Charles of Arabia?

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La personnalité du prince Charles, notamment avec ses conceptions politiques et éthiques, est un des rares points intéressants, c’est-à-dire susceptible de nous procurer des surprises, au cœur d’un establishment britannique qui n’a pas montré ces dernières années une grande originalité stratégique. D’où l’intérêt que nous attachons et que nous conseillons de prêter au texte de Fazile Zahir, sur Atimes.com le 4 juin 2008: «Prince Charles, defender of Islam»…

Des rumeurs de conversion du prince Charles à l’Islam qui remontent à quelques années au très récent voyage de la reine et du prince Philip en Turquie, nombre d’éléments montrent que le prince et la famille royale elle-même se trouvent dans un état d’esprit favorable à l’égard de l’Islam. Dans le contexte général que nous connaissons, cet élément, qui pourrait être restreint à la marge de la politique secrète autant qu’au domaine privé, acquiert une importance politique plus grande.

Les sources des rumeurs de conversion de Charles à l’Islam sont rappelées par Fazile Zahir: «In October 1996, London's Evening Standard newspaper quoted the Grand Mufti of Cyprus, who claimed that the prince had converted to Islam. “It happened in Turkey. Oh, yes, he converted all right,” the Grand Mufti was quoted as saying. “When you get home, check on how often he travels to Turkey. You'll find that your future king is a Muslim.” This was one of several reports linking Prince Charles and Islam highlighted by authors Ronni L Gordon and David M Stillman in The Middle East Quarterly in 1997.»

L’article donne de multiples indications sur ces liens entre Charles et l’Islam et termine en proposant diverses conclusions qui fixent cette question dans le cadre plus large des relations de la l’establishment britannique avec le monde islamique, – notamment, pour le cas de Charles, avec la Turquie.

«Charles's most recent visits to Turkey were in 2005 to mark the 90th anniversary of the Gallipoli landings and again in 2007 with Camilla, Duchess of Cornwall, for a four-day tour.

»Whether or not he has converted, which is of course strongly denied by Buckingham Palace spokesmen, he is an immensely popular figure throughout the Middle East. The Saudis regard him as a candid friend of the Islamic world. British academic John Casey, of Cambridge University, says the Prince of Wales' hero status in the Arab world (for his pro Islamic comments and actions) is permanent and “No other Western figure commands this sort of admiration.”

»Cynics claim his friendship is based on upper-class hobnobbing with the Dubai polo set. Others believe that the UK Foreign Office capitalizes on his popularity and uses him as a point man for British business interests in Muslim countries. Casey commented in the London Daily Telegraph, “The Charles of Arabia phenomenon is here to stay, for it helps assure British commerce with the Muslim world.”

«Whether or not a conversion did take place in Turkey will probably never be known, Charles is unlikely to give up his claim for the British throne by making a full disclosure. He may even encourage the image of himself as a spiritual dilettante flitting from faith to faith to hide an special leaning toward Islam.

De façons assez curieusement antagoniste avec la politique de ces dernières années, notamment sous la direction de Tony Blair, subsiste chez les Britanniques une certaine fascination pour le monde islamique, et plus précisément pour le monde arabe et le Moyen-Orient. Ce penchant discret mais puissant a évidemment toujours eu une dimension d’intérêt politique mais elle reste également marquée d’un certain romantisme, voire d’un grand intérêt intellectuel qu’on oserait définir comme détaché de l’avantage politique concret. Le précédent historique de Lawrence d’Arabie, agent de l’Intelligence Service également fasciné par le monde arabe et l’Islam, en est une illustration classique. Le rôle des “services” britanniques dans la révolution islamiste iranienne est également un bon exemple de cette ambivalence rassemblant les intérêts et le penchant islamiste. Le MI6 joua un rôle prépondérant dans la bataille interne des islamistes contre le parti communiste iranien, en 1979-80, en mettant toutes ses archives sur les communistes iraniens à la disposition des hommes de Khomeiny sans demander la moindre contrepartie. Cela conduisit à l’élimination totale des communistes et à la victoire des khomeinistes. Les services de renseignement français, qui suivirent l’affaire de près, estimaient que la stratégie anti-communiste n’expliquait pas tout car les Britanniques auraient pu aider les khomeinistes à contenir les communistes sans leur donner toutes les informations permettant leur écrasement et l’établissement d’un pouvoir khomeiniste fort en Iran. Ils ont ainsi objectivement contribué à l’installation de la puissance iranienne dans la région. Les Français jugeaient que cette action britannique renvoyait également à leur “fascination” pour le monde islamique.

Il est probable que l’attitude de Charles a également sa filiation dans ce penchant britannique. A côté d’une éventuelle séduction, d’un éventuel romantisme, on peut aussi distinguer chez lui un goût pour l’ordre et la structuration qu’une religion comme l’Islam peut apporter à la société civile, en même temps qu’une critique indirecte mais forte de certains aspects du système de la modernité occidentale, notamment à son niveau économique dans le sens le plus large, avec ses effets déstructurants dans les domaines social et culturel. De ce point de vue, on peut envisager que l’accession au trône de Charles, si elle se fait en temps utile, constituera un événement politique autant qu’un événement symbolique et dynastique. Dans le contexte actuel, l’arrivée d’un souverain britannique aux conceptions politiques aussi affirmées dans un domaine si sensible, pèsera d’un poids certain dans la politique britannique. Bien entendu, l’événement aurait également un fort effet intérieur, avec l’importance de la population islamique au Royaume-Uni.


Mis en ligne le 3 juin 2008 à 17H36