Caramba ! Le feu aux poudres

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Caramba ! Le feu aux poudres

RapSit-USA2023. • Peut-on considérer qu’il y a crise entre les USA et le Mexique ? • Cela commence à en avoir “tout l’air”, avec l’insistance de la tension au Congrès et diverses législations proposées faisant des cartels de drogue des groupes terroristes type-ISIS justifiant une intervention armée. • Alors qu’on se rapproche des présidentielles, cette pression va augmenter et se trouver confrontée aux aventures extérieurs « de type-neocon et politiqueSystème » parce qu’il s’agit d’une crise défensive n’impliquant pas nécessairement la conquête du monde. • Question de pathologie.

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La pression s’accentue à Washington pour une action armée contre les cartels mexicains de la drogue, action armée au Mexique même et avec les forces armées US. Différentes initiatives sont en cours au Congrès, aussi bien à la Chambre qu’au Sénat. Ce type d’action sort complètement du cadre des guerres impérialistes extérieures de type-neocon et politiqueSystème. Elle impose une situation politique toute différente, même si elle entre bien entendu dans le cadre de la GrandeCrise puisque, comme observé par le président mexicain Obrador (AMLO), elle est essentiellement causée par l’effondrement social et la dégénérescence sociétale aux États-Unis.

D’abord, les dernières nouvelles sur la situation présente, qui voit les républicains et même les populistes en pointe dans les pressions pour une action armée :

« Les républicains américains sont de plus en plus favorables à l'idée de mener une guerre contre les puissants cartels de la drogue mexicains, selon Politico, qui s'est entretenu avec plusieurs législateurs du parti au sujet de cette idée controversée.

» Trump est impatient d'envoyer des “forces spéciales” au sud de la frontière pour éliminer les cartels, selon Rolling Stone, dont les sources affirment que le candidat républicain pour 2024 demande des “plans de bataille” pour affronter les trafiquants. Trump s'est plaint des “occasions manquées de son premier mandat” et est entouré de personnes “qui veulent moins d'occasions manquées dans une deuxième présidence Trump”.

» Les députés républicains Dan Crenshaw et Mike Waltz proposent un projet de loi visant à obtenir une autorisation d'utilisation de la force militaire (AUMF) ciblant les cartels, qu'ils accusent d'avoir “transformé le Mexique en un narco-État en faillite”.

» Le projet de loi “nous mettrait en guerre contre les cartels” explique Crenshaw dans un communiqué de presse, insistant sur le fait que “nous devons commencer à les traiter comme ISIS, – parce que c'est ce qu'ils sont”. [Waltz renchérit :] “Nous devons commencer à considérer ces groupes plus comme ISIS que comme la mafia", a-t-il déclaré à Politico lundi.

» Le mois dernier, un groupe de 20 membres républicains du Congrès, dirigé par le représentant du Texas Chip Roy, a présenté un projet de loi visant à désigner le Cartel du Golfe, le Cartel del Noreste, le Cartel de Sinaloa et le Cartel de Jalisco Nueva Generacion comme des “organisations terroristes étrangères”.

» Les sénateurs républicains Lindsey Graham et John Kennedy [John Neely Kennedy, aucun lien avec la famille des Kennedy assassinés] ont présenté un projet de loi similaire le mois dernier, demandant la création d'un groupe de travail dédié aux cartels et aux trafiquants de drogue et désignant neuf de ces organisations comme terroristes. »

Comme on l’a vu les impérialistes interventionnistes “de type-neocon et politiqueSystème” sont plutôt défavorables à cette sorte d’intervention parce qu’elle se ferait éventuellement au détriment des interventions extérieures type-Ukraine. (Remarque pas tout à fait valable pour un bien-connu Lindsay Graham, qui s’est aventuré dans cette dynamique par réflexe guerrier, par une sorte de pavlovisme qui fait dégainer automatiquement dès que sonne l’expression “intervention militaire”.)

