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17 mars 2005 — Le problème que Berlusconi pose aux chroniqueurs du monde entier, c’est qu’il est trop parfaitement conforme à la caricature qu’on fait de lui pour qu’on s’y retrouve vraiment. Faire de lui un “fasciste”, comme se plaisent à le rêver certains esprits purs de la gauche, est tout simplement risible; Berlusconi est un affairiste, magouilleur, pas très sérieux mais arrangeant pour les affaires comme pour lui-même dans ses affaires, sans l’ombre du souci d’un commencement du moindre scrupule, sans l’ombre du quart du début d’une conviction quelconque, pas antipathique pour autant et avec “autant de colonne vertébrale qu’un éclair au chocolat” (selon le mot succulent du vice-président Théodore Roosevelt à propos de son président, McKinley).
En politique extérieure et à propos de l’affaire irakienne, contre une opinion publique déchaînée contre la guerre, il a joué le coup fameux de l’alignement total et inconditionnel sur les USA. Faire pour autant de Silvio, à cette occasion, un “homme courageux” à la Blair (du type “je ne crains pas l’impopularité parce que j’y crois”) comme fait la droite européenne “bushiste” pour croire encore à ses nostalgies d’antan, c’est risible mais assez piètre; surtout, c’est ne pas accepter l’évidence que notre démocratie fonctionne à la consultation du grand allié plutôt qu’à la consultation populaire et qu’en l’occurrence, le courage c’est de ne pas consulter… Quant à la décision pro-américaine de Berlusconi, — d’abord, on dira que c’est la tradition en Italie depuis 1943-48 ; ensuite, on expliquera que Berlusconi, ou plutôt ses conseillers espèrent avoir le soutien US, un de ces jours, pour un siège permanent au Conseil de Sécurité (ou pour bloquer l’intention allemande d’en avoir un). C’est habile.
Ma… il y a tout de même le peuple à certains moments-clé, c’est-à-dire lors des rendez-vous électoraux. (Élections régionales partielles début septembre.) Et le peuple est chauffé à blanc dans le genre anti-américain après l’aventure malheureuse de la voiture italienne canardée par les Américains après la délivrance de l’otage Giuliana Sgrena.
L’aventure berlusconienne de ces dernières quarante-huit heures est si belle qu’elle doit être vraie et elle est si belle qu’elle mérite d’être vraie ; et puis, “si non è vero, è ben trovato”. Successivement, comme on l’a vu:
• Silvio annonce que les troupes italiennes commenceront à se retirer d’Irak en septembre prochain.
• Washington comprend que les Italiens s’en iront si la situation (et Washington) le permet, et Blair, laissant froidement tomber l’Italien qui avait laissé entendre qu’il y avait eu consultation et accord entre eux deux, affirme qu’il faut rester sans condition, sans fixer d’“exit strategy”.
• Silvio revient hier soir sur ce qu’il a affirmé la veille, affirmant qu’il a voulu dire comme l’a compris le porte-parole de la Maison-Blanche: les troupes s’en iront à partir de septembre si la situation le permet, et la situation le permettra sans doute, certainement même, puisqu’il est prévu qu’il en sera ainsi, puisque les forces irakiennes font, comme la démocratie irakienne elle-même, des progrès fulgurants.
• Entre temps, il y a eu un coup de fil de Silvio à GW, ou l’inverse, ce qui a permis de remettre les meubles à leur place: Washington au centre, les autres autour, attendant leur tour et les autorisations requises.
• Dans l’intervalle à venir, il y a malheureusement des élections régionales partielles (début avril) et, l’année prochaine, des élections générales. Ma… d’ici là, d’ici 2006, l’Irak sera peut-être devenue démocratique et indépendante et, comme au Liban, peut-être des manifestations grandioses inviteront-elles les troupes étrangères à prendre la poudre d’escampette, pourquoi pas?