Capone-Trump au bout du fil

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Capone-Trump au bout du fil

Des connivences et prises de contact entre la journaliste Whitney Webb, de MintPressNews.com, et Tom Luongo, sur son site (Lettre d’Information) Gold Goats’n Gunsnous ont conduit à la lecture d’une déclaration extraordinaire du premier ministre irakien devant son Parlement, le 5 janvier, deux jours après l’assassinat du général iranien Soleimani. La chose s’est faite dans des conditions très particulières, avec une diffusion publique mais restée confidentielle pour des raisons qu’on comprendra aisément mais qui devraient continuer à nous stupéfier, – le silence de la presse “libre”, dite presseSystème, devant tout ce qui embarrasse le Système.

Il y a deux textes de références, celui de Webb du  17 janvier 2020, celui de Tom Luongo du  19 janvier 2020. La première (Webb) est entrée en contact avec Luongo avant d’écrire son texte, parce que Luongo avait écrit certaines hypothèses concernant des événements en Irak, qui se trouvaient confirmées, sinon amplifiées par les déclarations du Premier ministre irakien. Webb ayant eu accès à ces déclarations et ayant lu le texte de Luongo, a pris contact avec le second. On peut se reporter aux deux textes pour suivre tous les détails de l’affaire, dont l’aspect stratégique fondamental est un accord-géant sur l’éne ergie entre l’Irak et la Chine, que les USA veulent absolument bloquer et liquider. On trouve tous les détails dans les deux textes référencés, mais ce qui nous intéresse c’est le récit qu’a fait le premier ministre irakien au Parlement le 5 janvier, lorsqu’il a rapporté le détail de ses “relations” avec les USA et avec Trump ces dernières semaines. 

(C’est au texte de Webb, surtitré “Gangster Diplomacy” [Luongo titre le sien avec le mot “Gangsteronomics”], que nous empruntons les extraits qui suivent.)

• D’abord, sur les circonstances qui ont conduit à la coupure de la retransmission directe à la TV, au moment où la déclaration du Premier ministre devenait particulièrement intéressante :

« Le Premier ministre irakien par intérim, Adel Abdul-Mahdi, a fait une série de remarques le 5 janvier, lors d'une session parlementaire qui a étonnamment peu retenu l'attention des médias. Au cours de cette session, qui a également vu le Parlement irakien approuver le retrait de toutes les troupes étrangères (y compris américaines) du pays, Abdul-Mahdi a fait une série de déclarations sur les événements récents qui ont conduit à placer l'Irak au cœur des tensions entre les États-Unis et l'Iran.
» Pendant cette session, seule une partie des déclarations d'Abdul-Mahdi a été diffusée à la télévision, après que le président irakien de la Chambre, – Mohammed Al-Halbousi, qui a une relation étroite avec Washington, – ait demandé que le flux vidéo soit coupé. D’une façon assez étrange [c’est-à-dire révélatrice], Al-Halbousi a assisté à la session parlementaire alors qu’elle était boycottée par ses alliés sunnites et kurdes. »

• Ensuite, le passage qui nous intéresse particulièrement, avec le récit non diffusé à la télévision du Premier ministre Abdul-Mahdi...

