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887On devrait se rappeler qu’en 2007, le 20 avril 2007 pour nous, John McCain avait eu l’exquis à-propos de reprendre, lors d’un de ses discours, une chanson fameuse de sa jeunesse, des Beach Boys, dont le titre est Surfin’ USA, et, sur le même air, d’annoncer son programme : Bomb, Bomb, Bomb Iran. Traduction inutile, certes, et écho d’un temps où l’attaque contre l’Iran était littéralement au menu quotidien de tout politicien sérieux aux USA, dès lors qu’il était devant sa galerie. Là-dessus et le temps passant depuis cette époque de 2006-2008, l’on pouvait penser qu’après tant d’années (depuis 2008) de rencontres, de négociations, bref d’“humanisation” des relations du bloc BAO (des USA) avec l’Iran, en plus en présence d’une équipe au pouvoir à Teheran qualifiée de “libérale” ou tout comme, cette sorte de promotion d’une politique d’agression délibérée avait vraiment retrouvé sa dimension d’origine, – c’est-à-dire, le ridicule d’une bellicisme de communication. Ce n’est pas le cas.
... Ce n’est pas le cas, comme le remarque, le souffle un peu coupé, Robert Parry, de ConsortiumNews, le 29 mars 2015. Parry relève, coup sur coup en une grosse décade, deux articles dans les grandes pages Op-Ed, successivement, du Washington Post (le 14 mars 2015) et du New York Times (le 26 mars 2015), sous les signatures de Joshua Muravchik et de John Bolton respectivement. (Parry avait déjà commenté l’article de Muravchik sur ConsortiumNews, le 17 mars 2015.) Le commentaire de Parry du 29 mars s’attache notamment au contenu de l’article de Bolton, comme, auparavant, il s’était attaché au contenu de l’article de Muravchik. Ce n’est pas essentiellement ce qui nous importe ici, puisqu’il s’agit d’un débat rabâché et rabâché encore depuis au moins dix ans ; depuis ce temps (exactement le 19 février 2005) où une appréciation du président GW Bush de passage à Bruxelles concernant la politique des USA vis-à-vis de l’Iran dans cette question du nucléaire, – «All the options are on the table», – fit effectivement envisager l’hypothèse d’une attaque contre l’Iran. Ce qui nous importe est l’appréciation générale que Parry retire de la présence de tels articles, aux USA et maintenant, dans la plus prestigieuse presse-Système possible, et aussi la logique générale totalement invertie qui préside à leur argumentation, à leur valeur, donc à leur légitimité à se trouver où on les trouve les 14 et 26 mars 2015...
«If two major newspapers in, say, Russia published major articles openly advocating the unprovoked bombing of a country, say, Israel, the U.S. government and news media would be aflame with denunciations about “aggression,” “criminality,” “madness,” and “behavior not fitting the Twenty-first Century.” But when the newspapers are American – the New York Times and the Washington Post – and the target country is Iran, no one in the U.S. government and media bats an eye. These inflammatory articles – these incitements to murder and violation of international law – are considered just normal discussion in the Land of Exceptionalism. [...]
»...Both articles called on the United States to mount a sustained bombing campaign against Iran to destroy its nuclear facilities and to promote “regime change” in Tehran. Ironically, these “scholars” rationalized their calls for unprovoked aggression against Iran under the theory that Iran is an aggressive state, although Iran has not invaded another country for centuries. [...]
»But beyond the hypocrisy and, arguably, the criminality of these propaganda pieces, there is also the neocon record of miscalculation. Remember how the invasion of Iraq was supposed to end with Iraqis tossing rose petals at the American soldiers instead of planting “improvised explosive devices” – and how the new Iraq was to become a model pluralistic democracy? Well, why does one assume that the same geniuses who were so wrong about Iraq will end up being right about Iran? What if the bombing and the subversion don’t lead to nirvana in Iran? Isn’t it just as likely, if not more so, that Iran would react to this aggression by deciding that it needed nuclear bombs to deter further aggression and to protect its sovereignty and its people?
»In other words, might the scheming by Bolton and Muravchik — as published by the New York Times and the Washington Post — produce exactly the result that they say they want to prevent? But don’t worry. If the neocons’ new schemes don’t pan out, they’ll just come up with more.»
