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5351• La “politique des sanctions” est devenue, dans le chef des USA (avec l’UE suivant fidèlement en remuant la queue), une chose monstrueuse qui sert à tous les usages (enrichissement, concurrence illégale, corruption, agression, etc.). • La dernière trouvaille est qu’elle sert également à la dédollarisation, ce que les dirigeants reconnaissant sans peine et sans s’en préoccuper. • On vient d’en avoir l’aveu par la secrétaire au trésor Yellen, suivi le lendemain par la démonstration par le Bengladesh. • Contributions : dedefensa.org, Andrew Korybko.
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Andrew Korybko prend comme introduction et prétexte, – ou cause logique, c’est selon,– de son propos ce qu’il désigne comme la “reconnaissance candide” par la secrétaire au trésor de l’administration Biden, Janet Yellen, que les sanctions peuvent avoir un effet dévastateur en telle et telle occasion, en obligeant la victime de ces sanctions à ne plus faire usage du dollar pour ses transactions internationales. C’est ce qu’on désigne sous le mot récemment formé de “dédollarisation”. La reconnaissance théorique est diffusée par CNN, et aussitôt vient la démonstration par la confirmation opérationnelle, du Bengladesh récemment sanctionné :
« Un fonctionnaire bangladais a déclaré aux médias lundi que son pays rembourserait le prêt que la Russie lui avait accordé dans le cadre du projet de centrale nucléaire de Rooppur en yuans plutôt qu'en dollars, précisément en raison de l'influence des sanctions américaines. »
Ce n’est pas la première fois que la chose arrive, mais la première fois d’une façon aussi parfaite dans la chronologie et l’enchaînement. L’affaire du Bengladesh ne nous a rien appris de nouveau. Cela fait des années que l’on voit progresser, au rythme de la monstrueuse extension de la “politique (!) des sanctions”, cet effet indirect et directement catastrophique. Yellen le savait puisqu’elle le reconnaissait candidement avant l’affaire du Bengladesh. Tout le monde à Washington D.C. le sait, dans les secteurs financier, commercial et juridique, et même dans les autres domaines. Personne ne fait rien et les sanctions continuent à s’empiler, et à renforcer les pays sanctionnés en les obligeant à cette mesure de désinfection de la dédollarisation. Pourquoi les États-Unis poursuivent-ils cette “politique” si manifestement autodestructrice ?
Si l’on veut bien une hypothèse métaphorique, parce que la “politique des sanctions” est le signe actuel de la surpuissance américaniste, – ce qui lui en reste, son dernier avatar et râle d’agonie, – et que cette surpuissance engendre nécessairement l’autodestruction. Notre équation fondamentale de l’effondrement du Système est ainsi démontrée une fois de plus.
Le personnel dirigeant américaniste est parfaitement équipé pour mener à bien cette tâche qui n’est que partiellement la satisfaction d’un énorme hubris considérablement stupide. Son comportement va dans ce sens, qui le fait évoluer dans un univers singulier où les rapports de cause à effet sont soumis à diverses et très-puissantes nécessités psychologiques et bureaucratiques qui priment sur toute réalité.
• Les traits psychologiques auxquels nous faisons allusion pour décrire cette “nécessité psychologique” ont déjà souvent été identifiés et explicités sur ce site. Ils assurent une sorte d’invincibilité d’une crédulité d’une puissance colossale, et d’une puissance si complètement mécanisées que nous avançons même pour les qualifier l’expression de “technologies psychologiques” qui rapproche de plus en plus l’américaniste-type (le serviteur du Système et élite-zombie) de la robotique et de l’intelligence réduite à son artificialité...
