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1030On se demande qui est le plus un robot : le Predator qui tire un missile Maverick contre un fuyard perdu dans un village afghan et identifié comme tel (“fuyard perdu…”, etc.) par les robots informatiques de Langley, quartier-général de la CIA; le type qui contrôle le Predator dans son établi hyper-sophistiqué de l’USAF au Texas; le général (US, of course) qui vous explique que la flotte d’UCAV sans pilotes c’est la solution humaine et sélective de la victoire prochaine contre les forces du Mal. Faites votre choix.
En attendant, ils continuent et enchaînent. Un “U.S. air strike” de plus, en Afghanistan, et des pertes civiles qui pourraient être extrêmement importantes. Il est possible que cette attaque soit la plus meurtrière depuis 2002, question “dégâts collatéraux”. C’en est au point où le Pentagone a accepté d’ouvrir une enquête conjointe avec le gouvernement afghan. Cela fera un beau sujet de conversation entre Obama et les deux présidents afghan et pakistanais qui vont se rencontrer à trois.
Le site WSWS.org fait un rapport sur l’incident, le 6 mai 2009: «…[R]eports from Afghanistan indicate that US air strikes in western Farah province have killed and wounded scores of civilians, many of them women and children. Villagers from the remote Bala Baluk district near the Iranian border put the death toll as high as 150, according to local government officials.
»According to accounts from the region, US forces battling insurgents who had moved into the area called in air strikes. A bomb struck mud-brick houses in the village of Gerani, where civilians had taken refuge from the fighting.
» A provincial council member in Farah province, Abdul Basir Khan, told the Associated Press that villagers had brought truckloads of mangled corpses of bombing victims to the provincial capital to prove that women and children had been slaughtered in the US attack. The official said that villagers had gathered in front of the local government office, crying and shouting. “It was difficult to count [the bodies] because they were in very bad shape,” said Khan, adding, “Some had no legs.” Villagers told him that 150 people had been killed, he said. “These houses that were full of children and women and elders were bombed by planes,” Mohammad Mieem Qadderdan, a former top regional official who had witnessed the carnage, told the media. “It is very difficult to say how many were killed because nobody can count the number. People are digging through rubble with shovels and hands.”»
Cet incident semblerait devoir dépasser en gravité, en pertes civiles évidemment, celui de Azizabad, à l’été 2008. («Qadderdan said that the death toll was “worse than Azizabad,” referring to a US air strike last year that killed at least 90 Afghan civilians, two-thirds of them children, in the western province of Herat.») WSWS.org rappelle les réactions US après Azizabad et ce qui s’ensuivit.
«For its part, the Pentagon vowed to exercise greater care. General David McKiernan, senior US commander in Afghanistan, issued a directive to US forces last September calling for American forces to be more discriminatory in the use of firepower.
»At the same time, however, the US commander blamed the insurgents for the killings carried out by the US military, claiming that they purposely “mixed in with the population.” This is the same charge leveled by every army engaged in a colonial occupation and counterinsurgency warfare to justify mass killings. The reality is that the insurgents are drawn from the population, living among and drawing support from it.
»The directive did nothing to halt the bloodletting. According to a report issued by the United Nations in February, the number of civilians killed in Afghanistan rose 40 percent to a record 2,118 last year. Many of the dead were victims of US air strikes, which are regularly called in by American ground units that find themselves outmaneuvered by Afghan fighters, who enjoy the advantage of battling in their own land.»
Cette attaque, une de plus, une encore pire, n’ajoute rien à l’absurdité inique de cette guerre, sinon de la confirmer évidemment. Elle attire une fois de plus l’attention sur l’“absurdité inique” de la “way of war” des forces US, et des contingents suiveurs par conséquent. Au moins, l’ordre de bataille occidental en Afghanistan, ou “AfPak” (Pakistan en plus) est au complet, sans une seule bavure: stupide stratégiquement et politiquement, stupide tactiquement et opérationnellement, stupide psychologiquement. Il y a quelque chose qui serait proche de la perfection.
L’intervention aérienne à l’aide de système puissants, très rapides, dévastateurs, pleins d’informations péremptoires, incapables de s’attarder à la moindre exploration visuelle préalable de l’objectif, incapables en un sens de s’intégrer dans la bataille, – voilà leur recette. On a vu déjà l’appréciation critique de la tactique occidentale (le 24 avril 2009), – ou, plutôt, de la “non-tactique” puisque les Occidentaux américanistes ne font qu’obéir aux impératifs technologiques des machines qu’ils croient conduire à la bataille et qui leur imposent leurs propres conditions de la bataille.
