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1455Chavez a été réélu pour la deuxième fois, pour une présidence de six années. A 22H00 hier soir à Caracas, 90% des résultats étaient décomptés et Chavez menait avec 54,42% des voix contre 44,97% au candidat de la coalition de l’opposition MUD, Henrique Capriles, qui a alors reconnu sa défaite. (Le taux de dépouillement et les résultats à ce point rendaient la victoire de Chavez certaine.) Le taux de participation est le plus haut jamais enregistré dans l’histoire du Venezuela, avec 80,97% de votants par rapport aux inscrits.
Le taux de participation implique une mobilisation massive et confirme dans les chiffres ce fait que les quelques semaines précédant la réélection de Chavez ont été à la fois tendues et fiévreuses, dans une atmosphère électrique et parcourue de rumeurs menaçantes. En un sens, on peut avancer que la victoire de Chavez est à la fois la plus disputée, la plus tendue et la plus significative depuis qu’il est arrivé au pouvoir. Il s’agit d’une véritable relance de la présidence Chavez après un deuxième terme plus effacé et moins turbulent que le premier, et aussi un épisode personnel contribuant fortement à cet effacement, avec un cancer contre lequel Chavez a du lutter dans des conditions qui ont fait naître des doutes, au moins sur son avenir politique. Sa réélection malgré cet épisode physique éprouvant et délétère est également remarquable.
La campagne électorale avait été marquée par une attention soutenue de la presse-Système, mobilisée par les consignes du Système pour éliminer politiquement Chavez. On en propose ici quelques exemples.
• Le 3 octobre 2012, Venezuelanalysis.com publiait un appel d’un groupement d’universitaires et d’autres personnalité britanniques, regroupés dans l’organisation Venezuela Solidarity Campaign UK, appel détaillant les divers sondages avant l’élection et la façon dont la presse-Système avait délibérément ignoré l’écrasante majorité de ces sondages favorables à Chavez pour les quelques résultats favorables à son adversaires.
«The chart above shows the breakdown between Hugo Chavez and Henrique Capriles Radonski and is based on all those who gave a preference for one of the candidates. Ahead of Sunday’s Presidential election in Venezuela, a number of academics have called on sections of the UK media to end its misrepresentation about the polls in Venezuela. In an open letter (below) they raise concerns that much of the reporting of the polls is merely reflecting the spin coming from the right-wing candidates’ camp that the presidential race is tight.
»This is despite the fact that the overwhelming majority of pollsters give strong leads for Hugo Chavez, on average of 12%...»
• Le 4 octobre 2012, dans l’un des rarissimes articles du Guardian prenant la défense de Chavez, Mark Weisbrot, co-directeur du Centre for Economic and Policy Research de Washington, et aussi co-auteur du documentaire pro-Chavez d’Oliver Stone South of the Border, dénonçait la campagne de diffamation de la presse-Système contre Chavez. Waisbrot donne une bonne appréciation de l’hostilité contre Chavez, et de la façon dont la déformation des faits et la diffamation des personnes (Chavez) sont utilisées par cette presse avec un naturel confondant.
«On 30 May, Dan Rather, one of America's best-known journalists, announced that Venezuelan president Hugo Chavez would die “in a couple of months at most”. Four months later Chavez is not only alive and campaigning but widely expected to win re-election on Sunday. Such is the state of misrepresentation of Venezuela – it is probably the most lied-about country in the world – that a journalist can say almost anything about Chavez or his government and it is unlikely to be challenged, so long as it is negative. Even worse, Rather referred to Chavez as “the dictator” – a term that few, if any, political scientists familiar with the country would countenance.
»Here is what Jimmy Carter said about Venezuela's “dictatorship” a few weeks ago: “As a matter of fact, of the 92 elections that we've monitored, I would say that the election process in Venezuela is the best in the world.” Carter won a Nobel prize for his work through the election-monitoring Carter Center, which has observed and certified past Venezuelan elections. But because Washington has sought for more than a decade to delegitimise Venezuela's government, his viewpoint is only rarely reported. His latest comments went unreported in almost all of the US media.»
