Bras d’honneur slovaque

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Bras d’honneur slovaque

• L’adversaire de l’engagement pro-Ukraine et antirusse de la Slovaquie, l’ancien premier ministre promis à le redevenir Robert Fico, remporte une victoire significative. • La CIA avait pourtant travaillé avec zèle et ardeur pour empêcher cette issue fort peu démocratique : elle est une fois de plus renvoyée dans ses buts, à Langley, Virginie. • Cette élection, c’est de la très-très mauvaise graine au sein de l’UE et de l’OTAN. • Le Camp du Bien geint diablement et prépare des sanctions à tout hasard. • Avec un texte de Andrew Korybko.

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Le commentaire ci-dessous de Andrew Korybko (son site, le 2 octobre 2023) sur la victoire du SMER de Robert Fico en Slovaquie, nous dit, à notre sens, l’essentiel des observations opérationnelles sur ce résultat. Nous allons y rajouter certains points qui nous paraissent très intéressants à souligner, voire à envisager dans leur développement.

• D’une façon très significative et tout à fait juste selon nous, Korybko envisage cette victoire du point de vue extérieur, celui de la campagne d’influence des USA, via la CIA bien entendu. Il s’agit alors d’un échec majeur de cette capacité d’influence et de nuisance américaniste-occidentaliste, et l’on ne peut qu’abonder dans ce sens en notant la remarquable suite de déboires d’influence et de pression des USA, et de toutes les façons, – car, pour nous, les élections de Slovaquie enchaînent sur le grave revers des USA dans leurs relations avec l’Inde, – il s’agit de la même cuisine...

Korybko : « [L]’échec de la campagne d'ingérence américaine [en Slovaquie] est une évolution majeure. Il est prématuré de le décrire comme un tournant dans la situation général, mais cela suggère néanmoins un point d’inflexion potentiellement imminent dans le conflit ukrainien, à condition bien sûr que la CIA ne parvienne pas à saboter les tendances connexes. »

• En effet, et plus encore, on doit insister sur ce résultat en arguant du fait qu’il s’agit du premier pays, – et un pays européen, – à voter essentiellement sur un programme symboliquement marqué par l’abandon de la démarche antirusse et pro-ukrainienne depuis le début de la guerre. Les deux autres pays européens dont Korybko analyse la position à cet égard, dissidente et disons ‘mi-dissident’, sont la Hongrie et la Pologne dont les gouvernements étaient déjà en place avant le déclenchement de la guerre. Pour l’Occident et son train bruyant de vanité morale, c’est un coup sévère, autant que pour la vertu exceptionnelle de l’UE et de l’OTAN. Dans ce Système où la vassalité est imposée d’une main de fer, on doit être aussi proche que possible de l’unanimité sinon la dépasser, et surtout n’envisager aucune défection qui suppose une sorte de perversion contagieuse.

• Il faut aussi voir que les élections coïncident avec une nette évolution aux USA, notamment au Congrès, du sentiment moins antiguerre que d’exaspération vis-à-vis de l’Ukraine. Il y a une corrélation entre ces deux évènements qui constituent en fait deux illustrations d’une même tendance exprimant en fait l’exaspération du public. C’est ce que remarque Korybko, en faisant le constat que...

« le conflit ukrainien est véritablement impopulaire dans certains pays, malgré les affirmations contraires des médias et leurs efforts insensés pour fabriquer artificiellement un soutien à cette guerre par procuration. »

• Un autre élément que souligne avec  raison Korybko est que la Slovaquie constitue désormais un pôle avec la Hongrie hostile à l’engagement  antirusse, et peut-être la Pologne si le PiS est vainqueur le 15 octobre, parce qu’il y serait contraint par ses engagements électoraux voire le soutien dont il a besoin du côté de la nouvelle formation Confédération, franchement antiguerre. Tout cela conduit à observer qu’en Europe, seuls les pays de l’Est, de l’ancien glacis soviétique, sont actifs, dans un mauvais sens et dans un bon sens ; seuls ces pays semblent avoir encore conscience de leur souveraineté pour le meilleur ou pour le pire... Belle leçon.

Contribution à l’Évènement

• D’une façon générale, disons ontologique pour la facilite du propos, il nous faut apprécier ce résultat électoral d’abord du point de vue de la communication et de la perception pour en peser toute la force symbolique, et par conséquent en attendre des effets non négligeables sinon très importants.

