Bye bye AAA, la pire menace depuis Pearl Harbor…

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Dans le degré des menaces, dans ce Système qui fonctionne selon ses propres références qui sont fonction de ses sous-systèmes de force, la menace de l’agence de cotation Standard & Poor (S&P) de rétrograder les USA de leur inamovible cotation AAA, symbole de l’absolue vertu financière selon les standards du genre et du Système, est regardée par certains comme un canon de revolver armé qui a été appliqué sur leur tempe à tous. «Ratings agency cuts long-term outlook from stable to negative for first time since Pearl Harbor attack 70 years ago», titre le Guardian ce 19 avril 2011, avec ce terrible nom de Pearl Harbor-1941 qui ne peut que frapper affreusement les psychologies aujourd’hui si sensibles aux images simples colportées par le système de la communication.

«Shares fell heavily on Wall Street on Monday after a leading ratings agency fanned fears of Europe's debt crisis spreading across the Atlantic by issuing a strong warning about America's failure to tackle its budget deficit. In a move seen by Wall Street as a “shot across the bows” of bickering politicians in Washington, Standard and Poor's (S&P) said it was cutting the outlook on the US's long-term rating from stable to negative for the first time since the attack on Pearl Harbor 70 years ago.

»The announcement surprised the financial markets, where attention in recent months has been focused on the problems of the weaker nations of the eurozone. Renewed speculation that Greece will be forced to default on its debts led to a sharp sell-off in the euro, but S&P stressed that the US was not immune from the sovereign debt crisis.»

Le Daily Telegraph du 18 avril 2011 avait entamé la même rengaine, “un coup de semonce” («shot across the bows») de S&P à l’intention de la bande Maison Blanche-Congrès.

«In sharp contrast to every other developed economy, the US has increased its budget deficit in the last year in an effort to accelerate the economic recovery here.

»While President Barack Obama and the Republicans have in the last month laid out plans to reduce the deficit, S&P warned that a plan needs to be agreed upon within the next two years for the US to retain its status as a top borrower. “More than two years after the beginning of the recent crisis, US policymakers have still not agreed on how to reverse recent0 fiscal deterioration or address longer-term fiscal pressures,” said Nikola Swann, an analyst at S&P. […] “It is going to put a lot of pressure on the Obama administration to move faster at reducing the deficits, or cutting spending and possibly increasing taxes,” said Hugh Johnson, chief investment officer at Johnson Advisers. “So it will put pressure on the Republicans as well.”»

Poursuivons le tour d’horizon avec une question essentielle  : quel effet ce coup de semonce aura-t-il sur la bande Maison Blanche-Congrès ? Bien peu, répond Nils Pratley, du Guardian, ce 18 avril 2011. Pratley est simplement surpris que S&P ait pu attendre jusqu’à maintenant pour sortir du bois, devant la situation absolument horrible de Washington à cet égard, et devant les combats de chien entre Obama et les républicains à ce propos, n’aboutissant sur rien qu’un peu de désordre haineux en plus… Alors, comment attendre un changement ? D’autre part, comment S&P, qui prétend à la responsabilité et à la respectabilité, – cette affirmation est laissée à sa responsabilité, – n’a pas l’habitude de rechercher l’affrontement avec ce pilier de l’organisation financière du monde qu’est ce gouvernement qui contrôle la “monnaie de référence” de cette organisation. Il faut donc que l’inquiétude soit bien réelle… Et alors, qu’est-ce que cela changera ?

«…Investors had assumed S&P, despite being the most hawkish agency in matters of sovereign debt, would do the decent thing and wait until the 2012 presidential election was out of the way before growling its discontent. S&P, in effect, is saying that a US debt-reduction strategy can't wait that long – meaningful steps must start by 2013. It is a perfectly legitimate view since, as S&P notes, two years have passed since the start of the financial crisis and still the US hasn't assembled a plan to tackle its deteriorating deficit.

»Yet Barclays Capital's Ajay Rajadhyaksha was right to call S&P's timetable "aggressive", because it is hard to see how Republicans and Democrats will be able to bury their differences on fiscal thinking in the next year or so. There are some signs of co-operation but a comprehensive pre-election deal still looks a long shot.

»The hope is that a sense of crisis – and perhaps the sight of rising (and more costly) yields on 10-year treasuries – will change the political calculations. That optimistic thought was presumably one reason why even S&P puts the chances of a downgrade to US debt in the next two years at only one in three. But the gloomy (and perhaps more realistic) thought is that a looming election might entrench political differences. It's not as if there's a dollar crisis to change the political weather in Washington: yesterday the euro was the currency under pressure as talk of Greek debt default intensified.

