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1263Une des lumières bénéfiques de l’OTAN, le SACEUR, ou général Breedlove de l’US Air Force, a déposé devant le Congrès à propos de son budget et de ses moyens de renseignement vis-à-vis des Russes, et surtout des Russes-en-Ukraine (catégorie spécifique et proliférante même si difficilement visible). La dépêche AP qui nous instruit de ce propos, le complète par d’autres nouvelles qui permettent de combler les voies d’eau dont Breedlove a avoué l’existence pour grappiller quelques centaines de $millions, simplement en affirmant par d’autres moyens dialectiques ce que Breedlove ne parvient pas à distinguer par les moyens standards du renseignement bien qu’il affirme avoir tout de même distingué quelque chose.
Le tout, estampillé AP via Yahoo.com du 30 avril 2015, nous donne un exemple confondant du déterminisme-narrativiste, à la lumière duquel nos Diogène en uniformes chamarrés entendent bien débusquer les membres de la fameuse secte dite des Russes-en-Ukraine. Une des phrases du texte de “chapeau” est d’ailleurs lumineuse à cet égard et éclaire avec force le reste de la dépêche : «The top U.S. commander for NATO said Thursday that America needs better intelligence on the ground in Ukraine, but that it appears Russian forces have used a recent lull in fighting to reposition for another offensive.» (Nous traduirions cela, un peu à-la-volée, en supprimant les périphrases-AP et les phrases-OTAN qui se cachent derrière leurs petits doigts, de cette façon, c’est-à-dire sans vergogne : “Nous n’avons pas de moyen de renseignement pour savoir ce qui se passe sur le sol d’Ukraine mais nous savons que les Russes ont repositionné leurs forces [sur le sol d’Ukraine] pour une prochaine offensive” ... Non seulement on ne sait pas ce qui se passe aujourd’hui mais en plus, ou en pire, on sait ce qui se passera demain.)
• La première partie de la dépêche est consacrée à la déposition du général Breedlove qui, loin de Bruxelles et de l’Allemagne où “on” (le Spiegel spécifiquement) lui a cherché durement noise, se sent plus à l’aise pour exposer ses faiblesses sentimentales et ses incertitudes hormonales. En effet, le général Breedlove a un déficit de “textured-feeling” que nous nous permettons de traduire d’une façon moins romantique par “perception structurée”, du fait notamment de faiblesses importantes du point de vue des moyens de collecte d’information et d’analyse de ces informations. Breedlove a expliqué que la plupart des moyens US de renseignement étaient mobilisés pour les guerres en Irak et en Afghanistan, qui semblent donc durer encore, et dans des postures où ces moyens mobilisés permettent sans doute d’obtenir des résultats très convaincants puisqu’on les y retient au détriment d’une vérité de la situation ukrainienne un peu plus précise qu’à l’habitude.
Ce que nous dit Breedlove, selon AP : «Les opérations militaires russes l’année dernière en Ukraine, et dans la région d’une façon plus générale, ont montré que nous faisons face à une faiblesse critique dans les domaines de l'acquisition de l'information brute et de l’analyse. Certains exercices russes nous ont pris par surprise et notre perception structurée de l’implication russe au sol, en Ukraine, a été très limitée. [...] Nous ne pouvons pas être complètement assurés de ce que les Russes vont faire et nous ne pouvons pas vraiment comprendre les intentions de Poutine. Ce que nous pouvons faire est apprendre à partir de ce qu’il a fait... Ce que nous voyons d’une façon appuyée suggère qu’il y a des capacités russes grandissantes, une modernisation de l’outil militaire significative et des intentions stratégiques ambitieuses. Les forces russes font bon usage des opportunités offertes par la récente interruption des combats et se repositionnent pour protéger leurs gains. Nombre de leurs actions ressemblent bien à la préparation d’une autre offensive.»
Dans ce charabia tactique écrasant se glisse une subtile nuance stratégique où l'on retrouvera une version postmoderne et standardisée du classique exemple de sophisme, bien dans la manière de Breedlove : 1) “Nous n’avions pas de moyens pour observer sérieusement ce que les Russes ont fait l’année dernière en Ukraine” ; 2) “Mais nous pouvons apprendre d’après ce qu’ils (les Russes) ont fait l’année dernière en Ukraine” ; 3) “Donc, malgré que nous n’ayons pas pu observer ce qu’ils (les Russes) ont fait l’année dernière nous pouvons apprendre à partir de ce qu’ils ont fait l'année dernière pour suggérer ce qu’ils feront, et par conséquent ils préparent une nouvelle offensive après l’offensive de l’année dernière que nous n’avons pas pu observer...”
• Sentant que le témoignage pourtant convaincant de Breedlove a besoin de certains soutiens structurels, la dépêche AP poursuit en annonçant que le renseignement US, s’il manque de moyens pour “l'acquisition de l’information brute et l’analyse”, ne manque nullement de moyens dialectiques pour faire glisser la sémantique dans le sens des aguilles d’une montre. La dernière trouvaille, de pur déterminisme-narrativiste, est de faire glisser avec souplesse la sémantique, et de ne plus parler des forces séparatistes et des forces russes, mais des “forces combinées russo-séparatistes”. C’est donc une façon de nationaliser les séparatistes, qui deviennent Russes par la force de l’évidence-narrativiste, et par conséquent il est prouvé que les Russes sont en Ukraine puisque les séparatistes ukrainiens, en réalité, ne sont point autre chose que des Russes eux-mêmes.