Il était, semble-t-il, assez probable que le prorusse Fico, déjà plusieurs fois Premier ministre, l’emporterait dans une ambiance de plus en plus tendue face aux exigences de l’Ukraine. Les sondages le donnaient à égalité avec Slovaquie Progressiste (SP), parti au pouvoir complètement atlantiste, ou légèrement en avance (18%-17%). Finalement, sa victoire de 23% contre 18% au SP marque une affirmation remarquable et un véritable soutier populaire pour cette cause qui est d’abord une question de politique extérieure et de sécurité nationale même si les motifs des votants peuvent renvoyer à d’autres préoccupations. L’effet et ses répercutions seront d’autant plus importants, marquant une réaffirmation de la souveraineté dans un domaine si sensible, et un facteur de désordre de plus dans le patchwork en forme de peau de chagrin que constituent les restes de l’hégémon-USA .

Les moyens considérables mis en œuvre par la CIA, selon le SVB russe, pour un pays de si faible importance tant démographique que stratégique qu’est la Slovaquie, indiquent bien l’importance que les États-Unis accordaient à cette élection, – et cette considération rend elle-même l’événement beaucoup plus important, et plus cuisante la défaite des antirusses. On peut juger de l’importance du dispositif de la CIA par cet article de RT.com

« L'opposition slovaque a clairement fait savoir qu'elle ne suivrait pas aveuglément l'exemple des États-Unis si elle était élue. Pour éviter cela, “le département d'État a envoyé des instructions à plusieurs de ses alliés européens pour qu'ils mènent des actions ciblées auprès des cercles politiques et économiques locaux”, affirme l'agence de renseignement russe SVR. Elle a également affirmé que Washington avait autorisé l'utilisation de méthodes telles que le chantage, les menaces et les pots-de-vin.

» Le SVR a également affirmé que les États-Unis avaient déjà demandé au chef du parti slovaque progressiste, Michal Simecka, qui est également vice-président du Parlement européen, de former un “cabinet totalement loyal à Washington” si son parti l'emportait. [...]

» Citant un fonctionnaire anonyme de la Commission européenne, ‘Politico’ avait rapporté en juin que Bruxelles craignait qu'une victoire potentielle du SMER de Fico ne soit synonyme de “désastre” pour la position de l'UE sur les sanctions contre la Russie et la poursuite de l'aide à la défense de l'Ukraine... »

Autrement dit, puisque la CIA et l’UE l’ont proclamé chacun à sa manière, la victoire du SMER est bien un événement très important. C’est ainsi qu’il était craint discrètement mais fortement par ces officines, c’est ainsi qu’il est perçu, c’est ainsi qu’il se constituera lui-même en événement fondamental et partie intégrante de l’‘Évènement’, comme une nouvelle vérité-de-situation à prendre en compte et pesant sur nos esprits et nos jugements.

De cette notion d’‘Événement’ que nous citons parfois, PhG disait le 24 mars dernier, à l’occasion de la fin de la visite de Xi à Moscou :

« Je veux en effet parler de quelque chose qui nous dépasse tous, qui rassemble cette poussière d’événements extraordinaires et pourtant anecdotiques, qui ne valent rien à eux seuls, – seuls sans les autres veux-je dire, – “événements” du 11-septembre aux banques “too big to fall”, du Trump et du Covid, de l’Ukraine 2014-2023, jusqu’au Macron et à ses macronades, son hybris d’adolescent capricieux qui met un pays épuisé et désenchanté dans un sursaut de colère à ne pas croire ! L’Événement, c’est ce qui rassemble tout cela en un immense tourbillon crisique sans fond, devenu Structure Crisique de l’univers, dépassant tout ce que l’esprit de l’Homme (celui des Lumières, celui des Droits de l’Homme, celui de la cancellation du wokenisme, celui de la haine du Russe) – dépassant avec un haussement d’épaule tout ce que cet esprit peut s’imaginer pouvoir concevoir. »

Eh bien certes, nous rangerions cette élection dans l’un des tiroirs constitutifs de l’‘Évènement’ qui est la synthèse de l’opérationnalisation de la GrandeCrise, – certes pas le plus important des tiroirs mais tout de même à sa place. On notera que les mêmes occurrences électorales, en France ou en Allemagne, n’ont pas de tiroirs réservés tant ces pays sont aveugles aux catastrophes en cours.

dedefensa.org

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La CIA perd les élections

La raison pour laquelle l’Amérique s’est immiscée dans cette élection est qu’elle craint à la fois la substance et le symbolisme d’un vassal jusqu’ici fidèle de l’OTAN qui fait défection de la coalition de guerre par procuration anti-russe du bloc.