»There's no harm in S&P issuing a warning shot; just don't assume it will make any difference to the workings of the US political machine.»

Le problème de la corruption est que point trop n’en faut, sous peine de perdre tout efficacité. La règle essentielle de la corruption est que tout le monde ne doit pas être corrompu par le même corrupteur, ou du moins que cela ne doit pas se savoir. Si, effectivement, tout le monde est corrompu par le même (Wall Street en l’occurrence), en plus d’autres corruptions allègrement entretenues (industrie pétrolière, industrie de l’armement, plus divers, etc.), nous atteignons le point de l’inefficacité de la corruption. Si effectivement, tout le monde est corrompu, chacun assume que les vœux du corrupteurs seront de toutes les façons rencontrés et chacun retrouve ses propres buts et ambitions à l’intérieur de l’univers corrompu, un peu comme si l’on retrouvait une paradoxale liberté de manœuvre à l’intérieur de cet univers emprisonné par la corruption  ; chacun peut même défendre sa conception, qui s’oppose à celle d’autres groupes corrompus, en disant que lui seul détient la formule qui rencontrera le mieux les vœux du corrupteur… Ajoutez-y une situation objective dont le qualificatif “catastrophique” paraît si usé pour la définir, qui caractérise les affaires de dette souveraine de l’administration, , – car c’est de la situation washingtonienne dont nous parlons, au cas où l’évidence n’aurait pas suffi à le faire comprendre, – et vous avez une prospective qui confirme évidemment le pronostic inévitable de Pratley. Non seulement la menace de S&P ne donnera aucun des effets escomptés, qui impliquent principalement que BHO et les républicains se mettent d’accord pour trouver une formule unique et victorieuse, mais elle accentuera les divisions et les antagonismes puisque chacun prétend détenir la bonne formule et ne verra inconsciemment l’avertissement de S&P que destiné à l’autre et nullement à lui.

Quant à ceux qui s’étonnent que le prestigieux S&P ait tiré son coup de semonce maintenant, au lieu d’attendre l’élection de 2012 et que soit dissipé l’affrontement bipartisan, c’est entretenir l’espoir fallacieux que l’entente bipartisane renaîtra avec cette élection qui représente la perspective électorale la plus risquée et la plus déstabilisante de toute l’histoire des USA d’une part, c’est croire qu’on peut attendre sans risquer que le pire s’accomplisse d’autre part… Car le temps presse, en un mot.

La corruption par toutes les forces financières et économiques qui comptent, notamment la corruption par Wall Street, a atteint des degrés tels qu’elle entame gravement en les pourrissant à mesure les capacités psychologiques des hommes chargés d’appliquer la politique qui importe  ; car la corruption psychologique, comme c’est le cas, est bien pire encore que la corruption vénale. La destruction aussi systématique du sens des affaires publiques pour les groupes de pression, la destruction de la loyauté, de la responsabilité publique, de l’équilibre du jugement, si c’est bon un temps pour le corrupteur, se renverse complètement sur le terme et devient un terrible handicap pour lui. Les corrompus deviennent, de son point de vue, des cas insaisissables, qui se noient dans des querelles intestines soi disant pour défendre les intérêts du corrupteur. Les vindictes personnelles reprennent le dessus, et les haines sectaires et idéologiques. La situation est, aujourd’hui, à Washington, au sein de la bande Congrès-Maison Blanche, la pire qu’on puisse imaginer. Les concepts de compromis, d’entente bipartisane, etc., sont réclamés par tous mais au bénéfice exclusif des conceptions partisanes de chacun qui, à un moment ou l’autre, ramènent à la discorde, aggravée par rapport à ce qu’elle était. Qui plus est, la tâche désignée est des plus terribles, de celles qui demandent un certain esprits d’abnégation et un caractère de fermeté politique certain, qu’on ne trouve guère chez des corrompus aussi complètement achevés. On ne parle pas ici des débats techniques qu’affectionnent experts financiers et économiques, mais bien de l’esprit politique qu’il faut avoir pour conduire une direction vers une entente, c’est-à-dire faire acte de gouvernement (bon ou mauvais, qu’importe et question subjective de jugement), selon une vertu de la chose publique que le corrompu ne peut plus avoir par définition, – et là, vraiment, nous parlons, bien plus, infiniment plus de la corruption psychologique qui entraîne la destruction de ces valeurs jugées nécessaires pour une action efficace, que de la corruption vénale.

S&P, qui a tiré son coup de semonce comme on tire le coup d’un fusil à un coup, peut se préparer à passer à l’acte. Qu’il le fasse, s’il l’ose, avant que Washington ne s’effondre.


Mis en ligne le 19 avril 2011 à 08H41