Coup d’œil de rappel de ces traits psychologiques : « Ces deux “technologies psychologiques” [...] sont deux traits psychologiques qui relèvent de la féérie-fantasy propre à l’américanisme, et qui sont aujourd’hui exacerbées jusqu’à la folie, – soit l’inculpabilité (“sentiment de l’absence à terme et décisivement de culpabilité de l’américanisme quelle que soit son action”) et l’indéfectibilité (“sentiment de la certitude [de l’américanisme] de ne pouvoir être battu dans tout ce qui figure conflit et affrontement”), tels qu’ils sont explicités dans [ce texte] qui rappelle leurs caractères... »
• L’énorme puissance de la bureaucratie, particulièrement dans les matières de sécurité nationale de plus en plus classifiées en diverses graduation de “secret”, cloisonne tout le paysage concerné, empêchant toute réflexion croisée, toute appréciation féconde de l’entièreté du dispositif. Ainsi apprécie-t-on les conséquences à peine indirectes mais immédiatement très puissantes des mesures que ces bureaucraties décident sans en être concerné de quelque façon que ce soit. Cette bureaucratie est une sorte de mécanisme anthropophage qui dévore tous les aspects créatifs et originaux, et évidemment toute liberté du jugement humain, des êtres humains qui la servent. Même madame Yellen, ancienne directrice de la Fed et actuelle secrétaire au trésor, est complètement emprisonnée dans les contraintes bureaucratiques qu’elle est censée diriger. Elle dit alors : “Oui, je sais, cette navigation très rapide au milieu des récifs fait des trous dans la coque et nous coulons et donc nous allons mourir en perdant tout mais vous comprenez c’est dans ces récifs que l’on trouve les huitres perlières qui font notre fortune et assurent notre supériorité et la pérennité éternelle de notre puissance.”
Il faut ici rendre une fois de plus hommage à cette créature satanique que fut Don Rumsfeld, avec son discours du 10 septembre 2001 (9/10), veille du 11 (9/11), où il dénonça la bureaucratie comme le plus terrible ennemi, – au moins aussi terrible que l’URSS, – que n’eurent jamais les États-Unis. Curieusement, – mais là est le satanisme, – Rumsfeld dénonça ce jour-là l’ennemi décisif (et sans doute satanique) de son pays, pour se rallier à la cause de cet ennemi le lendemain, à l’occasion d’une attaque dont il était sans doute, – soit l’un des instigateurs indirects et sans doute involontaire, soit l’un des inspirateurs involontaires et sans doute indirects, – et cette attaque qui allait lancer la bureaucratie dans un épisode de surpuissance supplémentaire et sans doute décisif pour l’autodestruction...
Rappel de ce discours le 30 mars pour le cas de l’hypersonique, mais qui peut absolument servir pour expliquer l’aveuglement dont font preuve les bureaucraties des sanctions et celles qui sont chargées de suivre ‘La marée du soir’ de la dédollarisation
« Notre sujet aujourd’hui est un adversaire qui constitue une menace, une sérieuse menace, contre la sécurité des États-Unis d’Amérique. Cet adversaire est un des derniers bastions de la planification centralisée. Il gouverne en édictant des plans quinquennaux. D’une seule capitale où il se trouve, il tente d’imposer ses exigences au travers des fuseaux horaires, des continents, des océans et au-delà. Avec une brutale constance, il bâillonne la pensée libre et détruit les idées nouvelles. Il désorganise la défense des États-Unis et met en danger les vies des hommes et des femmes en uniforme.
» Peut-être cet adversaire paraît ressembler à ce que fut l’Union Soviétique, mais cet ennemi s’en est allé : nos ennemis sont aujourd’hui plus subtils et plus implacables. Vous devez penser que je suis en train de décrire un de ces dictateurs décrépits qui survivent encore. Mais leur temps est passé, à eux aussi, et ils ne font pas le poids à côté de cet adversaire que je décris.
» Cet adversaire est beaucoup plus proche de nous. C’est la bureaucratie du Pentagone. Non pas les gens mais les processus. Non pas les hommes et les femmes en uniforme mais l’uniformité de la pensée et de l’action que nous leur imposons bien trop souvent... »
Ci-dessous, on trouve donc un texte de Andrew Korybko du 17 avril 2023 (« Les sanctions US force le Bengladesh à dédollariser son accord avec la Russie sur la construction d’un réacteur nucléaire »)... Korybko estime qu’il faudra encore un temps assez long avant une dédollarisation effective mais notre appréciation est que c’est compter sans l’aide des USA, et le choc psychologique ainsi réalisé, qui se chargeront et se chargent déjà d’accélérer la chose.
