Boston en état de siège : échos d’un autre monde

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Boston en état de siège : échos d’un autre monde

26 juillet 2004 — Boston est en état de siège avant la Convention démocrate pour la désignation, déjà acquise, du candidat à l’élection présidentielle. Cette convention sera hyper-patriotique, placée sous le signe de la guerre contre la Terreur, selon l’argument que cette guerre serait bien mieux menée avec John Kerry, qui a fait la guerre (photos de Kerry en soldat au Viet-nâm partout), si l’Amérique était menée par le président John Kerry.

Le système est prisonnier de lui-même. Attaqué avec une violence extrême le 11 septembre 2001 après deux tiers de siècle (depuis 1933) de politique paroxystique de mobilisation contre un Ennemi multiforme (la Grande Dépression, l’Allemagne nazie, le communisme et l’URSS, etc), il ne pouvait réagir que par la mobilisation générale. Démocrates ou républicains, Kerry ou Bush, le message électoral ne sera qu’une surenchère grossière de patriotisme et d’invite à la lutte contre le terrorisme. Que la “guerre contre la Terreur” soit jusqu’ici un fiasco monumental, dans lequel le fiasco irakien s’inscrit comme un modèle du genre, tout cela n’importe guère pour cette période où s’ouvre officiellement la campagne. Par conséquent, Boston est transformé en camp retranché.

Julian Borger, du Guardian, observe : « The extraordinary security around the convention is a sign of how the political world has changed since the September 11 attacks. Amid reports that al-Qaida will try to strike again to disrupt the presidential election, the authorities in Boston and Washington are taking no chances. » Bien entendu, par « political world », il faut entendre le monde politique washingtonien, le reste du monde n’étant pas encore complètement atteint par la folie sécuritaire de l’élite washingtonienne.

Les anti-guerre, les Américains qui croient qu’on peut continuer à proclamer son opposition à la politique de GW Bush, s’étonnent douloureusement des conditions de la Convention, y voyant une atteinte contre leurs droits fondamentaux. Nous dirons que c’est cet étonnement qui doit nous étonner.


« Anti-war campaigners claimed yesterday that tight security at this week's Democratic national convention was being used as an excuse to quash dissent.

» The protesters will go to court today over a decision confining them to a small pen under a flyover, ringed by razor wire and largely out of sight of the convention centre, where party delegates from around the country will gather to hear Bill Clinton and Al Gore open the convention.

» “We don't deserve to be put in a detention centre, a concentration camp,” said Medea Benjamin, a peace campaigner from San Francisco. “It's tragic that here in Boston, the birthplace of democracy, our first-amendment rights are being trampled on.”

» At the weekend, a judge described the protesters' conditions as a “festering boil” and “an affront to free expression”, but he stopped short of ordering any substantial changes.

» The judge in today's appeal, Douglas Woodlock, did grant anti-war groups a permit to march by the convention centre yesterday, and they took advantage of the ruling to demonstrate against the Democratic party leadership's support for the Iraq invasion. »


Cette Convention démocrate mesure effectivement les extraordinaires changements qui se sont produits en Amérique, comme on l’a lu ci-dessus, — mais pas tant depuis le 11 septembre que depuis que la guerre contre la terreur s’est complètement virtualisée avec la guerre contre l’Irak.

Il y a déjà eu des élections en novembre 2002. Le facteur patriotique a joué à fond mais il n’y avait pas cette impression d’un système qui a perdu complètement son équilibre, comme on le voit aujourd’hui à Boston. Nous ne nous trouvons pas devant des événements politiques en Amérique mais devant un drame psychologique de première grandeur ; il faudrait, pour bien le comprendre, considérer le système comme une personne, un peu comme Michelet considérait la France comme une personne, et considérer que cette “personne-système de l’américanisme” est saisie d’une affection nerveuse, une sorte de maniaco-dépression de très forte intensité si l’on veut, où de puissants facteurs paranoïaques influent décisivement sur le jugement, le comportement et les décisions.

Il serait absurde de juger qu’ici ou là, le système se trompe, fait des erreurs, etc. Le système vit dans un monde qui n’est plus le nôtre et réagit en fonction de la logique de ce monde construit par le virtualisme. De même, il est devenu absurde de faire une différence entre démocrates et républicains. Pour cette raison en plus des autres, GW, qui devrait être archi-battu d’avance, qui devrait être menacé de toutes parts de procédures d’impeachment, reste dans les sondages très proche de Kerry, et même, dans le plus récent d’entre eux, aurait repris la tête d’un point.