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5278Dès le matin du premier mai, les forces de police arrêtent et fouillent aux différents portes de Paris. Tout ce qui peut de près ou de loin évoquer un manifestant Gilet Jaune est visé. Les groupes de jeunes gens portant baskets et sacs à dos sont particulièrement ciblés. La moindre protection, lunettes de piscine, masque en papier, écharpe même sont confisqués. L’esprit de la loi anticasseurs permet une telle distorsion, sa surinterprétation autorise à considérer qu’une dose de sérum physiologique est une arme. Les opérations de filtrage n’ont cependant pas dissuadé suffisamment car la place devant la gare Montparnasse est bondée dès midi, deux heures avant l’heure du départ prévu à 14 heures.
Une foule très dense, impossible à remonter, a déjà pris place dans le début du boulevard par lequel vont s’engager les travailleurs à l’occasion de leur fête.
A hauteur de l’l’Eglise Notre Dame des Champs, on pouvait apercevoir les fumées dégagées par les palets de gaz lacrymogènes qui explosaient au début du cortège plus loin devant, déjà en ordre de départ. Les yeux piquent, la respiration devient plus difficile. Un courant de personnes reflue dans cette compacité faisant craindre qu’une panique ne donne lieu à un écrasement des corps. Elle ne s’est pas produite grâce à la vigilance bienveillante de chacun. Pourtant les gaz se rapprochent, incommodent de plus en plus. Et de plus en plus, des personnes quittent l’endroit en empruntant des rues latérales bloquées par des cordons de forces de police. Après contrôle et négociations, pas trop longues ce qui indique qu’ordre fut donné de raréfier le rassemblement, elles sortent du piège. De loin, s’entendent encore les explosions des grenades de lacrymogènes. Par moment, les poitrines exaltées par le danger et l’injustice crient : Révolution ! Révolution !
La stratégie du nouveau Préfet chargé de l’ordre a été de tronçonner le cortège, de pratiquer une violence outrée-gazage, matraquage, arrestations, à un degré qui a largement excédé les pratiques observées lors les actes précédents. Nous le saurons plus tard, molester une jeune fille de 19 ans, la mettre en garde en vue 48 heures, défèrement devant le parquet pour détention d’un masque en papier voici à quoi se voue le régime macronien dans la prévention de la simple manifestation interprétée comme une rébellion.
Pendant un long moment, nous nous sommes interrogés.
Ce défilé aura-t-il lieu ?
En tête, là-bas, la police charge, frappe, gaze sans répit. Le ton était donné.
Des blacks blocs, en petits groupes, rejoignent le corps de la manifestation, refusent le face à face qui aurait conduit à un carnage. Leur repli, disséminé, consistait à sauver la manifestation et protéger les manifestants.
Enfin le cortège s’ébranle. Toute la marche pour certains, terrorisés d’emblée, fut une série d’auto-exfiltrations puis de retours.
Les camions et les ballons traditionnels signalaient la présence d’Unions locales CGT et Sud, mais il était difficile de distinguer au sein de la foule toujours très dense les Gilets Jaunes des syndiqués. A l’approche d’un pôle syndicaliste, la sono quand elle ne diffuse pas les chants classiques réclame l’embauche de chômeurs dans la fonction publique ou les hôpitaux. La demande d’intervention de l’État pour remédier à une situation qu’il a créée sciemment et délibérément depuis des décennies contraste avec les mots d’ordre scandés nettement non réformistes : Anti Anti capitalistes !! Régulièrement, les hommes casqués avec boucliers, matraques et grenades quittent en file les rues perpendiculaires, pénètrent le cortège et interrompent la progression vers la place d’Italie. Nous saurons plus tard que Martinez, secrétaire général de la CGT, a été visé par des tirs de grenades lacrymogènes. Il aurait fait lui aussi l’opération sortie-retour à la manif.
Bientôt, les Gilets Jaunes sont majoritaires à la place d’Italie.
Le premier constat est bien que la fête des Travailleurs de ce premier mai qui commémore la revendication des ouvriers de Chicago en 1886 pour la journée de huit heures, réprimée dans le sang, est celle des Gilets Jaunes. L’acte 24, le samedi précédent, dédié à la convergence des luttes a vu un cortège largement mené par des GJ. Les membres d’Unions Départementales venues de tous les coins de France ont arboré gilets rouges rayés de jaunes ou simplement des GJ frappés du sigle de leur syndicat et se sont rangés en queue de cortège.
