Chavez dans un fauteuil

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Chavez dans un fauteuil

17 août 2004 — En 1953, l’Iran tomba comme un fruit mûr dans l’orbite US, grâce à l’action de la CIA, éliminant Mossadegh et mettant à sa place un jeune Pahlevi Shah tremblant de frousse ; en 1954, la même CIA organisa prestement son affaire, pour éliminer un gouvernement guatémaltèque nettement “pas assez à droite”. En un sens, c’était le bon temps.

Depuis trois ans, la CIA et, surtout, quelques allumés du type “néo-conservateurs” au département d’État comme Bolton et surtout l’ancien terroriste anti-castriste Otto Reich (dirigeant la section Amérique Latine au département d’État), ainsi qu’Elliott Abrams au National Security Council, travaillent à démolir Hugo Chavez. Résultat : le vote de dimanche, qui est une humiliation pour la CIA, GW Bush, Washington D.C. et notre démocratie transatlantique, avec toutes ses “valeurs” que nous chérissons tant.

La plus grande humiliation dans cette affaire vient sans aucun doute de la qualité du processus démocratique, réalisé sous la haute surveillance de puissantes délégations internationales de contrôle, l’inusable et vertueux Jimmy Carter en tête. Le commentaire de Carter qualifiant le déroulement du scrutin de plus démocratique que celui de 2000 en Floride est particulièrement dévastateur. C’est évident mais il fallait qu’un ancien président des États-Unis le dise.

« The Venezuelan people on Sunday delivered a stunning defeat to a right-wing coalition backed by Washington, rejecting its demand for the ouster of the country’s elected president, Hugo Chavéz. The former military officer has employed left-nationalist rhetoric directed against the United States and the native financial oligarchy, together with minimal social reforms, to appeal to the mass of impoverished workers and peasants in the oil-rich country.
» With 95 percent of the votes counted in the national referendum, Venezuela’s electoral council announced that nearly 60 percent had voted “no” on recalling Chavéz and holding new elections. Speaking to a crowd of tens of thousands of supporters from the balcony of the Miraflores presidential palace in Caracas, Chavéz called the referendum “a present for Bush.”
» Leaders of the Venezuelan oligarchy’s political coalition, the Coordinadora Democrática, immediately denounced the vote total as a “gigantic fraud” and vowed they would not accept the results of the referendum. However, international observers rejected the claims of vote rigging, confirming Chavéz’s victory. One of the observers, former US president Jimmy Carter, said that the turnout was the largest he had ever seen, and that he and other observers failed to detect “any element of fraud.” Earlier, Carter declared his confidence that “the results of the elections will be more satisfactory than what we had in Florida in 2000.” »

Les affaires ne sont donc pas brillantes. La machine américaniste ne cesse d’enregistrer défaite sur défaite, quelles que soient les circonstances et les tactiques choisies, de la guerre aux manipulations diverses (l’Irak en général, les élections espagnoles en mars 2004, la tentative de destitution du président sud-coréen en mars-avril 2004, etc).

La défaite des USA dans l’élection de dimanche pose un grave problème aux stratèges américains. La tactique US était celle du “tout ou rien”, preuve de la décadence continue des capacités de cette machine de déstabilisation (les coups en Iran et au Guatemala en 1953 et 1954 limitaient les dégâts, en cas d’échecs, à l’image sans conséquence d’incidents locaux). Cette tactique durait depuis trois ans, de façon si impudente, que l’interventionnisme US dans cette affaire était devenu une démarche quasi-officielle. La défaite de dimanche est, par conséquent, une défaite américaine bien plus qu’une défaite de l’opposition.

Le résultat est évident : Chavez sort renforcé, non pas seulement au niveau intérieur, mais au niveau international sans aucun doute. Chavez devient un des phares de l’Amérique Latine et un des phares de l’“anti-américanisme démocratique”, — joli coup pour celui qu’on désignait dédaigneusement comme un “dictateur populiste”. Désormais, Chavez redevient fréquentable et l’affaire donne une âme et un sens à une éventuelle résistance anti-américaniste du continent sud-américain. Et tout cela, paradoxe des paradoxes, avec Chavez qui met dans sa poche les grosses compagnies pétrolières, qui n’aiment que la stabilité et pas les coups tordus d’un Bolton ou d’un Otto Reich, et qui se réjouissent de la victoire du “président Chavez”. Ce dernier point fait partie des réjouissantes “contradictions internes du capitalisme”, — comme dirait Lénine, toujours attentif dans sa tombe à l’évolution du monde.