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La dédollarisation est incontestablement la tendance financière la plus importante de ce siècle jusqu'à présent, même si son aboutissement ultime ne conduira pas le yuan à remplacer le dollar, mais à compléter son rôle de double monnaie de réserve. Les pays devraient avoir le choix d'utiliser l'une ou l'autre pour l'achat de matières premières, tandis que les échanges bilatéraux reposeront de plus en plus sur les monnaies nationales plutôt que sur celle d'un tiers, sauf dans les cas où cela n'est pas mutuellement bénéfique.
La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a candidement admis dans une interview accordée à CNN dimanche que la vague de sanctions antirusses de son pays pourrait involontairement accélérer les processus de dédollarisation, et sa prédiction s'est littéralement concrétisée un jour plus tard. Un fonctionnaire bangladais a déclaré aux médias lundi que son pays rembourserait le prêt que la Russie lui avait accordé dans le cadre du projet de centrale nucléaire de Rooppur en yuans plutôt qu'en dollars, précisément en raison de l'influence des sanctions américaines.
La monnaie chinoise permet de faciliter ces paiements, car les deux pays réalisent de nombreux échanges commerciaux avec la République populaire, ce qui est d'ailleurs la norme dans le monde entier puisque la plupart des pays la considèrent comme leur principal partenaire commercial. Cela étant, le modèle de dédollarisation par le yuan mis en place par le Bangladesh et la Russie comme solution pragmatique pour poursuivre leur projet stratégique face aux sanctions américaines pourrait également être utilisé pour faciliter les interactions financières de la Russie avec d'autres pays.
Néanmoins, il est peu probable que la Russie s'appuie uniquement sur cette monnaie à cet égard, car l'utilisation des monnaies nationales est évidemment préférable à celle d'un tiers, mais le commerce bilatéral avec certains partenaires n'a peut-être pas atteint le degré de maturité nécessaire pour que cela soit mutuellement bénéfique. Dans ce cas, le yuan ou peut-être même la monnaie de réserve prévue par les BRICS pourraient être utilisés à la place, mais le fait est que personne ne devrait s'attendre à ce que la monnaie chinoise soit le seul moyen utilisé par la Russie.
La dédollarisation est incontestablement la tendance financière la plus importante de ce siècle jusqu'à présent, même si son aboutissement ultime ne conduira pas le yuan à remplacer le dollar, mais à compléter son rôle de double monnaie de réserve. Les pays devraient avoir le choix d'utiliser l'une ou l'autre pour l'achat de matières premières, tandis que les échanges bilatéraux reposeront de plus en plus sur les monnaies nationales plutôt que sur celle d'un tiers, sauf dans les cas où cela n'est pas mutuellement bénéfique.
À ce sujet, « L'internationalisation de la roupie indienne est une tendance financière émergente qui mérite d'être suivie », d’autant plus que ce pays est en passe de devenir la troisième économie mondiale d'ici la fin de la décennie. D'ici là, les échanges commerciaux avec le reste du monde seront beaucoup plus importants, ce qui amènera les pays à utiliser plus fréquemment la roupie, y compris la Russie, avec laquelle de tels projets sont déjà en cours.
Tout comme le yuan est actuellement pratique pour faciliter les remboursements de prêts du Bangladesh à la Russie, la roupie pourrait devenir tout aussi pratique à l'avenir pour ces deux pays et bien d'autres encore, ce qui leur donnerait encore plus de choix que le dollar, l'euro, le yuan ou la livre sterling. Si l'on ajoute à cela le projet de monnaie de réserve des BRICS et la possibilité que des organisations d'intégration régionale comme le Mercosur lancent un jour leur propre monnaie, la diversité financière s'accroîtra considérablement dans les années à venir.
Le yuan fait incontestablement avancer cette tendance, mais les processus multipolaires déclenchés par l'opération spéciale de la Russie et tout ce qui s'en est suivi garantiront qu'il ne remplacera pas le dollar en assumant un rôle hégémonique similaire dans l'évolution de l'ordre mondial. Cette garantie devrait inspirer confiance aux observateurs quant aux contours du nouveau système financier en cours de construction, qui sera réellement plus démocratique, plus équitable et plus juste pour tous les pays que le système centré sur les États-Unis, qui est en train de disparaître.
Andrew Korybko
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