Ça grogne dans les rangs et l’on parle de coup d’Etat à Fort Leavenworth

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Le malaise des militaires US est aujourd’hui une rubrique majeure de la crise générale de l’américanisme. On ne s’en cache plus et le virus touche désormais les rangs intermédiaires du corps des officiers de l’U.S. Army. Ainsi en apparaît-il à la lecture d’un excellent article du New York Times du 14 octobre. Il s’agit d’une visite à Fort Leavenworth, où se trouve l’Ecole du Corps des Officiers de l’U.S. Army.

Si tout est intéressant dans cet article, on s’arrêtera surtout à ce fait prodigieux pour qui connaît l’état d’esprit formaliste de l’armée US d’une discussion à propos de la possibilité pour les généraux de bloquer un conflit décidé par les dirigeants politiques. Faut-il ou non s’élever contre une décision du pouvoir politique? Faut-il ou non envisager une possibilité qui ressemble diablement à un coup d’Etat? On discute, on discute… On parle ici de la guerre en Irak mais on pourrait parler de celle qu’on préparerait éventuellement contre l’Iran.

«Col. Gregory Fontenot, a Leavenworth instructor, said it was typical of young officers to feel that the senior commanders had not spoken up for their interests, and that he had felt the same way when he was their age. But Colonel Fontenot, who commanded a battalion in the Persian Gulf war and a brigade in Bosnia and has since retired, said he questioned whether Americans really wanted a four-star general to stand up publicly and say no to the president of a nation where civilians control the armed forces.

»For the sake of argument, a question was posed: If enough four-star generals had done that, would it have stopped the war?

»“Yeah, we’d call it a coup d’etat,” Colonel Fontenot said. “Do you want to have a coup d’etat? You kind of have to decide what you want. Do you like the Constitution, or are you so upset about the Iraq war that you’re willing to dismiss the Constitution in just this one instance and hopefully things will be O.K.? I don’t think so.”

»Some of the young officers were unimpressed by retired officers who spoke up against Mr. Rumsfeld in April 2006. The retired generals had little to lose, they argued, and their words would have mattered more had they been on active duty. “Why didn’t you do that while you were still in uniform?” Maj. James Hardaway, 36, asked.

»Yet, Major Hardaway said, General Shinseki had shown there was a great cost, at least under Mr. Rumsfeld. “Evidence shows that when you do do that in uniform, bad things can happen,” he said. “So, it’s sort of a dichotomy of, should I do the right thing, even if I get punished?”

»Another major said that young officers were engaged in their own revisionist history, and that many had believed the war could be won with Mr. Rumsfeld’s initial invasion force of about 170,000. “Everybody now claims, oh, I knew we were going to be there for five years and it was going to take 400,000 people,” said Maj. Patrick Proctor, 36. “Nobody wants to be the guy who said, ‘Yeah, I thought we could do it.’ But a lot of us did.”

»One question that silenced many of the officers was a simple one: Should the war have been fought?

»“I honestly don’t know how I feel about that,” Major Powell said in a telephone conversation after the discussions at Leavenworth.»

…Non pas que nous croyions une seconde à la possibilité réelle d’un coup d’Etat. Nous partageons cette opinion de l’impossibilité d’un tel acte aux USA, ou plutôt du fait que les structures font qu’une volonté vers un acte de cette sorte se traduit par autre chose qu’un coup d’Etat au sens classique. Mais l’on comprend que l’esprit est le même: le sens que le pouvoir civil n’a plus aucune légitimité et, par conséquent, que son autorité est réduite à rien. Le désordre règne…

Ces conversations de Fort Leavenworth ne font que confirmer et amplifier la perception d’une situation de ce complet désordre régnant dans la direction et dans les élites des USA. Il est particulièrement frappant que l’on trouve cette confirmation qu’il règne dans les rangs les plus anonymes de l’institution représentant, par la volonté du pouvoir civil, le cœur de la puissance US dans le monde, — et que l’on découvre que ces anonymes ne craignent pas d’en parler à haute voix, et autrement que dans le mode anonyme.


Mis en ligne le 16 octobre 2007 à 07H02