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6372Pas ou peu d’inflation, taux d’intérêt bas voire négatifs et pas de croissance.
Ce sont les trois coordonnées du piège où sombrent progressivement les pays développés depuis quelques années.
Le FMI au cours de l’année a abaissé plusieurs fois ses prévisions pour la croissance mondiale en 2019. En juillet, il projetait que le taux de croissance serait de 3,2% . En janvier 2020, il estime qu’il ne n’aurait été que de 2,9%. Sont évoqués comme raisons à cette morosité les tensions géopolitiques, la guerre commerciale déclarée par les Usa à la Chine, à l’Europe et à l’Iran (au monde entier qui ne se soumet pas à leurs règles donc à leur posture dominante) ainsi qu’aux désastres météorologiques pour ne pas dire climatiques, sécheresse en Afrique du Sud et Australie, inondations en Afrique de l’Ouest, ouragans dans les Caraïbes. Le FMI dans son rapport de ce mois de janvier attribue 0,5% de croissance au stimulus monétaire pratiqué par les Banques Centrales dans certains pays. La nouvelle directrice générale du FMI déplorait en octobre que la guerre commerciale amputerait la croissance mondiale de 0,8%.
Le tassement de la croissance de l’économie de l’Inde, passée devant la France en 2018, depuis le dynamique plus de 6% des années précédentes à 4, 3% (estimation FMI) de par son poids à l’économie mondiale a contribué également à cette asthénie, celle tant espérée par les idéologues de la décroissance.
Toujours très optimiste, le FMI prévoit une stabilisation de la croissance des pays ‘avancés’ à 1,6% pour 2020-2021. Il égrène ainsi selon les pays ou les zones un certain déclin. Les Usa vont connaître une contraction de 2,3% en 2019 puis de 2% en 2020 et de 1,7% en 2021. Le Royaume-Uni, fort de son Brexit et malgré les menaces alarmantes de ses anciens partenaires de l’UE maintiendra son 1,4% de 2019 en 2020 et atteindra peut-être 1,5% en 2021.
Concernant la zone euro, le taux de 1,3% augmentera de 0,1 point en 2020 et 2021. La France pour sa part ne décollerait pas de son1,3% dans les deux années qui viennent. L’Allemagne qui a connu une baisse considérable de sa production manufacturière est passée d’une croissance de 1,5% en 2018 à 0,5% en 2019.
Les experts du FMI insistent sur le fait que cette stabilité est due à une demande soutenue dans le domaine des services. Livrer une pizza à vélo participe donc à cette allure paresseuse et recule la constatation officielle d’une chute.
Si personne ne parle de récession, le marasme encore plus prononcé au Japon (les chiffres sont inférieurs à 1%) est de mise.
Le terme tabou de récession a été prononcé à Porto Rico par un senior de la Fed, laquelle y a tenu il y a peu une conférence pour les banques désireuses d’y investir.
« En cas de récession, pas d’inquiétude ! La Fed est très puissante et a les instruments pour soutenir l’économie ». Or l’un des moyens d’agir pour cette entité est l’ajustement du taux d’intérêt. Il avoisine 1,5% actuellement, négatif compte tenu de l’inflation. Lorsque Jérôme Powell a tenté de les remonter à 2,5% pour redonner du jeu au système, Trump a explicitement menacé de le licencier car l’économie en a immédiatement souffert. De plus, renchérir les prêts libellés en dollars augmente le poids des intérêts de la dette publique étasunienne déjà insoutenable.
L’autre levier est l’assouplissement monétaire, les USA continuent de pratiquer le Quantitative Easing. La Fed élargit son bilan en rachetant des obligations de l’Etat fédéral et des entreprises pour éviter les tensions dans les prêts interbancaires à court terme (les repos) prompts à grimper vers les 10% annualisés. Elle est intervenue en septembre 2019, se substituant au marché, injectant jusqu’à 100 milliards par jour. Elle déclare qu’elle poursuivra ses opérations dans les rachats de titres à court terme et leur mise en pension pour un jour(repo) jusqu’à fin janvier 2020 et continuera à acheter des bons du Trésor jusqu’à la fin du premier trimestre 2020. En effet, le bilan de la Fed s’élevait à 4 110 milliards de dollars le 9 janvier 2020 contre 3 800 milliards en septembre 2019. La dénégation concernant la réinitialisation d’un QE4 prend argument sur le fait que la Fed intervient sur des taux des prêts à court terme par le rachat de bons à court terme alors que les QE précédents visaient les titres et les taux à long terme. Le prêt interbancaire au jour le jour à 10% annonçait une réalité du marché qui risquait de mener à une récession voire à une guerre mondiale. Le marché est ainsi empêché de fonctionner selon les règles de l’offre et de la demande par les manipulation de la Banque Centrale étasunienne. Pour éviter une grave récession telle celles admises dans le capitalisme ‘naturel’, repoussée par des manœuvres ‘non conventionnelles’ , la Fed prépare une crise qui sera encore plus catastrophique.
