Bolton à la chasse à l’Erdogan

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Bolton à la chasse à l’Erdogan

• Une réconciliation Erdogan-Assad sous les auspices du maudit Poutine : une révolution diplomatique qui signe une défaite majeure des USA et accélère la fin de l’hégémonie américaniste. • Dans cette fresque colossale, on retrouve un porte-flingue, un classique des neocons, John  Bolton qui réclame le retrait de la Turquie de l’OTAN. • On peut toujours prendre les paris pour une ‘colour revolution’ dont ce Bolton est le zélé partisan, à Ankara pour les élections de juin. • Dans tous les cas, on peut croire qu’il essaiera et l’on est sûr qu’il échouera.

John Bolton, infatigable porte-flingue des neocon depuis le début du siècle, est à nouveau en campagne. Il retrouve un vieil adversaire : Erdogan et sa Turquie, qui sont en train de réaliser un coup fumant : la réconciliation avec Assad sous les excellents auspices de Poutine. Pourtant, tout, du côté de la Russie (et par conséquent, de la Syrie) semblait annoncer le contraire depuis le 24 février 2022, comme le note M.K. Bhadrakumar dans ‘Asia Times’ :

« La vision conventionnelle voulait que les intérêts géopolitiques de la Russie et de la Turquie entrent inévitablement en collision une fois les vannes ouvertes en Ukraine. C'est là que réside le paradoxe, car ce qui s'est passé est tout à fait contraire... »

Une série de trois phases (la première réalisée) est en cours, pour concrétiser la réconciliation entre la Turquie et la Syrie, qui serait pour l’œuvre de l’étonnante habileté diplomatique de Poutine.

• La première phase a donc eu lieu à Moscou, le 28 décembre 2022, entre les trois ministres de la défense et les trois chefs des services de renseignement de la Russie, de la Syrie et de la Turquie. Le ministre turc de la défense Hulusi Akar a déclaré le lendemain, avant de quitter Moscou en avion :

« Lors de la réunion [à Moscou], nous avons discuté de ce que nous pouvions faire pour améliorer la situation en Syrie et dans la région le plus rapidement possible tout en assurant la paix, la tranquillité et la stabilité.... Nous avons réitéré notre respect pour l'intégrité territoriale et les droits de souveraineté de tous nos voisins, en particulier la Syrie et l'Irak, et que notre seul objectif est la lutte contre le terrorisme, nous n'avons pas d'autre but. »

• Une rencontre des trois ministres des affaires étrangères devrait suivre ce mois-ci, sans doute à Doha (EAU), – un lieu montrant l’adhésion des pays du Golfe à la démarche. Au-delà, le clou du processus : une rencontre Erdogan-Assad, sans doute en présence de Poutine. Bhadrakumar entame son article en nous dressant la toile de fond, ce par quoi tout a commencé dans l’actuelle séquence, jusqu’aux péripéties sans nombre dans le chaos syrien :

« Le rideau se baisse sur le brutal conflit syrien, vieux de 11 ans, que l'ancien président américain et lauréat du prix Nobel Barack Obama a initié alors que le printemps arabe déferlait sur l'Asie occidentale il y a deux décennies.

» Les États-Unis ont subi un nouveau revers important en Asie occidentale en cette fin d'année 2022. Le processus de réconciliation turco-syrien en cours, sous la médiation de la Russie, doit être considéré comme une saga de trahison et de vengeance. 

» En 2011, Ankara a subi d'énormes pressions de la part de l'administration Obama pour qu'elle soit le fer de lance du projet de changement de régime en Syrie. Obama avait allègrement supposé que la Turquie servirait avec empressement de cavalier de l'islamisme “modéré” pour la transformation de l'Asie occidentale... »

Puis il y eut les cahots divers de la politique US, avec des engagements non tenus, notamment sinon essentiellement d’Obama vis-à-vis des Turcs. Ce pourquoi, termine Bhadrakumar, selon une approche qui pourrait aussi bien convenir au sentiment de Poutine, – ô combien ! – on conclut ceci :

« Le processus de réconciliation d'Erdogan avec Assad est la quintessence de sa douce vengeance pour la trahison américaine. Erdogan a demandé l'aide de la Russie, l'archétype du pays ennemi dans le viseur des États-Unis et de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, afin de communiquer avec Assad, qui est un paria aux yeux des Américains. La matrice est évidente. »

La colère américaniste l’est aussi, évidente, les USA n’aimant guère être pris dans les conséquences logiques de leur catastrophique et déloyale politiqueSystème. Colère évidente du voyou mis à jour et à nu, car jamais les USA n’ont essuyé une telle série de revers diplomatiques et autres depuis plusieurs mois, et certes l’affaire Russie-Syrie-Turquie est l’un des pires. Le rôle de l’“Américain en colère” est donc confié à un spécialiste du genre, l’“infatigable porte-flingue des neocon depuis le début du siècle”.

