Brad Pitt, le oil spill et la peine de mort

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Puisque nous sommes dans une époque où les “pipoles” comptent beaucoup, attachons-nous à ce dit l’un d’entre eux. Il s’agit de l’acteur Brad Pitt, dans le nouveau documentaire de Spike Lee sur La Nouvelle Orléans et Katrina. If God is Willing and Da Creek Don't Rise (titre du documentaire) a été tourné par Lee pour le 5ème anniversaire de Katrina, après une première série, remarquable, sur la catastrophe et ses conséquences sociales, économiques et culturelles.

Pitt a monté une organisation, Make It Right, qui a participé et participe à l’effort de reconstruction de La Nouvelle Orléans, avec notamment 150 maisons construites dans ce but. Spike Lee inclut dans son documentaire des passages sur les efforts de Brad Pitt (comme il avait inclus dans un documentaire précédent l’action sur place de l'acteur Sean Penn, qui participa à des opérations de secours). Il parle aussi du oil spill du Golfe du Mexique… Dans son rapport d’un article du Daily Mail, UPI expose, ce 23 août 2010, que Spike Lee avait l’intention de terminer son documentaire sur une note optimiste (les New Orleans Saints vainqueurs du Super Bowl), mais que la catastrophe du Golfe du Mexique l’a fait changer d’orientation. C’est à ce propos qu’il y a une intervention de Brad Pitt, observant qu’il serait éventuellement partisan de la peine de mort pour les responsables de cette catastrophe.

«Asked in the film about how the people responsible for the crisis should be penalized, Pitt said, “I was never for the death penalty before – I am willing to look at it again” the Mail reported.»

Notre commentaire

@PAYANT Certes, Brad Pitt est un “pipole”, – mais, en vérité, un président de la république courant et standard, aujourd’hui, vaut-il tellement mieux qu’un “pipole” courant et standard  ? On se permettra prudemment d’en douter. D’autre part, la première série de documentaires que Spike Lee, – autre “pipole”, après tout, – a réalisés sur l’ouragan Katrina et ses suites, considérée d’un point de vue résolument politique, vaut largement cinquante articles et éditos du New York Times, du Washington Post, du Monde et de BHL, – ce dernier, lui, un véritable philosophe comme l’on sait. Par conséquent, l’avis de Brad Pitt est à considérer non comme un amuse-gueule des potins courants mais comme une déclaration qui a son poids politique éventuel.

Le problème que soulève cette déclaration n’est pas vide de sens ni d’évolution, dans la mesure où il implique un type d’“accident”, ou d’événement, appelé à se multiplier, sous diverses formes dont l’originalité et la puissance ne cesseront de croître. La conjonction de la crise environnementale générale, du développement incontrôlé des ressources naturelles, de la puissance grandissante du corporate power, de l’affaiblissement à mesure des contraintes politiques souveraines, conduit évidemment à cette conclusion prospective. Parallèlement, la frustration grandissante devant l’incapacité d’obtenir réparation ou indemnisation d’un pouvoir ou l’autre, et plus simplement la réaction antagoniste devant ces abus de pouvoir et ces “agressions écologiques” du corporate power (avec conséquences politiques et sociologiques), devraient conduire les divers groupes de pression impliqués dans ce type d’affaires à envisager de demander, sinon à exiger des moyens de répression grandissant. De ce point de vue, le monde du show business exerce une influence elle-même grandissante sur le monde politique, à mesure qu’il s’engage dans des “causes humanitaires” qui forment une part de plus en plus importante de la politique de communication, de la politique de sécurité intérieure et de la politique extérieure, et à mesure que le niveau de réflexion et de prospective du monde politique ne cesse de s’affaiblir et de s’abaisser de son côté, pour effectivement se situer souvent au niveau de ces mêmes “causes humanitaires”. Enfin, dernier élément à considérer : ce monde du show business dispose de moyens financiers importants, simplement générés par les salaires et revenus considérables dans ce type d’activité (surtout aux USA, bien entendu). Ces divers éléments conduisent effectivement à justifier l’importance qu’on peut accorder à cette sorte de déclaration pour les événements futurs.

C’est la première fois, dans un milieu généralement d’orientation “libérale” (progressiste), comme l’est le milieu cinématographique à Hollywood, qu’une position sur la peine de mort s’exprime dans le sens de sa réinstallation et de son exécution élargie. Jusqu’alors, Hollywood se distinguait en général par une position très en vogue dans les milieux progressistes et associés d’abolition de la peine de mort. Il est significatif que cette transgression concerne ce qu’on pourrait qualifier de “crime écologique”, comme pourrait être qualifié le oil spill du Golfe du Mexique. On pourrait alors observer qu’une telle prise de position implique que, dans de tels milieux, ce qui est désormais en général écarté pour tous les délits, y compris pour les crimes de guerre (la peine de mort), soit au contraire envisagé activement pour les “crimes écologiques”. On pourrait envisager des situations prospectives où de véritables “conflits”, mélangeant notamment l’influence générale et politique, l’action légale, le lobbying, etc., opposent le corporate power à des regroupements ad hoc réunissant divers milieux sociaux et diverses puissances privées.

En un sens, il s’agirait d’une sorte de “riposte” de l’autre “camp” (le camp progressiste dans ce cas, mais, d’une façon plus générale, le camp antisystème avec ses membres changeants) au développement accéléré de la puissance privée et de la puissance privatisée, aussi bien du corporate power que, par exemple, de certains situations de forces armées faisant appel à des entreprises privées. Il n’est pas impossible que des “puissances” (financière, d’influence) du show-business, impliquées comme le sont par exemple Spike Lee et Brad Pitt dans les déboires que connaît la région de la côte US du Golfe du Mexique, autour de la Louisiane, puissent être conduites à envisager la formation d’organisations capables d’exercer des pressions pour obtenir des résultats indirects, voire déclencher des actions hostiles directes, contre l’action de puissances telles que le corporate power.

Ces considérations valent exclusivement pour les pays du bloc américaniste-occidentaliste, et essentiellement pour les USA où ce type d’activisme est très courant. La situation intérieure des USA, notamment le désordre extrême que connaît le pouvoir politique jusqu’à la paralysie de Washington, pourrait évidemment jouer un rôle important dans une telle évolution. On retrouverait des cas de période où des actions politiques organisées de ce type de milieu (show-business et milieux artistiques) ont déjà eu lieu, notamment dans les années 1930 (époque de la Grande Dépression) et, dans une moindre mesure parce que d’une façon plus sectorielle (Noirs et milieux étudiants seulement), dans les années 1960. Mais il devrait s’agir d’un activisme beaucoup plus autonome et beaucoup plus maître de lui-même que dans les deux cas considérés, parce que le gouvernement se trouve de plus en plus en difficulté pour figurer comme un acteur important dans cette sorte de situation. A cet égard, Obama est peut-être la dernière chance que le gouvernement joue un rôle, soit de frein, soit de catalyseur, pour une gauche non-politique pouvant se radicaliser… Mais l’on sait bien que cette “chance” est en train de se dissiper complètement, sinon d'être d'ores et déjà complètement gâchée, et qu’Obama apparaît de plus en plus, aux yeux notamment de cette “gauche”, comme complètement paralysé et incapable d’appliquer une politique agressive.


Mis en ligne le 24 août 2010 à 11H52

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