« La volonté d'envahir le voisin méridional des États-Unis a quelques détracteurs improbables, dont John Bolton, l'ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump. Bolton a laissé entendre qu'une guerre contre les cartels “ne résoudrait pas le problème” des overdoses de fentanyl.

» Le président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Michael McCaul, un républicain de l'État frontalier du Texas [partisan de la guerre contre la Chine], “évalue toujours” la proposition d'AUMF et “s'inquiète des implications en matière d'immigration et des relations bilatérales avec le Mexique"” a déclaré un membre du personnel à Politico. [...] Malgré les pressions exercées par les procureurs généraux des États, l'administration Biden a exclu de désigner les cartels comme terroristes. »

On a déjà commenté une précédente poussée de fièvre belliciste anticartels il y a un petit mois, en donnant certains éléments et notamment les positions politico-sociétales d’Obrador critiquant la dégénérescence de la Woke-société US. C’est tout à fait remarquable de la part d’Obrador, qui est un des très rares dirigeants à mettre en cause cet effondrement civilisationnel américaniste, avec un formidable risque de contagion. Par ailleurs et avec tout autant de clairvoyance, Obrador ne manque pas de développer des critiques politiques contre les USA, que ce soit concernant le sabotage de NordStream ou l’arrestation de Trump.

Cela rejoint ce que PhG écrivait le 15 mars, montrant aussi bien les ramifications de la crise sociétale US (autre grande originalité de l’argument d’Obrador accusant l’évolution sociétale américaniste comme cause profonde de la crise de la drogue) que la constance de cette pression guerrière anticartels ; et cette pression anticartels, par la force des choses américanistes et pathologiques, – et malgré les paradoxes comme celui des bons rapports d’AMLO avec Trump ! –, devenant une pression guerrière anti-mexicaine :

« Et d’ailleurs, si l’on veut une complication de plus, un nœud gordien de plus, sait-on que certains adversaires de la guerre en Ukraine, – certains populistes partisans extrémistes de Trump, sont (justement) partisans de boucler la frontière Sud avec l’armée pour interdire l’immigration, de déclarer les cartels de la drogue “groupes terroristes”, ce qui donnerait aux forces US le droit “légal” (“légalité US”, veux-je dire car c’est-à-dire...) d’entrer au Mexique poursuivre les terroristes, – un droit de suite si l’on veut.

» AMLO, quant à lui, se contente de dire que la consommation de Fentanyl, qui transforme les citoyens US en Woke-zombies, est un problème de la société et du système de l’américanisme, beaucoup plus que le problème des cartels. Le président mexicain a enchaîné sur les menaces de certains élus républicains à la suite de l’assassinat de deux touristes US par les cartels au Mexique (depuis, les cartels se sont excusés !), pour lancer ses menaces à lui : “Continuez à nous menacer et je donne la consigne aux électeurs US d’origine mexicaine de voter contre vous !”... Si vous voulez, une sorte de ‘révolution de couleur’ à l’envers, une ingérence électorale, un ‘Mexicogate’ comme il y a eu un ‘Russiagate’.

» Ainsi les USA nous imposent-ils, dans leur chute sans fin, de faire une complète réévaluation de la notion de “crise”, – cette notion est elle-même “en crise”, – la crise “est en crise” et, du fait des USA et de leurs poisons divers, de la Woke-folie à l’art de l’ingérence sous toutes ses formes et à l’enrobement du tout dans une prodigieuse production de simulacres, nous ne savons plus ce qu’est une crise, quand elle commence, quand elle s’arrête, quand elle est passagère ou quand elle est Grande, – et ainsi les États-Unis inventèrent-ils la GrandeCrise»