« Après la coupure du flux, les députés présents ont noté les remarques d’Abdul-Mahdi, qui ont ensuite été transmises à la chaîne de télévision arabe Ida’at. D'après cette transcription, Abdul-Mahdi a déclaré ce qui suit :
» “Ce sont les Américains qui ont détruit le pays et qui l'ont ravagé. Ils ont refusé de terminer la construction du système électrique et les projets d'infrastructure. Ils ont négocié la reconstruction de l'Irak en échange de l’abandon par l’Irak de 50 p. 100 des importations de pétrole. J’ai donc refusé et j’ai décidé d’aller en Chine et de conclure avec elle une entente importante et stratégique. Aujourd'hui, Trump essaie d'annuler cet important accord.”
» Abdul-Mahdi a poursuivi ses remarques, notant que la pression exercée par l'administration Trump sur ses négociations et ses transactions ultérieures avec la Chine s'est considérablement accrue au fil du temps, entraînant même des menaces de mort contre lui-même et son ministre de la Défense :
» “Après mon retour de Chine, Trump m'a appelé et m’a demandé d'annuler l'accord, j'ai également refusé, et il a annoncé sous forme de menace [qu'il y aurait]des manifestations massives pour me renverser. En effet, les manifestations ont commencé, puis Trump a appelé de nouveau, menaçant d’une escalade en cas de non-coopération et de refus de ses demandes, expliquant que des éléments extérieurs [présumés être des mercenaires ou des soldats américains]tireraient pour tuer à la fois des manifestants et des forces de sécurité du haut des plus hauts bâtiments et de l'ambassade américaine, pour faire pression sur moi, pour me soumettre à ses souhaits et annuler l'accord avec la Chine”. 
» ”Je n'ai pas répondu et j'ai remis ma démission, et les Américains insistent encore aujourd'hui pour obtenir l’annulation de l'accord avec la Chine. Quand le ministre de la défense a dit que ceux qui avaient tué les manifestants étaient des éléments extérieurs, Trump m'a appelé immédiatement et m'a menacé physiquement, ainsi que le ministre de la défense, au cas où l’on parlerait encore de ces éléments extérieurs”.
» Très peu de médias de langue anglaise ont rapporté les commentaires d'Abdul-Mahdi. Tom Luongo, un analyste indépendant basé en Floride et éditeur de la Lettre d’Information The Gold Goats’n Guns, a déclaré à MintPress que les raisons probables du “surprenant” silence médiatique à propos des affirmations d'Abdul-Mahdi venaient de fait que “cela n'a jamais vraiment été diffusé sur les chaînes officielles...” en raison de la coupure du flux vidéo pendant la session parlementaire irakienne et aussi du fait que “c’est très gênant et quant aux médias...  [ils se taisent] puisque Trump fait ce qu'ils veulent qu’il fasse, c’est-à-dire l’affrontement avec l’Iran et la protection des intérêts d’Israël là-bas”. 
» “Ils ne vont pas le gêner sur ce point [l’Irak]s’il joue leur jeu”, a ajouté Luongo, avant de poursuivre que les médias “garderont néanmoins [ces informations]pour une utilisation future... Si cela se fait, ils l’utiliseront contre lui plus tard s’il tente de quitter l’Irak.” “A Washington, tout est utilisé comme levier [de chantage]”, a-t-il ajouté. »

Il y a beaucoup d’arguments pour penser que ces propos du Premier ministre irakien correspondent à la réalité, y compris bien entendu à la lumière de l’intervention du président de la chambre, clairement désigné comme “ami de Washington”, et des députés kurdes et des sunnites qui, eux, boycottaient la séance. Al-Halbousi semblait donc être là pour limiter la diffusion des propos du Premier ministre Abdul-Mahdi. Ces propos d’Abdul-Mahdi, deux jours après l’assassinat de Soleimani, reflètent clairement une crainte physique d’une action de même type contre lui-même ; dans ce cas, rendre publiques ces craintes constitue effectivement une tentative de dissuader une action d’une telle violence. C’est un sentiment qui va se généraliser : l’action contre Soleimani montre que les USA ne reculent désormais devant aucune action extrême de liquidation, – et l’on peut conjecturer que cela vaudra certainement pour leurs “alliés”, y compris les vertueux Européens, –  sans aucun souci des lois internationales et de la légalité, et en revendiquant hautement ces actes, au plus haut niveau de ce qui ne peut être nommé en aucune façon un État,  – pour que chacun sache exactement ce qu’il risque...

