C’est une dépression, – Et alors?

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Avec les 663.000 emplois perdus de mars et un chômage officiel de 8,5%, qu’il situe en réalité à 15,6%, Robert Reich constate le 3 avril 2009 que les USA sont entrés en dépression. Ce n’est pas (encore?) la Grande Dépression, du point de vue du coût et des dégâts humains, mais on s’en rapproche sans aucun doute.

L’appréciation de Reich d’une aggravation de la situation économique rencontre a posteriori la tendance des vaticinations de la commission exécutive de la Federal Reserve, la Federal Open Market Committee, lors de sa dernière réunion du 18 mars 2009. Après une offensive publique manquée de Bernanke, selon la ligne de l’“idéologie de l’optimisme” et dont le caractère faussaire est ainsi avéré, la description de la réunion et les minutes, qui sont publiées aujourd’hui par Reuters, montrent une très grande incertitude et une aggravation des prévisions, avec une “reprise” de plus en plus difficile à fixer.

Dans ce contexte, les appréciations de Reich sur l’identification de l’état économique de l’Amérique sont d’autant plus intéressantes à suivre. Elles suggèrent notamment une description psychologique d’une dépression au niveau social, au travers du nombre de personnes touchées et de l’effet psychologique obtenu, sur leurs comportements, sur leurs attitudes, etc. Reich fait un décompte des personnes psychologiquement touchées par la crise, en plus de l’être socialement et économiquement, et il conclut qu’il s’agit effectivement d’une dépression, – économiquement et psychologiquement, –

«…[I]f you include people who are out of work and have given up trying to find a job, the real unemployment rate is 9 percent. And if you include people working part time who'd rather be working full time, it's now up to 15.6 percent. One in every six workers in America is now either unemployed or underemployed.

»Every lost job has a multiplier effect throughout the economy. For every person who no longer has a job and can't find another, or is trying to enter the job market and can't find one, there are at least three job holders who become more anxious that they may lose their job. Almost every American right now is within two degrees of separation of someone who is out of work. This broader anxiety expresses itself as less willingness to spend money on anything other than necessities. And this reluctance to spend further contracts the economy, leading to more job losses.

»Capital markets may or may not unfreeze under the combined heat of the Treasury and the Fed, but what happens to Wall Street is becoming less and less relevant to Main Street. Anxious Americans will not borrow even if credit is available to them. And ever fewer Americans are good credit risks anyway.»

La remarque de Reich, ici posée d’un point de vue économique mais essentiellement par le biais psychologique, a également une dimension politique: «…but what happens to Wall Street is becoming less and less relevant to Main Street.» La crise se “banalise” mais d’une façon remarquable, sans avoir été résolue en quelque manière que ce soit, notamment parce que remèdes qui y sont apportés sont conjoncturels alors qu’elle est structurelle. Les banquiers (Wall Street) profitent pour l’essentiel des “remèdes conjoncturels” tandis que la population (Main Street), qui entre dans la crise structurelle, n’en profite au mieux que marginalement.

La banalisation de la crise, c’est aussi un divorce à l’intérieur de la crise, du point de vue des structures sociales US. Il y a trois mois, le diagnostic de “dépression”, aujourd’hui évident, secouait le pays tout entier, aux USA, établissant ainsi une certaine unité de réaction entre les différents pôles et structures. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

It’s a Depression”, observe Robert Reich. “So what?”, répond Wall Street; Main Street ne répond plus ou ne répond pas encore.


Mis en ligne le 9 avril 2009 à 16H21