Chaude, la campagne !

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La campagne électorale au Royaume-Uni (élections jeudi prochain) se termine sur les chapeaux de roue. Un seul sujet avec des révélations à la pelle ; celui que tout le monde avait conclu d’écarter comme un vilain secret de famille: l’Irak. La malédiction de Tony Blair.

Le Times apporte sa pierre à l’édifice de destruction de Tony Blair, moins par une révélation stricto sensu que par le climat de duplicité que décrit le document rendu public par le journal: bien sûr, il n’y avait aucun argument légal ni même opérationnel pour attaquer l’Irak, bien sûr on a fait montage sur montage à partir de juillet 2002 (l’escroquerie vient de loin). Menteur, on savait que Blair l’était, mais menteur sans grandeur, magouilleur, faux-monnayeur des fausses gloires de l’aventure anglo-saxonne. Le PM britannique n’en sort pas grandi: tout est fabriqué dans sa guerre, pour pouvoir garder sa place, à la droite du président des Etats-Unis, personnage principal quoique totalement insignifiant de l’aventure.

Peut-être encore plus remarquable, l’intervention, dans l’Observer du 1er mai, de l’amiral Sir Michael Boyce, chef d’état-major au moment de la guerre. Le langage de Sir Michael est caractéristique d’un homme en colère, qui a décidé d’écarter les bornes de la loyauté de système devant le traitement que les politiciens du système lui ont fait subir. Sir Michael évoque la possibilité qu’il soit traduit devant un tribunal international: « If my soldiers went to jail and I did, some other people would go with me. » Il avait demandé, lors du déclenchement de la guerre, un document signé confirmant l’ordre d’attaquer: pourquoi? « It may not stop us from being charged, but, by God, it would make sure other people were brought into the frame as well. » Les autres, quels autres? Blair et l’Attorney General? « Too bloody right. »

Il ne faut pas s’y tromper: de tels excès, de telles manifestations de franchise furieuse dans le royaume du non-dit qu’est le Royaume-Uni, dans le royaume du “right or wrong, my country”, cela en dit long sur l’état des lieux. C’est tout le système britannique, vieux de la sagesse et de l’expérience de plusieurs siècles, qui est secoué. Les Français gémissent sur leur crise des élites et leur crise d’identité que révèle le référendum, pensant encore à une “exception française”: ils feraient bien de regarder du côté de Londres (et du côté de La Haye, et du côté de la Belgique où le pays est comme d’habitude proche de l’éclatement, et ainsi de suite).

Cela dit, Blair gagnera les élections jeudi, par défaut. Mais dans quel état?


Mis en ligne le 2 mai 2005 à 06H00