Le parti “Direction-Démocratie sociale” (SMER) de l'ancien Premier ministre Robert Fico est sorti vainqueur des dernières élections slovaques de samedi, malgré l'avertissement du Service de renseignement extérieur russe (SVR) avant le vote selon lequel les États-Unis feraient tout pour empêcher cela. Personne n’aurait dû en être surpris puisque les reportages de CNN ont montré clairement que Washington voulait qu’il perde. Voici trois de leurs articles alarmistes concernant son retour au pouvoir démocratiquement :

La raison pour laquelle l’Amérique s’est immiscée dans cette élection est qu’elle craint à la fois la substance et le symbolisme d’un vassal jusqu’ici fidèle de l’OTAN qui fait défection de la coalition de guerre par procuration antirusse du bloc. Fico avait précédemment condamné le rôle de l’Occident dans la provocation et la perpétuation de ce conflit, exactement comme le dirigeant hongrois voisin Viktor Orban l’a fait depuis le début. Tout comme lui, Fico est également contre l’armement de l’Ukraine et pourrait également empêcher les armes des autres de transiter à travers son pays.

Il lui faudra encore former une coalition gouvernementale pour tenir ses promesses, mais peu doutent qu’il en soit capable. En supposant que cela se produise, la Slovaquie rejoindra la Hongrie pour créer un centre de gravité anti-guerre au cœur de l’UE et de l’OTAN, ce qui complète la nouvelle position prudente de la Pologne à l’égard de ce conflit par procuration provoqué par son différend avec l’Ukraine. Ces trois partis pourraient alors former une force d’influence si le parti au pouvoir, « Droit et Justice » (PiS), était réélu le 15 octobre.

La Pologne reste beaucoup plus engagée dans ce conflit que la Hongrie et la Slovaquie post-électorale, mais il est également indéniable que le peuple polonais est incroyablement offensé par l’ingratitude de l’Ukraine. Une masse critique d’entre eux pourrait donc voter pour le parti contestataire Confédération pour protester jusqu’à récemment contre l’apaisement de Kiev par le PiS, malgré la glorification par ce régime de ceux qui ont commis un génocide contre les Polonais. Si un nombre suffisant de personnes le font, le PiS pourrait alors être contraint de former un gouvernement de coalition avec Confédération.

Dans ce cas, la Pologne pourrait se rapprocher de la position de la Hongrie et de la Slovaquie, ce qui pourrait inciter les Européens moyens à suivre l’exemple de ces pays lors de leurs prochaines élections. L’effet de démonstration déclenché par la Slovaquie et qui pourrait bientôt se manifester en Pologne est donc considéré à juste titre par les États-Unis comme un défi stratégique. Cela ne justifie pas son ingérence ratée dans les dernières élections slovaques, mais replace simplement ses motivations dans le contexte approprié.

Le fait que la CIA n’ait toujours pas réussi à empêcher la réélection de Fico dissipe trois mythes populaires, en premier lieu celui de l’omnipotence de cette agence. La seconde est la prétendue incapacité des électeurs étrangers à défier la volonté du gouvernement américain, dont la fausse perception a été exploitée pour réprimer la participation anti-establishment. Enfin, le conflit ukrainien est véritablement impopulaire dans certains pays, malgré les affirmations contraires des médias et leurs efforts insensés pour fabriquer artificiellement un soutien à cette guerre par procuration.

Compte tenu de ces résultats symboliques ainsi que des changements substantiels de la politique slovaque qui suivront probablement les dernières élections, sans parler de leur impact possible sur la Pologne dans un avenir proche et sur le reste de l'Europe par la suite, l'échec de la campagne d'ingérence américaine est une évolution majeure. Il est prématuré de le décrire comme un tournant dans la situation général, mais cela suggère néanmoins un point d’inflexion potentiellement imminent dans le conflit ukrainien, à condition bien sûr que la CIA ne parvienne pas à saboter les tendances connexes.

Andrew Korybko