes de sortie habituelles (une attaque contre l’Iran comme diversion dans ce cas), celles qui donnent confiance même si elles ne sont pas ouvertes, condamnées en théorie par des sondages aussi déplorables.

Par conséquent, le mauvais état d’esprit des Américains moyens vis-à-vis de la perspective joyeuse d’une attaque apparaît effectivement comme un facteur supplémentaire du désarroi interne de l’establishment, et comme un événement de politique intérieure (ou de stabilité intérieure) bien plus que de politique extérieure. Il rend d’autant plus dramatique la situation décrite par le besoin d’un “troisième parti” par les citoyens US, c’est-à-dire le rejet des deux partis de l’establishment. Qu’on retrouve presque exactement les chiffres de septembre 2007 (certainement toujours valable en janvier 2008, sinon en pire, lors de l’arrivée d’Obama sur la scène politique) est particulièrement significatif, car c’est à cette époque que cumulèrent l’exaspération anti-Bush, suite à l’Irak et autres catastrophes, et l’exaspération anti-démocrate, suivant des mois d’inaction des mêmes démocrates après la reprise de la majorité au Congrès en novembre 2006. Obama profita de cette situation générale en créant un personnage “hors-système” (Africain-Américain, jeune sénateur sans expérience, – un bon point, – “Yes, we can” et ainsi de suite). L’opération le conduisit à la présidence, avec promesse de grands et vastes changements. C’est la période depuis ce point que les Américains ont incubée, et condamnée d’un même élan, retrouvant les mêmes chiffres de leur colère anti-establishment d’il y a deux ans et demi/trois ans.

D’autres enquêtes et analyses signalent effectivement que l’état d’esprit est extraordinairement hostiles aux deux partis, les intentions de vote se faisant en général contre les parlementaires en place, et cela expliquant que la déroute des démocrates dans les sondages (ils sont les plus nombreux en place) n’implique nullement une faveur pour les républicains. Actuellement, le soutien respectif des deux partis, chez tous les personnes sondées respectivement, sans distinction de parti, est de 33% (parti démocrate) et de 31% (parti républicain). Dans chaque cas, c’est une majorité de plus de 60% qui est hostile à l’un et l’autre partis… Cela explique combien les sondages pour les résultats des élections de novembre sont incertains, puisque toutes les intentions de vote sont indirectes, conduites par l’hostilité pour les autres selon les situations, plutôt que par la faveur pour celui pour lequel on s’apprêterait à voter. De même, cela explique combien les élections elles-mêmes ne résoudront rien, puisqu’il n’y a pas effectivement de “troisième parti” en tant que tel. De même, enfin, cela explique le rôle fondamental que va jouer Tea Party, selon le nombre d’élus (républicains de tendance Tea Party) qu’il aura, selon ce que les élus Tea Party feront de leurs mandats, selon le regroupement qu’ils effectueront effectivement ou pas au sein du Congrès, notamment au sein du caucus organisé par la députée Michele Bachmann.

Cette situation très diversifiée se confirme chaque jour comme très instable, avec un sentiment populaire extrêmement vif, avec des électeurs qui commencent à comprendre comment ils peuvent effectivement introduire des facteurs qui peuvent gripper la machine de l’establishment. Dans tous les cas, la situation présente n’est semblable à aucune autre, dans son intensité, et dans son éventuelle fécondité avec la possibilité inédite de voir la colère populaire s’exprimer concrètement et peser aussi fortement. Notamment, la situation n’a rien à voir avec novembre 1994, avec laquelle on l’avait d’abord comparée, quand un raz de marée républicain avait privé Clinton de tout soutien du Congrès. A cette époque, les républicains, emmenés par Newt Gingrich, étaient réellement populaires. Aujourd’hui, absolument rien de pareil. Ainsi n’y a-t-il jamais eu pour dés élections US, par la grâce de situations et de mécanismes complexes, la possibilité d’un affrontement direct entre la colère populaire et l’establishment, sans même la présence d’un parti populiste en tant que tel, qui servit le plus souvent quand il exista, de bouc émissaire sur lequel s’exerçait le discrédit et la diffamation (accusations d’anti-démocratisme, de fascisme, etc.) de la part des spécialistes du système de la communication. (Puisqu'effectivement, Tea Party n'est toujours pas un parti, ou bien, ajouterions-nous, a l'habileté de ne toujours pas être un parti, préférant la tactique de l'entrisme, évitant ainsi de polariser les attaques contre lui.)


Mis en ligne le 20 septembre 2010 à 13H52

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