De l’intérêt d’une crise Mexique-USA

Les relations entre le Mexique et les États-Unis présentent un cas intéressant de situation crisique, dans le cadre de la GrandeCrise. Manifestement, cette affaire n’enchante pas les partisans des interventions extérieures “de type-neocon et politiqueSystème”, comme l’on voit avec la réaction de Bolton qui ne rechigne pourtant jamais pour une “chouette petite guerre” mais qu’on retrouve soudain en assistante sociale spécialisée dans la prévention de la dépendance à la chimie pour camés. Il nous semble que la raison principale est que l’on abandonne les ambitions impérialistes et conquérantes selon la doctrine néoconservatrice de la “démocratie autoritaire” et les tendances trotskistes (révolution/démocratie “permanente”) pour des problèmes qui retrouvent les divisions intérieures et la crise fondamentale du système de l’américanisme.

Le paradoxe est que le président mexicain est un adversaire de la tendance impérialiste US “de type-neocon et politiqueSystème”, et plutôt penchant vers le “Sud-Global”, éventuellement la Russie, candidat aux BRICS, etc. Même la situation Trump-Obrador est contradictoire : le premier veut une invasion du Mexique contre les cartels mais il s’est toujours bien entendu avec Obrador, lequel prend régulièrement position pour l’ancien et peut-être futur président confronté à ses problèmes intérieurs.

Il ne nous semble nullement que cette tension aille dans le sens de l’apaisement dans la mesure où nombre de milieux politiques US (surtout conservateurs et populistes) y trouvent une bonne querelle pour renforcer leurs positions intérieures, – et même, paradoxe encore mais inversé, ralentir les aventures extérieures du type-Ukraine. Cela compte d’autant plus que nous approchons de la période pré-électorale, et qu’un des principaux acteurs (Trump) a fait de la crise des frontières et de la guerre anticartels un de ses plus fougueux chevaux de bataille.

Le point le plus intéressant dans cette structure crisique, c’est de savoir si Obrador mettra à exécution sa menace de peser sur les citoyens US d’origine mexicaine et sur les Mexicains résidants aux USA avec le droit de vote, et si une telle action aura des effets marquants. Au-delà et d’une façon générale d’ailleurs, on pose la question plus simplement de cette façon : que vont faire les Mexicains et les Latinos en général présents aux USA, en cas de crise aiguë entre USA et Mexique ?

Quoi qu’il en soit et compte tenu de ce qu’aucune réponse ne peut être avancée aujourd’hui à cette sorte de question, on retiendra ceci comme fait absolument essentiel : l’existence d’une situation crisique importante sinon explosive, d’autant que la question de l’immigration illégale est absolument concernée, liant à la fois un élément de la crise extérieure générale et un élément de la crise intérieure du système de l’américanisme. On sait que c’est pour nous la perspective la plus importante : faire entrer la crise intérieure américaine dans la logique et la dynamique des courants extérieurs de la GrandeCrise, – lier la situation crisique intérieure US aux situations crisiques extérieures que suscitent les USA, – pour qu’enfin les USA soient réellement touchés.

C’est pour nous essentiel, comme nous le répétons depuis longtemps, notamment depuis 2009 et en-deça, lorsque nous disons l’importance de l’effondrement des USA tels qu’ils sont actuellement...

« Nous l'avons déjà écrit et nous le répétons avec force : il ne peut y avoir, aujourd’hui, d’événements plus important pour la situation du monde qu’une dynamique de dislocation des USA. Nous pensons que la crise actuelle est à la fois, et contradictoirement, formidablement amplifiée et formidablement bloquée dans sa compréhension par la puissance de la communication. Ce phénomène ne cesse de dramatiser et d’attiser les conditions de la crise tout en renforçant la pression du conformisme de la pensée dominante pour ne pas mettre en cause les éléments qui sont les fondements de cette crise.

» L’un des fondements est psychologique, avec le phénomène de fascination – à nouveau ce mot – pour l’attraction exercée sur les esprits par le “modèle américaniste”, qui est en fait la représentation à la fois symbolique et onirique de la modernité. »

 

Mis en ligne le 12 avril 2023 à 14H30