Cette distorsion de la part d’une Banque centrale qui influe encore grandement l’économie mondialisée par les politiques étasuniennes fait entrevoir que nous sommes à un stade au delà du capitalisme qui produit et fait circuler de la marchandise pour se valoriser et réaliser de la plus-value. La concurrence est interdite en raison de la formidable concentration des moyens financiers entre les mains d’un petit nombre de décideurs pour lesquels l’argent est donné de façon illimitée. Bien sûr le passage par la marchandise, produit d’un travail humain, de la boucle A-M-A est toujours nécessaire mais le M n’est qu’un prétexte fugace et indifférent pour sa nature dans les échanges financiers.
Quelques indices tendent à prouver que l’économie des Usa et de l’Europe serait rentrée en récession. L’indice PMI de Chicago est un reflet de l’activité manufacturière de Chicago. Il est inférieur à 50% depuis de nombreux mois et mesure que l’activité est en contraction. Le même PMI pour les pays européens ne s’est pas montré très vaillant fin 2019 avec une moyenne de 46,4%. Le BDI, Baltic Dry Index, qui mesure le transport maritime reflète le coût du transport maritime des produits non liquides rend compte globalement des échanges mondiaux. Il a connu une baisse historique ces derniers mois, perdant 77,9% en 5 mois. L’emploi dans l’industrie a chuté en 2019 pour atteindre son niveau de 2009.
Des crédits maintenus artificiellement bas, c’est permettre une spéculation financière génératrice de bulles. De l’argent est consenti à des entreprises qui l’investissent dans des projets non viables ou à des particuliers qui achètent des logements trop chers qu’ils ne peuvent pas payer. Depuis les années 1980, la simultanéité de taux bas et de spéculation frénétique est la formule qui prévaut dans les périodes qui précèdent les récessions profondes. Beaucoup s’accordent à penser et de plus en plus à dire que l’on assiste à la fabrication de la troisième bulle du siècle, après celle des dot.com des années 2000 et des prêts immobiliers toxiques de 2007-2008, celle des Banques centrales.
La krach boursier est inévitable. La politique monétaire menée depuis 2007-2008 a conduit à restaurer les banques et institutions financières qui auraient dû faire faillite tout en faisant adopter des politiques budgétaires nationales orientées vers l’austérité.
L’une des taches assignée aux banques centrales des pays avancés est bien accomplie, la hausse des prix à la consommation est maîtrisée et seul le prix des actions est inflationniste, stimulée par un crédit gratuit et des effets de levier. Les actifs sont échangés à des niveaux sans rapport avec les fondamentaux. Les bénéfices des entreprises étasuniennes affectent une courbe plate depuis au moins 2011 alors que le rachat de leurs propres actions a gonflé artificiellement les cours. Ceci permet la distribution de dividendes et de stock options sans qu’un quelconque effort d’amélioration dans la production n’ait été fourni, autorisant des entreprises non viables d’être artificiellement maintenues en vie. A cet égard, un géopoliticien reconnu pour son expertise dans les cycles économiques préconise aux investisseurs de vendre leurs actions, certain qu’il est que dans moins de trois ans, le marché va s’effondrer d’au moins 40%.
Une évaluation du marché des actions par le rapport prix de l'action par son revenu, appelé dans le jargon price/sales ratio, donne le chiffre de 2,25 pour les cotations de S&P 500, supérieur à 2,16 enregistré juste avant le crash de 2000. Un autre indice est encore employé pour l’apprécier. C’est le rapport entre la valorisation boursière des entreprises sur le la croissance économique globale. Le record de 1,85 enregistré en 2000 a été battu par celui de début de 2020 qui lui est légèrement supérieur.
Les fonds spéculatifs ou hedge funds empruntent actuellement sur le marché interbancaire au jour le jour avec mise en pension de titres et d’obligations (repos) en s’associant à une grande banque qui agit en tant qu’intermédiaire. Celle-ci garantit que chacune des parties s’acquittera de ses obligations. Les acteurs des repos contribuent à un fonds destiné à couvrir le défaut d’un emprunteur. La crise des « repos de septembre » au cours de laquelle les banques n’ont pas prêté leurs liquidités excédentaires à celles qui en avaient besoin à très court terme (overnight) a fait germer un nouveau plan dans les têtes de hauts responsables de la Fed.
Il s’agit de contourner le passage par un intermédiaire ‘solide’ en fournissant des prêts aux petites banques, aux courtiers en valeurs mobilières et aux hedge funds par le biais d’une Chambre de compensation, la FICC (Fixed Income Clearing Corporation). Cela servirait sans conteste les institutionnels et les grosses fortunes qui utilisent volontiers les hedge funds pour des investissements par définition très risqués très profitables mais qui exposent aussi potentiellement à des pertes colossales. Prêter au travers d’une chambre de compensation c’est une manière non déguisée de renflouer les fonds spéculatifs en cas de besoin.
Autrement dit la Fed envisage d’encourager la spéculation des gestionnaires de fonds qui réalisent des investissements par définition à très haut risque, générateurs de titres hautement toxiques disséminés dans l’économie mondiale et introduits dans les réserves de banques classiques à Genève, Paris, Casablanca ou au Caire. Le délire de quelques individus atteint des niveaux impressionnant car il ne s’agirait pas moins que de porter atteinte à l’architecture certes déjà bien endommagée de l’économie mondiale dans des proportions bien supérieures à la Grande Dépression de 1929 mais alors pour le coup étendue à tous les pays à forte interaction avec le dollar et l’économie étasunienne.
