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8 janvier 2003 — Pour compléter l'autre F&C de ce même jour consacré aux affaires britanniques, un autre aspect du discours de Tony Blair devant ses ambassadeurs, le 7 janvier, est présenté comme très important. C'est un discours qui est présenté (par le Guardian, toujours) comme « a reality check over Iraq », dans un commentaire qui fait le constat d'une réelle défaite essuyée par le premier ministre.
« Tony Blair may be winning some of his battles with the Bush administration over Iraq, but he is certainly losing the political war on the home front. The prime minister's speech to British ambassadors in London yesterday was an implicit admission of this significant failure. The fact that Mr Blair was willing to break with his own precedent of not acknowledging his differences with Washington in public by making such a speech was proof enough on its own. »
Effectivement, le compte-rendu du discours nous montre un Blair n'hésitant plus à mettre implicitement en accusation la politique américaine. A côté de la réaffirmation de la politique britannique suivant celle des USA, Blair s'est beaucoup étendu sur une critique indirecte des USA.
Il s'est agi d'un avertissement du Premier ministre aux Américains de ne pas poursuivre dans une politique générale qui les isole du reste du monde. (Avec des détails énigmatiques qu'on peut relever avec une certaine ironie : lorsque Blair avertit les Américains que, s'ils poursuivent leur politique, le monde peut se trouver divisé « into rival poles of power; the US in one corner; anti-US forces in another », — où place-t-il le Royaume-Uni ?)
« In a major foreign policy speech, the prime minister made an ambitious bid to woo sceptics about the looming war with Iraq at the same time as he reminded Washington that global interdependence must work both ways if progress is not to be overwhelmed by "the common threat of chaos".
» That chaos, threatening to replace reform with "change through disorder", could be triggered by rogue states or by terrorist acts that deliberately pit nations against each other, he predicted - a clear reference to al-Qaida's hopes of fomenting a clash between Islam and the west.
» Affirming the bridge-building role which Britain has tried to sustain since 1945, Mr Blair then delivered a warning to the US about what might happen if chaos engulfs the "shared agenda" that has emerged since the cold war ended. "It can come from the world splitting into rival poles of power; the US in one corner; anti-US forces in another. It can come from pent-up feelings of injustice and alienation, from divisions between the world's richer and its poorer nations," he said.
» He cited issues of global warming, poverty, the stalled Middle East peace process, in which Britain's initiative has been blocked by Israel, and the status of the United Nations itself as areas where the US must show that "the desire to work with others" is in its own interest too. »
Quelles remarques tirer de ce discours et des commentaires qu'il suscite ? Trois, principalement :
• Effectivement, Blair commence à ressentir l'opposition très forte, particulièrement au Royaume-Uni, non seulement à la guerre irakienne mais encore à la politique américaine en général. Blair y est totalement identifié, cela commence à le gêner.
• Il semble de plus en plus assuré que cette évolution du premier ministre correspond aux pressions grandissantes, et particulièrement inquiétantes pour lui, à l'intérieur de sa bureaucratie gouvernementale, et notamment de la bureaucratie du Foreign Office, pressions mises en évidence par un article de Richard Norton-Taylor. Ces problèmes intérieurs sont confirmés par des divergences qui commencent à être voyantes entre le Foreign Office (Straw) et le MoD (Hoon). (« ...the government is losing some of its previously united nerve for early military action against Saddam Hussein. This week alone, the foreign secretary, Jack Straw, has said the odds against war are lengthening, has insisted (not entirely in accordance with the published facts) that Britain has always wanted a second United Nations resolution on Iraq and, in a written statement yesterday, has now held out the prospect of UN weapons inspectors going back into Iraq on a long-term basis. [...] Certainly the cabinet is not speaking with one voice any longer, a point that was underlined by Mr Hoon's reluctance last night to back Mr Straw's judgment that war is now less likely that before. »)
• La troisième remarque est à notre sens la plus importante, qui porte sur la substance et ouvre des horizons nouveaux sur le comportement britannique. Même si la critique oblique de Blair est parcellaire (il met en cause la méthode de la politique US, pas son fondement), elle représente pourtant une modification fondamentale : pour la première fois, l'objet du débat et, par conséquent, de la critique, n'est plus la question du terrorisme, l'Irak, les “États-voyou”, etc, mais la politique américaine elle-même. C'est-à-dire que Blair a, pour la première fois, accepté de “changer de crise” : nous passons de la crise du terrorisme à la “crise américaine”, ou “crise occidentale”, avec les questions à propos de la politique américaine, des rapports de l'Amérique avec le reste du monde et ainsi de suite, et des mises en cause implicites. C'est cela, la bombe à retardement. Nous tenons par conséquent à ce jugement déjà proposé : la politique blairiste est si complètement alignée sur les USA, elle impose une telle tension sur les directions et les élites britanniques, qu'à la moindre anicroche, au moindre recul du PM, on pourrait se trouver aussitôt et radicalement plongé dans le débat fondamental de la politique US et des liens des Britanniques avec les USA.