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109520 août 2002 — Lorsqu'il est question d'argent, des avocats, des Américains et des Saoudiens, les choses deviennent sérieuses. C'est ce qui se passe actuellement, depuis qu'on sait qu'une action en justice a été intentée par les proches de 900 des victimes de l'attentat du 11 septembre, contre la famille royale saoudienne. Divers princes de la famille royale saoudienne (de 4.000 à 16.000 selon les décomptes) sont visés, et trois membres de cette famille, dont le ministre de la défense Prince Sultan bin abd al-Aziz al Saud, sont nommément désignés. Les sommes cumulatives demandées en dommages et intérêts atteignent le montant extravagant et pharaonique, et qui ne fait pas vraiment sérieux, de $100.000 milliards.
Conséquence immédiate : des rumeurs annoncent que les Saoudiens menacent de retirer leurs avoirs aux États-Unis, soit $750 milliards. La possibilité d'un tel retrait de ces investissements est prise très au sérieux.
« Bishr Bakheet of the Bakheet Financial Consultancy said: “Naming Prince Sultan is the equivalent of saying J. Edgar Hoover was a communist spy. Assuming the court proceeds with this lawsuit, the Saudi investment community, already in shock, will start withdrawing their money. People are really going to walk out.”
» This threat comes as foreign investment in the US dries up because of business scandals, lower corporate earnings and the collapse of the technology boom. According to government figures, foreigners put $124 billion into the US last year, down from $301 billion in 2000. »
Nous signalons ici l'importance de cet événement, dans ses conséquences possibles, sans épiloguer sur les plaintes, sur la validité des plaintes, ni sur rien du cas juridique et du cas politique, ni sur rien de la procédure elle-même ; nous choisissons simplement l'hypothèse, évidemment très valide, que nous suggère l'excellent monsieur Bishr Bakheet (« Assuming the court proceeds with this lawsuit »), et nous examinons les conséquences directes (retrait de l'argent saoudien) et les conséquences indirectes.
• La première chose à remarquer est que cette machine juridique a été lancée parce que les avocats du groupement de plaignants ont compris que les vents leur sont favorables. L'Arabie est partout honnie, aux USA, dans les milieux qui comptent ; le Saudi Bashing est du dernier chic. Une action juridique est logique. (Cette idée est confirmée par une source juridique indépendante à Washington, qui estime que « l'action n'aurait jamais été intentée dans un autre climat politique »). On comprend également qu'une fois lancée une telle action, en plus, avec à peu près 600 plaignants comme c'est le cas, il est bien difficile de bloquer la machine (comment faire un consensus de 600 personnes sur une reculade, dans une affaire aussi émotionnelle ?).
• Cela signifie que nous ne sommes plus dans un de ces jeux courants à Washington en ce moment : fuites, déclarations, démentis, conférence secrète d'un analyste de la RAND, etc. Nous sommes dans le domaine sérieux des questions juridiques privées, dans un domaine où les avocats sont rois, où le gouvernement n'a rien à dire. L'affaire est bien plus sérieuse que les pantalonnades diplomatiques et militaro-spéculatives auxquelles nous assistons depuis des mois.
• Cela signifie (suite) que la menace de retrait de l'argent saoudien est on ne peut plus sérieuse. Les Princes saoudiens peuvent-ils courir le risque de voir leurs avoirs bloqués par l'action en justice? A partir d'un certain point, le risque n'est plus acceptable.
• Effectivement, il existe désormais la menace d'un retrait de capitaux qui dégradera la situation économique américaine, entraînera d'autres fuites de capitaux, dégradera dramatiquement les relations politiques entre les USA et l'Arabie.
“Blowback”», — c'est le terme employé par la CIA, et utilisé par Chalmers Johnson dans son livre Blowback: The Costs and Consequences of American Empire,— pour caractériser les conséquences négatives inattendues des actions impériales/expansionnistes américaines. C'est le cas ici, sauf qu'il ne s'agit même pas d'action, mais de menaces d'action, de débat sur l'action, bref en un mot du désordre washingtonien. Curieux: la réalité catastrophique pourrait naître de l'agitation virtualiste.
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