Dans le même tableau, on nous signale que l’expression “forces combinées russo-séparatistes” est désormais utilisée par John Kerry, qui salue désormais Lavrov d’un “mon cher confrère, mon cher Sergei, ministre des affaires étrangères russo-séparatistes combinées, comment vas-tu?” ; qu’elle est également utilisée par la porte-parole du département d’État Marie Harf, qui en plus, détient une preuve écrasante de la présence russe en Ukraine («unmistakable sign of Russia’s presence») puisque des drones russes auraient été identifiés, – le renseignement progresse donc à pas de géant malgré Breedlove, – lors de “séances d’entraînement intensives” près de Kharkov. (Cela signifie que lorsque vous voyez un drone US au-dessus d’une région quelconque, quelque part dans le monde, vous tenez une «unmistakable sign of [US’] presence» au sol, dans ce qui devrait être évidemment la preuve immanquable d’une invasion réalisée du territoire par les forces US combinées aux locaux.)
«American officials briefed on intelligence from the region say Russia has significantly deepened its command and control of the militants in eastern Ukraine in recent months, leading the U.S. to quietly introduce a new term: “combined Russian-separatist forces.” The State Department used the expression three times in a single statement last week, lambasting Moscow and the insurgents for a series of cease-fire violations in Ukraine.
»The shift in U.S. perceptions could have wide-ranging ramifications, even if the Obama administration has cited close linkages between the pro-Russian separatists and Putin's government in Moscow since violence flared up in Ukraine a year ago. By describing them as an integrated force in the east of the country, the U.S. is putting greater responsibility on Russia for the continued fighting. That will make it harder for Russia to persuade the U.S. and Europe to scale back sanctions that are hurting its economy, and for Washington and Moscow to partner on unrelated matters from nuclear nonproliferation to counterterrorism.
»U.S. intelligence agencies signed off on the new language last week, after what officials outlined as increasing evidence of the Russians and separatists working together, training together and operating under a joint command structure that ultimately answers to Russia. The officials weren't authorized to be quoted by name and demanded anonymity. Some of that evidence was presented in a statement released by State Department spokeswoman Marie Harf on April 22 after Secretary of State John Kerry raised his concerns by telephone with Russian Foreign Minister Sergey Lavrov. Harf spoke of Russia's deployment of air defense systems closer to the front lines, increased troop levels near Kharkov, Ukraine's second largest city, and intensified training sessions involving the use of Russian drones. She called the unmanned aerial vehicles “an unmistakable sign of Russia's presence.”»
Tout cela étant bien entendu, certains pourraient conclure de ces diverses interventions du système de la communication américaniste-ukrainien intégré qu’il suffit de les retourner pour avancer l’hypothèse que les forces de Kiev préparent une nouvelle offensive, après s’être regroupées, restructurées et entraînées en vue d’une telle action. Cette sorte de commentaires est aujourd’hui courante du côté des séparatistes, où l’on ne cesse de dire que les préparatifs pour de nouvelles actions militaires sont effectifs de l’autre côté. Quoi qu’il en soit, il reste évident qu’au niveau de la communication, et cela pour les deux côtés sans aucun doute, la crise ukrainienne est aujourd’hui dans une phase qui n’est qu’une pause entre deux phases d’affrontement et nullement dans une phase d’apaisement qui suivrait l’accord Minsk2 pour l’institutionnaliser.
La perception est plus que jamais complètement séparée en deux, effectivement selon les règles du déterminisme-narrativiste du côté du bloc BAO dont la narrative est plus que jamais active pour mettre les Russes en cause. Il n’existe aucun moyen concevable aujourd’hui pour réconcilier ces deux perceptions, qui dépendent de références complètement différentes. Du côté US, et du côté de l’Ukraine-Kiev par conséquent, la structuration de la narrative de la crise ukrainienne est d’abord fondée sur la perception démocratique, droitdel’hommiste et occidentaliste des évènements du Maidan entre novembre 2013 et février 2014, et donc sur la complète légitimité de la chute de Ianoukovitch malgré qu'il se soit agi d'un putsch en bonne et due forme, sinon “le plus flagrant de l'histoire” selon George Friedman ; selon cette logique, les évènements qui suivent ne peuvent qu’impliquer la Russie selon la perception d’une intention agressive russe, et c’est de ce point de vue que le déterminisme-narrativiste ne permet aucune dérogation et oblige à la sorte d’interprétation qu’on voit. Il se déduit de cette situation de la communication et de la perception que la phase de l’accord Minsk2 ne peut en aucun cas avoir débloqué quoi que ce soit ; au contraire, elle a verrouillé encore un peu plus, si c’est possible, les deux parties dans des perceptions de la même “réalité” complètement différentes et antagonistes. Les positions sont plus que jamais classiquement déterminées, avec les USA en position de pression sur les Ukrainiens pour qu’ils se tiennent prêts à un nouvel affrontement. Nous n’avons plus qu’à attendre les prochains évènements...
Mis en ligne le 1er mai 2015 à 12H04
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