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6339Après la “sortie” de Trump sur la Syrie puis l’Afghanistan, la situation était bouleversée à Washington D.C. Il y eut une contre-attaque en règle et selon toutes les règles, appuyée sur les deux atouts-maîtres restant dans le War Party : le conseiller à la sécurité nationale et directeur du NSC John Bolton et le secrétaire d'Etat Mike Pompeo. On prenait à nouveau les paris et cette fois, – rien de moins qu’une fois de plus après tout, dans une longue série qui semble sans fin, – on donnait à dix ou cent contre un Trump perdant, victime du nième “coup d’État en douceur” (“Soft Coup”). Effectivement, le tandem Bolton-Pompeo entreprenait une croisade au Moyen-Orient pour remettre les pendules à l’heure.
L’objectif principal était la Turquie d’Erdogan qui devait assurer qu’elle n’attaquerait pas les Kurdes tandis que Bolton avait dans l’idée que, dans ces conditions (Erdogan acceptant de plier), les forces US devraient tout de même rester un certain temps et peut-être même très longtemps pour protéger les Kurdes contre Assad et les Russes, immédiatement supposés-agresseurs. Puisqu’on y était, on pouvait même envisager une attaque contre Assad avant même qu’il ait lancé l’attaque chimique et bidon habituelle pour justifier une riposte préventive des USA (donc, avant que l’attaque ait eu lieu), etc.
Dans tous les cas, l’exercice commençait par une capitulation en direct d’Erdogan sous la direction de John Bolton. Les Turcs devaient donc donner toutes les garanties aux USA pour la sécurité des Kurdes. Cela ne se passa pas du tout comme cela : l’humeur d’Erdogan était détestable et Bolton le sentit bien, dès arrivé à Ankara hier matin après une fructueuse journée d’embrassades avec les amis-israéliens. Accueil glacial, refus d’Erdogan de le recevoir, entretien de la délégation US avec des sous-fifres instruits d’opposer une fin de non-recevoir , etc. Bolton fut servi sur un plateau d’argent. ZeroHedge.com nous en instruit :
« La Turquie accentue l’attaque contre John Bolton à la suite des mésaventures du conseiller de sécurité nationale ce week-end au Moyen-Orient puis en Turquie même. Bolton s’est vu notamment refusé une rencontre avec Erdogan qu’il avait demandée. Bolton est maintenant traité de “voyou” pour avoir tenté de réduire à néant la décision de retrait de Trump sur la Syrie en établissant ses propres conditions préalables, écrit dans un éditorial le journal turc Sarbah, le plus en vue et le plus proche du gouvernement et d’Erdogan.
» Sabah [...] écrit le 8 janvier qu’un “coup d’État en douceur contre Donald Trump” était en cours mais que le ”malhonnête conseiller pour la sécurité nationale” de Trump a eu un “réveil brutal” lors de sa visite en Turquie hier... »
... Et puisque tout le monde est d’accord, ZeroHedge.com conclut lui-même : « L’excellent blog géopolitique ‘Moon of Alabama’ conclut justement : “Et de cette façon, Bolton fut complètement humilié et la question du retrait US de Syrie fut renvoyée à Trump.” »
Après cet épisode lamentable du “voyou” Bolton à Ankara, on connaissait une péripétie de plus, hier, avec une déclarationdu ministre turc des affaires étrangères turc Mevlut Cavusoglu annonçant successivement des entretiens bilatéraux avec l’Iran et un sommet avec les trois d’Astana (Iran, Russie, Turquie), tout cela lié au retrait US de Syrie... Puis ces précisions concernant ce retrait, qui pourraient après tout paraître assez ironique à certains, vis-à-vis de ces USA type-Bolton qui ne cessent de clamer qu’ils entendent faire danser la Turquie à leur rythme, bannir les horribles Russes de la région et écraser l’Iran sous les bombes :
« Les Etats-Unis rencontrent certaines difficultés dans leur processus de retrait de leurs forces de Syrie. Avec la Russie et l’Iran auxquels nous sommes liés et structurés dans le cadre du processus d’Astana, nous voulons coordonner ce processus de retrait des forces US pour empêcher les terroristes de combler les vides ainsi créés... »
Assez curieusement, l’initiative de Bolton a eu comme effet de resserrer les rangs entre les trois partenaires d’Astana, notamment avec la Turquie que certains soupçonnaient de vouloir directement prendre la place devant être laissée vacante par les USA. Le revenez-y de Bolton (“Finalement, nous ne partons pas, ou alors à nos conditions expresses”) semble avoir fait taire ces divergences, comme si tout le monde n’avait qu’un seul objectif central avant les chamailleries entre eux : que les hordes américanistes foutent enfin le camp !