Il nous paraît inutile de revenir sur l’enfermement paranoïaque et le réductionnisme militariste des analyses des va-t-en-guerre, sur le paroxysme également paranoïaque de leurs arguments, sur leur désintérêt complet pour quelque “vérité de situation” que ce soit au profit de la narrative qu’ils suivent depuis le premier jour, qui est un copié-collé des attitudes et formes de pensée du parti de Netanyahou, c’est-à-dire le parti du paroxysme obsessionnel de la droite dure israélienne vis-à-vis de la question de la sécurité. Certes, ce paroxysme s’est étendu à une part importante de la population israélienne sur la question de la sécurité rapprochée d’Israël (voir ce qu’en dit Finkelstein), sous la pression du système de la communication lorsqu’il relaie la politique-Système qui n’a besoin d’aucun complot particulier pour poursuivre son chemin de surpuissance et d’autodestruction ; mais ce paroxysme durant la campagne électorale israélienne de février-mars concernant la “sécurité rapprochée” d'Israël (la Palestine), n’a pas concerné spécifiquement la question de l’Iran, et particulièrement la question spécifique et absolument dévastatrice dans ses implications d’une attaque contre l’Iran. Même si l’opposition de Netanyahou à l’accord sur le nucléaire iranien est marquée par ce paroxysme paranoïaque, elle n’est pas substantivée publiquement par la menace précise d’une attaque contre l’Iran.
... Tout cela, tout ce qui concerne une attaque contre l’Iran, n’est pas nouveau et, surtout, paraît singulièrement dépassée par rapport aux autres crises en cours. “Tout cela”, penserait-on, devrait à la fois n’intéresser qu’un segment de plus en plus réduit du monde des experts sinon plus personne de poids comme pour ce qui concernerait un sujet “passé de mode”, et à la fois rencontrer une réserve hostile et affirmée de la presse-Système en complet contraste avec la période brûlante des années 2006-2008 où l’attaque était annoncée deux fois par mois ; ce dernier point valant pour diverses raisons, mais ne serait-ce que par alignement sur l’administration US qui court désespérément derrière un accord avec les Iraniens et a complètement enterré de facto l’évocation de l’idée même d’une attaque en la bannissant de toute évocation dans le cours du système de la communication. C’est à ce point que Parry a tout à fait raison de considérer comme un fait remarquable que les deux quotidiens les plus installés du Système ouvrent leurs colonnes, aujourd’hui et maintenant, à des appels à une attaque contre l’Iran. Cela signifie qu’une mécanique psychologique précise est en action dans cette occurrence, qui interdit tout accommodement tactique et réaliste avec une situation dont la vérité n’a aujourd’hui plus aucun rapport avec ce qui existait entre 2005 et 2008.
Nous dirions par conséquent que le phénomène de “déterminisme-narrativiste” qui s’est développé, ou s’est révélé c’est selon, à l’occasion de la crise ukrainienne, et à propos de la crise ukrainienne, tend à infecter d’autres domaines de la communication et à imposer, sur tel ou tel sujet, des affirmations complètement hors de la raison commune et hors du cours opérationnel des évènements dans la réalité courante. Ce serait donc le cas pour la crise iranienne, avec effectivement la réapparition de sa version “dure” des années 2006-2008, où effectivement l’attaque contre l’Iran était évoquée dans tous les sens, sans la moindre retenue, – «Bomb, Bomb, Bomb, Iran». Cette perspective avait été écartée de l’activisme de communication, notamment avec l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle équipe iranienne, perçue comme beaucoup plus modérée, “fréquentable” selon le mot et les critères du bloc BAO, que l’équipe Ahmadinejad. Littéralement, le projet d’attaque n’était plus dans les bornes-Système d'une nouvelle version de la narrative de la crise iranienne, ayant évolué selon une approche plus soft, avec des négociations dont on attend un résultat imminent, cette évolution figurant comme le grand projet d’Obama pour sortir de son mandat avec tout de même un succès diplomatique. Ce à quoi on assiste avec ces deux articles et surtout l’acceptation de les publier dans le chef des deux journaux concernés, c’est à un retour de la narrative initiale à cause de ce déterminisme-narrativiste qui impose effectivement la logique jusqu’au-boutiste aux psychologies les plus vulnérables aux pressions du Système. Du point de vue simplement opérationnel, il s’agit d’un très intéressant et original ballon d’essai dont on peut penser qu’il pourrait être interprété comme une tentative d’“ouverture” d’une nouvelle campagne de pression de communication en faveur d’une attaque de l’Iran, dans le climat washingtonien particulièrement volatile, où l’on ne compte plus les menaces de guerre, les listes de la “guerre des sanctions”, etc. Il sera intéressant d’observer le résultat de cette proposition implicite qui ne doit qu’une assez petite part à une organisation de l’extrême du War Party et une grande part à l’entraînement de l’automatisme du déterminisme-narrativiste.
Mis en ligne le 30 mars 2015 à 07H04
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