Il s’agit d’une “brutalisation” extrême de la diplomatie US qui n’est plus aujourd’hui qu’une activité de gangstérisme le plus cru : au-delà de la “militarisation” de la diplomatie qu’on constate depuis des années, il s’agit de la “gangstérisation” de toute l’activité extérieure US (diplomatie dans son sens le plus large, économie et commerce, forces militaires et guerres extérieures, etc..). Le sens général des menaces de Trump rappelle le climat autant que le modus operandi avant le “coup de Kiev” de février 2014, avec les  communications interceptées de Victoria Nuland, mais à un degré de gravité bien plus haut puisque dans le cas Soleimani-Irak, tout cela est exposé officiellement, avec éclat, par Trump lui-même, et applaudi par toute la hiérarchie.

Nous ne voulons en aucun cas dire que des événements semblables (à ceux d’Ukraine-2014) vont avoir lieu en Irak, car la situation générale est complètement différente ; nous voulons mettre en évidence la radicalisation extrême, quasiment au plus extrême possible, des méthodes du gangstérisme le plus illégal et le plus sauvage possible en ce qui concerne ce qu’on ne peut plus nommer en aucun cas la “diplomatie” US (et tout le reste de l’action extérieure). Cela ne signifie pas non plus une orientation particulière de Trump (belliciste, neocon ou pas), cela signifie que dans les circonstances qui lui conviennent et comme il est le partisan convaincu de ces méthodes, il est l’exécutant idéal. Il n’a aucune crainte de “se mouiller” à cet égard, ce qui intronise le fait de la brutalisation absolue du Système et des méthodes complètes de gangstérisme. Le “crime organisé” règne, de façon officielle et affirmée.

(Cela n’empêchera pas Trump, dans d’autres circonstances, de prendre sans hésiter des initiatives anti-bellicistes, de désengagement ici ou là, si cela est d’un certain avantage du point de vue du businessman qu’il est. Dans le cas irakien, son attitude très dure, voire l’assassinat de Soleimani également [en plus d’un acte anti-iranien], constituent un avertissement pour ceux qui n’exécuteraient pas ses consignes, notamment en Irak, et dans ce cas c’est dans la logique du personnage Trump qui a pris la Chine comme cible principale et adversaire mortel de la puissance US, alors que l’Irak veut se tourner vers la Chine... Rien d’idéologique, tout du businessman qui emploie évidemment les méthodes du crime organisé qui constitue l’organisation parfaite pour le businessman. Bien entendu, tout cela ne présage rien d’apaisé on s’en doute, à terme plus ou moins rapproché, pour ce qui est de la situation des relations entre les USA et l’Irak, et plus particulièrement de la situation des forces militaires US en Irak.)

Il s’agit sans aucun doute d’un déchaînement du système de l’américanisme au travers de la subversion et de l’effondrement de la structure de son pouvoir à cause des événements qu’on sait, depuis 2014, de l’élection de Trump et de l’attaque constante des démocrates, de la gauche progressiste-sociétale et d’une partie importante de l’appareil de sécurité nationale contre lui. Dans ce flux dynamique, plus aucun frein civilisé n’existe, ni loi ni droit internationaux, ni respect des souverainetés, etc.

Mais tous ces personnages, toutes ces organisations, et l’apparat idéologique bien entendu, tout cela n’a aucune importance fondamentale. Ce sont des outils, des moyens d’apparence politique comme des “moyens humains” (d’apparence humaine ...) pour accomplir ce que nous nommons le “déchaînement de la Matière” dans sa phase extrême. Cette phase extrême est celle du déchaînement du Système et du système de l’américanisme, parce que le Système est le moyen de l’opérationnalisation du “déchaînement de la Matière” et que le système de l’américanisme est la courroie de transmission privilégiée de l’action opérationnelle du Système. Cette immense pulsion contre-civilisationnelle se traduit par ce que nous désignons comme la Grande Crise Générale du Système, avec les caractères opérationnels qu’on connaît bien d’une action d’une surpuissance inouïe, laquelle nourrit parallèlement et de plus en plus directement le processus d’autodestruction justifiant le diagnostic de l’effondrement ; et ainsi la Grande Crise Générale du  Système est plus précisément nommée par nous la Grande Crise de l’Effondrement du Système.

 

Mis en ligne le 21 janvier 2020 à 07H30