Le risque politique et financier d’une telle démarche renseigne sur l’état mental de quelques concepteurs d’algorithmes mais plus fondamentalement sur l’état de la superstructure financière. Ce refus de prêt interbancaire était-il lié à une crise de confiance entre banques ou à des positions très risquées de grosses banques qui ont subi ou risquaient de subir des pertes sur des actifs comme le pétrole ?
Le remède que se propose d’appliquer la Fed évoque l’ acharnement thérapeutique. Il risque de porter atteinte à la réputation et au bilan de cette banque. Les fonds spéculatifs de disposent pas toujours des collatéraux de qualité en garantie et leurs opérations ne sont pas réglementées.
Le rapport Delevoye pour une contre-réforme des retraites en France est à peine publié le 18 juillet 2019 que déjà l’ordonnance portant réforme de l’épargne retraite est parue le 25 juillet 2019 dans le cadre de la loi PACTE de mai. Le législateur a coordonné harmonieusement les deux pinces de la tenaille qui se propose de détruire efficacement le système par répartition solidaire conçu par le Conseil National de la Résistance et mis en œuvre par Ambroise Croizat au travers de la loi du 24 avril 1947.
Un troisième terme vient compléter cet étranglement avec trois modalités. La révision de la rémunération de l’épargne confiée à des livrets réglementés. Tous les taux garantis sont abaissés. Le livret A tombe à 0,5%. Les autres livrets sont aussi concernés car ils lui sont indexés, le Bleu à 0,5%, de développement durable 0,5%, le livret d’épargne populaire à 1% et le compte épargne logement à 0,5% brut. Tout cela sera appliqué dans un beau mouvement d’ensemble dès le 1 février 2020.
Les Français sont de bons épargnants qui ne placent que peu leur avoir dans des titres boursiers comparativement aux Anglo-saxons. L’encours de l’épargne dans ces livrets réglementés représente 400 milliards d’euros versus 230 milliards pour l’épargne retraite, chiffres du Ministère de l’Economie et des Finances d’octobre 2019. Et seul un Français sur trois cotise à un PER. L’épargne retraite individuelle qui par définition n’est pas liquide contrairement aux dépôts sur livrets ne représente que 11% de l’épargne des Français.
Parmi les instruments de destruction des retraites par répartition figure la limitation des contributions à 3 fois le plafond de la Sécurité Sociale versus 7 fois actuellement. L’ économie réalisée en peu d’années par les 300 000 Français qui gagnent plus de 120 000 euros par an dégagera 70 milliards et tout est fait pour qu’ils aillent se déverser dans un PER. Or la CFE-CGC, syndicat des cadres, juge le projet de réforme des retraites inutile et dangereux et selon son président ‘il fait rentrer le monstre par une porte dérobée’.
Les assureurs gèrent un encours de près de 1800 milliards pour les assurance-vie, la bagatelle de 4 fois les recettes fiscales brutes de l’Etat français en 2019 qui s’élèvent à 409 milliards d’euros. Plusieurs mesures fiscales ont été adoptées par le Parlement pour encourager le transfert des fonds d’assurance vie vers un PER. Les visites assidues du PDG de BlackRock au Président de la République française, les préconisations de cette même entité au gouvernement français, peuvent laisser supposer légitimement que le lobbying des gestionnaires de fonds d’investissements ont influé sur la conception de la loi PACTE et en particulier sur les mesures incitatives pour développer les retraites par capitalisation.
Quand un gestionnaire qui se prévaut de disposer de 6 900 milliards d’actifs vient chercher quelques centaines de milliards d’argent frais en France, et qu’il y déploie une énergie et des arguments qui rend insensible le gouvernement aux protestations d’une majorité du peuple, le doute sur la solidité de ces actifs est autorisé. La contre-réforme de Macron ne serait-elle donc qu’une tentative de sauvetage d’une pyramide de Ponzi ? BlackRock a profité de la crise de 2007-2009 pour acquérir d’autres fonds d’investissement et atteindre sa taille actuelle, monstrueuse. 66% de ses affaires sont représentées par des caisses de retraites essentiellement étasuniennes et des institutions. Alors que le marché boursier est inflationniste, 560 milliards d’engagements de retraite ne sont pas provisionnés. Si les protocoles prévus par Macron et ses employeurs aboutissaient, les travailleurs français paieraient les pensions des retraités étasuniens ! Après le renflouement des banques, il s’agit de recapitaliser les fonds de pensions par capitalisation dans un contexte où les rendements sont proches de zéro, en puisant là où c’est encore possible, dans les salaires différés des travailleurs français.
Le peuple français, de tradition révolutionnaire (même si aussi occasionnellement pétainiste), est en train d’infléchir le scénario qui met en jeu son dépouillement. Il pourrait faire battre en retraite les mandatés de la finance internationale dans leur projet de la contre-réforme des retraites.
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