Nous avons également rappelé, à propos du déploiement absurde de Typhoon britanniques en Afghanistan, quel pouvait être l’usage efficace de l’arme aérienne dans les guerres de guérilla, puisqu’il est entendu que les forces aériennes doivent y avoir leur part. L’intervention de types d’avions adaptés, plus lents, capables d’identification visuelle, des avions qui constituent dans l’inventaire aérien un système qui est lui-même conduit à agir comme dans une guerre de guérilla, – voilà qui implique une conception spécifique de la guerre, qu’aucune des vedettes occidentales n’est plus capable d’avoir. (Les Français firent cela en Algérie en 1954-1962, avec les vieux T-6 et les plus récents T-28 d’entraînement armés, tous monomoteurs à hélice, très lents, alors qu’ils possédaient des avions à réaction beaucoup plus puissants, – Mistral, Ouragan, Mystère, Vautour ; ils écartèrent mêmes les puissants chasseurs-bombardiers à hélice de la guerre, type Corsair, qu’ils avaient encore en service sur leurs porte-avions. Les Américains introduisirent des Skyraider à hélice au Vietnam, mais plutôt accidentellement, en attendant l’arrivée des avions à réaction “classiques”, ou pour le soutien de missions annexes, type commandos, ou pour en doter leurs alliés sud-vietnamiens qu’ils méprisaient.)
Outre les avantages opérationnels, ces avions lents et précis dans leurs interventions, contribuent à rapprocher la dimension aérienne de la guerre terrestre, c’est-à-dire de la guérilla elle-même. Il s’agit bien d’une intégration, qui facilite les conditions opérationnelles en même temps qu’elle établit un meilleur climat psychologique, aussi bien pour les troupes amies au sol que pour les populations civiles. Cette intégration résulte effectivement d’une “contraction” des moyens et des ambitions de la composante aérienne par rapport au théâtre de la bataille, dont elle ne peut elle-même être un élément décisif mais à laquelle elle doit nécessairement s’adapter. Bien entendu, la technique implique le risque du point de vue de la sécurité, c’est-à-dire de la guerre, qui est le risque de l’intégration dans la vraie dimension de la bataille; celui qui ne s’y intègre pas, comme font les puissants chasseurs actuels, ne court aucun risque et provoque les catastrophes qu’on sait. Il semble que l’idée d’un appui aérien intégré et risqué ne soit pas dans l’humeur courante de notre système militaire de type bureaucratique avec inspiration d’un état d’esprit technologiste.
Tout au plus observera-t-on que certains se doutent peut-être de quelque chose. Est-ce le cas du chef d’état-major de l’USAF, le général Schwartz, du moins en partie (l’autre partie faisant du F-35/JSF la panacée universelle et future)? Il propose que l’USAF examine la possibilité de s’équiper d'une version armée de son avion d’entraînement à hélice (turbopropulseur), avion d’entraînement de premier degré, le Beech T-6 (à ne pas confondre avec le T-6 cité plus haut, qui était le North American Harvard développé dans les années 1935-36). Quelques précisions, de DoDBuzz.com, du 24 avril 2009:
«[T]o make the Air Force a bigger joint player and ensure the service can play an important part in this age of hybrid warfare, Gen. Norton Schwartz, is considering the need for a light propeller driven aircraft for a strike role, similar to aircraft used against the Viet Cong during the Vietnam War. “There is a legitimate need to talk about the light strike role and the building partner capacity role, and we certainly intend to have that discussion in the coming months,” the Air Force Chief of Staff said at the Brookings Institution today. […]
»Schwartz added that the best approach might be to make the primary trainer aircraft something that “could be easily reconfigured into a light strike platform.” The Hawker Beechcraft T-6 is the Air Force’s current primary trainer aircraft. Its maker has proposed a modified plane with machine guns and the ability to carry a variety of PGMs so it would seem a natural candidate for this role. Schwartz said such a plane might be deployed as part of the counter-insurgency wing…»
Il n’est pas absolument assuré que cette initiative soit fondée sur la perception de l’efficacité de cet avion. Le rapport précise que l’USAF «has been very sensitive about its image over the last eight years of fighting, concerned the country did not appreciate its role in the several wars we are waging». Cette phrase sibylline semble surtout impliquer que l’intérêt pour le T-6 armé a pour intention première de répondre aux critiques qui estiment les forces de l’USAF inadaptées aux guerres de guérilla. Dans les années 1960 et 1970, il y eut les péripéties d’une version modernisée antiguérilla avec turbopropulseur du P-51 Mustang de la guerre, développée par Cavalier, reprise par Piper, etc. A plusieurs reprises, l’USAF fit mine de s’y intéresser mais se garda bien d’aller au-delà de l’“image” ainsi esquissée d’un début de considération pour une éventuelle adaptation aux conditions de la guerre de guérilla.
Mis en ligne le 6 mai 2009 à 19H39