Erdogan, fraudeur en juin 2023

C’est donc par un article dans le ‘Daily Express’, – des neocons anglais, les pires, – que Bolton a exprimé lundi toute sa rage en ne demandant rien de moins, dans le cours d’un article à la gloire de Zelenski, – ‘who else ?’ – que l’expulsion de la Turquie de l’OTAN. On passe d’ailleurs, par ce canal, d’un ratage à l’autre : c’est moins l’affaire turco-syrienne qui est mise en avant dans son article, que le péché d’absence d’antirussisme d’Erdogan sur le champ de bataille de l’Ukraine.

« John Bolton, l'ancien conseiller à la sécurité nationale du 45e président américain Donald Trump, a estimé lundi 2 janvier que l'adhésion de la Turquie à l'OTAN devrait être remise en question en 2023... Cela en raison de la réticence manifeste des autorités turques à adopter une position antirusse ferme sur le conflit en Ukraine a-t-il ajouté dans son article paru lundi soir dans le Daily Telegraph.

» Dans les mois à venir, Bolton a déclaré qu'il pensait que : “l'unité et la détermination de l'Occident seront véritablement testées dans la pratique. La Finlande et la Suède ont pris la décision stupéfiante de rejoindre l'OTAN, mais les partenaires commerciaux et militaires de la Russie ne l'ont pas encore abandonnée au moment où elle en a besoin”.

» “Malheureusement, cela inclut la Turquie, dont l'adhésion à l'OTAN devrait être remise en question en 2023 si le président Recep Tayyip Erdogan, – probablement par la fraude – sera réélu lors des élections prévues en juin”. »

D’un point de vue opérationnel, – Bolton est une teigne opérationnelle, – un mot est à retenir ici : “fraude”. Il s’agit de la réélection probable d’Erdogan de juin prochain, d’ores et déjà déclarées frauduleuses. C’est un bon argument de ‘regime change’, n’est-il pas ?

La haine cuite et recuite de Bolton

Il y a des liens antagonistes divers entre Bolton et Erdogan, son régime et son pays ; de même, comme il y a des liens antagonistes divers entre les USA et leur politique de ‘regime change’ d’une part, Erdogan, son régime et son pays d’autre part. C’est à partir de ces données de base qu’il faut apprécier l’article de John Bolton, qui est un véritable “soldat” du Système, comme la ‘Cosa Nostra’ du temps de Luciano et Genovese avait ses tueurs qu’elle nommait ses “soldats”.

Depuis les aventures syriennes rapidement évoquées au travers d’extraits de l’article de Bhadrakumar, puis les relations avec les USA tournant au vinaigre, il y a eu justement un “tournant” qui est la tentative de coup d’État contre Erdogan de juillet 2016, que l’aide de Poutine et du GRU ont permis de déjouer. (On peut voir de nombreux textes sur les sujet, par exemple les 21 juillet 2016 et 28 juillet 2016, avec des références dans chacun d’eux.) Il y eut même une interprétation intéressante de l’achat de S-400 tusses par Erdogan, selon l’image que ces S-400, totalement indépendants de l’OTAN, pouvaient servir d’une sorte de “garde prétorienne” d’Erdogan (voir le 14 juillet 2019) contre des entreprises déstabilisatrices auxquelles se seraient prêtées ses propres forces aériennes, – dont le comportement est analysé historiquement dans le texte référencé.

Il y eut des contacts (encore) plus direct entre Bolton et le régime d’Erdogan en 2019 encore, lorsque Bolton occupait le poste de conseiller de sécurité nationale de trump (nomination absolument aberrantes de Trump !). Bolton voulut soumettre la Turquie à un chantage concernant la protection des Kurdes et se fit ramasser de la plus humiliante des manières...

« L’objectif principal était la Turquie d’Erdogan qui devait assurer qu’elle n’attaquerait pas les Kurdes tandis que Bolton avait dans l’idée que, dans ces conditions (Erdogan acceptant de plier), les forces US devraient tout de même rester un certain temps et peut-être même très longtemps pour protéger les Kurdes contre Assad et les Russes, immédiatement supposés-agresseurs. Puisqu’on y était, on pouvait même envisager une attaque contre Assad avant même qu’il ait lancé l’attaque chimique et bidon habituelle pour justifier une riposte préventive des USA (donc, avant que l’attaque ait eu lieu), etc.

» Dans tous les cas, l’exercice commençait par une capitulation en direct d’Erdogan sous la direction de John Bolton. Les Turcs devaient donc donner toutes les garanties aux USA pour la sécurité des Kurdes. Cela ne se passa pas du tout comme cela : l’humeur d’Erdogan était détestable et Bolton le sentit bien, dès arrivé à Ankara hier matin après une fructueuse journée d’embrassades avec les amis-israéliens. Accueil glacial, refus d’Erdogan de le recevoir, entretien de la délégation US avec des sous-fifres instruits d’opposer une fin de non-recevoir , etc. Bolton fut servi sur un plateau d’argent. ZeroHedge.com nous en instruit ... [...]

