Boeing (F-18E/F) se retire de la compétition suisse pour un nouvel avion de combat

Bloc-Notes

   Forum

Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 776

C’est une démarche rencontrée de plus en plus souvent: des variations dans la concurrence dans une compétition pour de nouveaux avions de combat, avec retrait ou arrivée inattendue dans le cours de la compétition (ou de la pré-compétition, avant clôture des soumissions). Boeing (avec le F-18E/F) s’est présenté en février-mars pour la compétition norvégienne (trop tard) et pour la compétition danoise (avec plus de chance d'y participer), contre le Gripen et le JSF. C’était un signe important selon lequel la victoire du JSF dans toutes les compétitions où il se présente, donnée pour certaine par tous les spécialistes de la science aéronautique, n’est pas si assurée que cela. Cette fois, c’est un retrait, et du même Boeing: retrait du F-18E/F de la compétition pour remplacer le Northrop le F-5E Tiger de la Force Aérienne Suisse (commande autour de 25 avions).

Cette compétition se retrouve, pour l’instant dans tous les cas (délai de dépôt des candidatures en juin), avec des concurrents seulement européens (le Dassault Rafale, l’Eurofighter Typhoon, le SAAB Gripen). C’est un cas intéressant, aujourd’hui, de voir les Américains abandonner un marché; c’est même quasiment un précédent pour le terme de la domination absolue de l’exportation des avions de combat par les USA, proclamée par ces mêmes USA après 9/11 et avec la poussée de fièvre impériale qui a suivi.

La justification du retrait par Boeing est assez confuse, ou bien impériale si l’on veut. Elle porte sur les capacités du F-18E/F, désignées comme “overqualified” (trop bonnes, quelque chose comme ça) par rapport à ce que veulent les Suisses, selon l’interprétation qu’en fait Andrew Chuter, de Defense News, le 1er mai:

«Boeing has withdrawn from the competition to replace the Swiss air force's F-5 fighter fleet, saying the latest version of the Super Hornet was overqualified to do the job the European nation required.

»Potential bidders for a deal which could see the Swiss purchase 24 new combat aircraft have until early July to respond to an initial request for proposals issued in January. A final request for proposals is expected early next year.

»The U.S. fighter supplier issued a statement April 30, saying that after a thorough review, it had decided against entering the competition “due to the disparity between the requirements for an F-5 replacement aircraft and the next generation capabilities of the F/A-18E/F Block II.”»

Boeing a donc mis près d’un an (depuis qu’il est officiellement candidat en Suisse) pour s’apercevoir qu’il est “trop bon” pour les Suisses. C’est beaucoup et c’est beaucoup demander à notre agrément. Effectivement, la décision des Américains, qui est encore plus exempte de précédent pour leur cas dans un marché d’un certain prestige (c’est le cas de la Suisse, dont la haute qualité des forces armées est reconnue), invite aux spéculations par l’explication même qui en est donnée. Sur le blog d’Aviation Week, Bill Sweetman, rédacteur en chef de Defense & Technologie International, se demande le 1er mai si les performances du F/A-18E/F pour la mission de défense aérienne ne sont pas en cause. Encore une fois, c’est prendre bien du temps pour se rendre à l’évidence.

Si on a parlé d’entrée-surprise plus haut, on doit aussi parler de retrait-surprise. Avant le F/A-18E/F de la compétition suisse, il y a eu le retrait du Typhoon de la compétition norvégienne, en décembre 2007. Ce retrait a suggéré que ce type de décision portait en général sur des questions de politique générale (du pays acheteur), plutôt que sur des questions techniques. Il a été rapporté que les Européens d’EADS s'étaient convaincus que le JSF était gagnant d’avance à cause de l’orientation pro-US de la Norvège, ce qui est la conviction de la plupart des avionneurs européens (sauf SAAB...); on verra, mais les industriels à la pointe du progrès, surtout européens, nous ont souvent montré qu’ils aimaient s’attarder aux schémas géopolitiques dépassés, surtout quand il s’agit des USA, – dans ce cas (le cas norvégien), celui de la toute-puissance US, qui impose ses volontés. Ce temps-là est-il passé?

C’est peut-être le cas en Suisse. Le retrait de Boeing correspond peut-être à la conviction des Américains qu’ils n’auraient pas été choisis notamment parce qu’ils sont Américains. Certains échos de ces deux dernières années ont répercuté une insatisfaction (suisse) des rapports avec les USA dans le cadre de l’achat des F/A-18A/C (première génération du F-18, déjà un avion Boeing suite au rachat de McDonnell Douglas) et une volonté politique de la Suisse d’acheter du matériel non-US, c’est-à-dire spécifiquement du matériel européen.

A noter que le site politically correct (dito, très naturellement pro-US) DID, qui publiait le 30 avril une analyse sur le marché suisse, introduisit in extremis la nouvelle du retrait de Boeing mais en y laissant le commentaire manifestement écrit avant cette nouvelle. L’idée d’une hostilité suisse à un achat US y est présente (quoique le “often the case in Europe” sonne étrangement quand on songe à la pénétration US en Europe dans ce domaine).

«As is often the case in Europe, opposition to sales from American firms can be expected to be a factor for the Super Hornet. Concerns have also been expressed concerning the ability to fit these aircraft into the Swiss aircraft shelters, many of which are carved into mountainsides; prior to the announcement, there had been rumors that the Super Hornet would be excluded from the competition. The Super Hornet is a legitimate competitor, but one flying into strong headwinds.

»In the end, however, the question became moot. Boeing looked at the RFP requirements, and decided not to bid.»


Mis en ligne le 2 mai 2008 à 14H04