Le service d’ordre de la CGT qui passe des accords avec les forces de l’ordre pour préserver son bloc d’intrusions a été débordé. Sous les assauts d’une police excitée, toutes les digues ont été rompues. Les organisations syndicales avaient perçu au titre de la répartition des fonds pour le dialogue social respectivement pour l’année 2017, 18,9 €millions pour la CGT, 18,62 pour la CFDT et 14,96 pour FO. Les impôts servent donc à payer des syndicats qui collaborent donc avec le système qui les alimente. Il était normal que le mot d’ordre ‘Grève générale’ n’ait pas fusé alors qu’il était attendu. Il devait être le débouché naturel d’un mouvement de contestation qui revendique une hausse des salaires (moins aux actionnaires), des minima sociaux, la préservation des services publics et des biens publics bradés sur les marchés boursiers.
Le 52ème Congrès de la Confédération générale du Travail aura lieu sous peu. La ligne politique de la direction qui revendique son adhésion aux vues d’une Union européenne si elle n’est pas remise en cause par la base enterrera de façon définitive cette institution combative par le passé comme relai efficace du pouvoir. Son affiliation à la Confédération Européenne des Syndicats (CES) dit clairement son orientation européiste, en faveur du capital, transnational de préférence.
L’épisode de l’échappée tentée par des manifestants enfermés par une nasse violente vers l’hôpital de la Pitié Salpêtrière a eu une vertu pédagogique exemplaire pour ceux qui se berçaient encore d’illusions sur la nature de l’État. Le ministre de l’Intérieur a menti effrontément. La multitude des témoignages filmés rapidement viraux a contredit la version d’une attaque par des casseurs. Des personnes de tout âge ont simplement voulu s’extraire de l’enfer d’un gazage intensif qui ronge voies respiratoires, brûle les yeux et provoque des vomissements. Les casseurs de Castaner les ont poursuivies puis les ont arrêtées après les avoir faites se coucher face contre terre les mains derrière la tête.
Le pouvoir politique ment à propos de petites choses comme des grandes. Il est aidé et soutenu par les 9 milliardaires qui tiennent la presse dominante et lui dictent ses orientations. Cette certitude est le deuxième acquis des Gilets Jaunes en cette journée du 1er mai 2019.
L’État n’est en aucun cas garant des libertés publiques puisqu’il s’autorise des arrestations préventives, que la justice aux ordres prononce des peines dignes d’une dictature et se permet de ficher les personnes blessées soignées dans les hôpitaux de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris.
Il se réduit au fur et à mesure à la seule fonction que lui confère encore l’Union européenne, celui d’une police. Il est chargé de transformer le centre historique du capitalisme à la barbarie plus ou moins domestiquée par deux siècles de luttes et de victoires des travailleurs et de l’assimiler à des zones où les salaires et les droits sont dérisoires.
Le mouvement des Gilets jaunes continue d’évoluer. Que de chemin parcouru et que de kilomètres marchés depuis la révolte contre la taxe sur le carburant !
Il tient à ce que les biens nationaux ne soient pas bradés et le dit.
Il compte protéger les services publics de leur destruction par le larbin des Patrons.
La déambulation du 25ème Acte qui a joint divers centres hospitaliers parisiens prévenaient les intentions de fermetures en vue. Les hôpitaux Bichat et Beaujon vont disparaître (quelle belle aubaine foncière !) au profit d’un centre hospitalier Nord avec réduction notable de lits et de moyens. L’hôpital de Morlaix est en train de fermer. Les urgences des hôpitaux de Paris et de province font des grèves itératives, le personnel revendique plus de moyens techniques et humains.
Il gagne en maturité. Il a épuisé les forces de l’ordre toujours au front, exerçant sans repos depuis des mois leur horrible tâche. La répression inouïe a réduit quelque peu le nombre des manifestants les samedis. Les GJ reviennent sur leurs territoires d’origine et réoccupent les ronds points, ouvrent des péages à la gratuité et se lanceront avec joie dans des opérations de blocage.
Ce 25ème acte a été annoncé calme et il l’a été. Le pouvoir a été forcé de changer (ponctuellement) de stratégie après les débordements du premier mai. L’excès de zèle du nouveau préfet n’a pas été apprécié par les donneurs d’ordre car les bavures ont été trop voyantes et trop médiatisées. Troisième leçon, chaque bataille conduit à une petite victoire, le mensonge a été dénoncé, ce fut un brillant succès médiatique.
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