» .. Et puisque tout le monde est d’accord, ZeroHedge.com conclut lui-même : “L’excellent blog géopolitique ‘Moon of Alabama’ conclut justement : ‘Et de cette façon, Bolton fut complètement humilié et la question du retrait US de Syrie fut renvoyée à Trump.’” »

On comprend donc qu’à sa rage destructrice naturelle de neocon, Bolton ajoute sa fureur individuelle et haineuse de l’humiliation qu’il eut à subir à Ankara où il pensait que le vizir l’attendait à genoux pour entendre ses ordres. Pour cette raison, on jugera l’article de Bolton de lundi dernier beaucoup plus “parlant” qu’il ne nous parle déjà, à voix haute. Et le mot “fraude” figure en lettres de feu pour dessiner dans quel sens iraient, en juin prochain, des grandes manifestations démocratiques dénonçant la réélection d’Erdogan, et l’intervention démocratique d’une armée de l’air venant à l’aide du soulèvement populaire.

... En attendant, la sanction est proclamée : si Erdogan poursuit et confirme dans cette voie, la Turquie devrait être exclue de l’OTAN. Est-ce un ballon d’essai d’un Bolton solitaire et furieux ? Nous ne le pensons pas vraiment, car il y a bien assez de fous à Washington, et le canal agréé du ‘Daily Express’, pour porter l’estampille-neocon officielle de la direction de l’asile. On doit donc penser, si l’on veut bien tracer une ligne droite comme chemin le plus court d’un point à un autre, que l’opération de ‘regime change’ sera officiellement approuvée officieusement par Evere, et les petits fours seront disponibles sur la base d’Incirlink. Tout se passera comme prévu, échec de la tentative compris. La catastrophe suivra son cours et Ankara adhérera à l’Organisation de Coopération de Shanghai.

Bolton “fera le job

Dans une très récente vidéo (le 4 janvier), Mercouris rapportait les propos d’un journal proche du gouvernement syrien affirmant qu’un accord avait été établi lors de la rencontre des ministres de la défense à Moscou, le 28 décembre, pour un retrait de toutes les forces turques de Syrie, les seules forces étrangères y demeurant alors étant l’enclave kurdo-américaniste, cela faisant que les Ettats-nis deviennent ainsi, de facto, l’ennemi commun des Turcs et des Syriens réconciliés. Un joli contrepied.

« C’est un énorme événement, une révolution diplomatique, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle voit la Turquie abandonner sa politique de ‘regime change’ en Syrie, et la Syrie et la Turquie devenant alliés de facto, non seulement contre les Kurdes, mais aussi contre les États-Unis... »

Comprend-on dès lors la rage qui a envahi Bolton et l’a conduit à son furieux pamphlet du 2 janvier ? Il est assuré que les neocons préparent pour les élections en juin, en Turquie, une formidable ‘révolution de couleur’, quasiment arc-en-ciel cette fois, complètement wokeniste. L’étrange aventure neocon qui devait révolutionner le Moyen-Orient semble se réduire comme une peau de chagrin au contingent de forces spéciales US, pompant comme des voleurs le pétrole syrien, jouant au protecteur des Kurdes comme d’habitude empêtrés dans leur choix catastrophique d’alliance.

 « Les grands projets neocons démarrent tous dans le grandiose et se terminent dans des échecs abjects... Leur projet de réorganiser le Moyen-Orient à l’avantage définitif des USA se terminant par l’exclusion des USA du Moyen-Orient ! »

Les ennemis des USA étant bien entendu ceux que l’on voit s’agiter, il apparaît évident que le vœu de Bolton d’exclure la Turquie de l’OTAN va se trouver conforté par les forces supérieures qui ont précipité depuis des décennies le DeepState dans les grossières erreurs d’un hybris à deux balles, celui du ‘règne de la quantité’. Elles s’entremettront également pour accélérer les projets à la Pieds-Nickelés de ‘colour revoluton’ que Bolton va nécessairement susciter. Tout cela ne se fera pas nécessairement, mais suffira pour instiller au sein de l’OTAN un désordre d’excellente facture.

Il y a dans ces réflexions à peine ironiques et sans doute assez faciles reconnaissons-le, un fond de vérité-de-situation, de VdS comme dirait le Pentagone. Les neocons dont Bolton est un beau fleuron, mis à part toutes leurs harassantes ascendances, généalogie et racines-sources, entre straussiens et trotskistes, leurs philosophiqueries et autres colifichets pour éditoriaux de la presseSystème dont on les orne pour bien figurer dans le carnaval et nous faire prendre des torchons volant vers la poubelle pour des aigles tournoyant dans le Grand Soleil,  semblent effectivement investis d’une sorte de Mission-Sacrée. Cela, au moins, leur assure une place dans l’histoire, – et même, surprise surprise, dans la métahistoire. Ils n’en savent rien, – Dieu les en préserve dans Son immense bienveillance, – mais ils sont bien là pour achever l’ouvrage, le grand’œuvre, le patatras final de l’effondrement. Ils sont très utiles, il ne faut pas s’en cacher ; ils sont catastrophiques franco de port, sans jamais n’y rien comprendre. Ils tiennent leur rôle et leur rang, et s’ils n’avaient pas existé nous eussions dû les inventer pour conduire le ‘Titanic’ vers les récifs de glace.

Bolton “fera le job”.

 

Mis en ligne le 6 février 2023 à 07H 00