Cela dit, on remarquera que Cavusoglu évoque « certaines difficultés » des USA à évacuer leurs troupes. Pourquoi et comment ?Pas assez de camions ? Plus d’essence ? En fait, il nopus semblerait bien qu’il s’agit d’une absence de coordination, certes, mais dans les rangs des similis-putschistes qui semblent bien être gros d’initiatives bouffes plutôt que d’audaces tragiques. Diverses observations, recueillies ici et là, conduisent à plusieurs hypothèses qui, plutôt que se substituer l’une à l’autre, sembleraient plutôt devoir s’additionner.
• Y a-t-il un front uni Bolton-Pompeo ? Il semblerait bien que Pompeo ait laissé tomber Bolton en rase-campagne, préférant s’engager dans une “tournée des popotes” auprès de plusieurs pays arabes, qui ne mange pas de pain. Pompeo passe donc d’une capitale l’autre pour ranimer les énergies contre l’Iran, alors que ces capitales bruissent de rumeurs de réconciliations, essentiellement avec la Syrie, c’est-à-dire nécessairement un peu avec l’Iran. La mission de Pompeo relève donc plutôt du tourisme.
• Primitivement, on attendait que Bolton soit accompagné de Pompeo pour le gros morceau Erdogan-Turquie. La balade de Pompeo loin de ces difficultés laisse à penser qu'iol se pourrait que le secrétaire d’État a tenu à prendre ses distances d’une initiative que Trump pourrait effectivement considérer comme un “Soft Coup”, et éventuellement sanctionner à mesure.
• Y a-t-il un front uni Bolton-Pentagone ? Il n’est nullement assuré que le général Dunford, le président du comité des chefs d’état-major, qui fait partie de l’équipe Bolton en Turquie, soit tout à fait à l’aise avec l’idée d’une position qui ressemble un peu trop à de l’insubordination. Un Marine reste un Marine, et même s’il préfère bien entendu que ses forces restent en Syrie, Dunford n’est sans doute pas prêt à déroger à une règle centrale de son cadre de vie pour cela ; comme Mattis, un Marine comme lui, il préférerait démissionner.
En un mot, l’affaire était bien mal préparée et le désordre des pseudo-putschistes n’a rien à envier au désordre de celui qu’ils veulent contourner sinon renverser. Le résultat net pour l’instant, c’est un recul supplémentaire, et d’une importance notable, de l’influence des USA dans la région, sous les yeux effarés des observateurs devant ce désordre interne autant que celui que sème à l’extérieur l’action des USA. Et puisque nous y sommes, demandons à l’Iran et à la Russie un coup de main pour patauger un peu plus dans le bourbier que tous les émissaires américanistes semblent porter avec eux, comme de la boue sur des escarpins dans un champ en jachère par jour de grosse pluie.
Nous n’en avons pas fini avec ce feuilleton... En fait, dans la situation actuelle de “D.C.-la-folle”, tout, absolument tout devient un feuilleton rocambolesque et sans fin, – y compris, et même particulièrement les “Soft Coup”.
Mis en ligne le 9 janvier 2019 à 15H04