• …Effectivement, jusqu’au bout la presse-Système a favorisé l‘hypothèse d’une défaite de Chavez, en présentant le président comme isolé contre une coalition générale de tous “les partis significatifs de l’opposition”, donc démocratiquement inexistant. Cas de Simeon Tegel, le 5 octobre 2012 dans The Independent : «He has survived cancer and a coup attempt in 14 years as Venezuela's President, but ‘el Comandante’ may be about to lose power in Sunday's vote…» Reprochant à Chavez une rhétorique “enflammmée” annonçant une probable guerre civile si Capriles l’emportait, Tegel l’attribue à la panique qui s’est emparée du président devant une probable défaite…
«Yet the real reason for Mr Chávez's outburst may be in the highly effective campaign that Mr Capriles, the first candidate backed by a unified opposition ever to take on the president, has been running. Bypassing the state media, whose coverage heavily favours the president, Mr Capriles, 40, has been crisscrossing Venezuela tirelessly since his nomination in February as the presidential candidate for Democratic Unity, an umbrella group that now includes all of the country's significant opposition parties, left and right.»
• Vendredi, pour son dernier meeting à Caracas, Chavez rassemblait une foule de 3 millions de personnes. Il s’agissait évidemment de la plus grande manifestation jamais rassemblée dans ce pays de 30 millions d’habitants. Venezuelanalasys.com notait, le même 5 octobre 2012 : «Over three million Chavez supporters flooded the streets of Caracas yesterday to show their support for the re-election of current Venezuelan president Hugo Chavez ahead of the country’s presidential elections on Sunday. The rally was the final act of the three month long election campaign, and is reported to be the largest to have taken place in the nation’s history, stretching right throughout the seven main avenues of the capital city.»
Rendant compte de cette “océan de partisans”, le Guardian du 5 octobre 2012 préférait plus modestement mentionner des “centaines de milliers” de partisans, en rappelant, comme par un paradoxal rapport de cause à effet, que l’élection de dimanche serait “la plus disputée” pour Chavez.
«Amid thunder and driving rain, Hugo Chávez stormed to the conclusion of his toughest presidential race yet on Thursday with a passionate address to hundreds of thousands of supporters in Caracas. The mass rally transformed the city centre into a sea of cheering, dancing, red-shirted followers on the final day of campaigning before Sunday's vote, which looks likely to be the closest since the former tank commander won power in 1998…»
Le cas est exemplaire dans le détail même, tout de retenue… “Centaines de milliers” ? “Trois millions”, cela aurait fait plus net, plus tranché. Le Guardian n’hésite pas devant l’hyperbole lorsque la rue se révolte à Téhéran ou à Moscou, on sait dans quelles proportions. Une manifestation de 3 millions de personnes dans un pays de 30 millions d’habitants, c’est comme si Romney ou Obama qui-marche-sur-l’eau rassemblait 30 millions de personnes à Washington, ou Cameron 6 millions de personnes à Londres. Cela valait la comparaison, après tout… Il faut aussi rappeler que, selon la presse-Système qui avait répété l’argument d’un recrutement par salaire des partisans-figurants de Chavez, on aurait aussi pu dire qu’ils étaient sans doute payés pour l’applaudir. L’argument impose le silence.
…Ce fut pourtant le niveau général de l’attaque contre Chavez durant ces deux mois qui ont précédé l’élection. La défaite de Chavez était envisagée, par le Système et ses activistes du bloc BAO, comme un signal important d’une tentative de reprise en main des courants antiSystème qu’on trouve un peu partout, en déferlantes dans le vaste monde, et comme un coup d’arrêt à l’affirmation indépendante et antiSystème de l’Amérique latine. Il est inutile d’ajouter que Capriles, qui déployait un redoutable programme de réintégration de l’ultralibéralisme pour le Venezuela, avait le soutien du Système et de diverses officines du bloc BAO et de Washington. (Voir l'article de Rachael Bloothroyd, de Correo De Orinoco International, repris par Venezuelanalysis.com, du 5 octobre 2012. On y apprend que les connexions extérieures de Capriles comprenaient aussi bien le gouvernement d'Angela Merkel, le département d'Etat, le colonel US Richard Nazario impliqué dans la tentative de coup anti-Chavez de 2002, le milliardaire mexicain des télécommunications Carlos Slim.) Mais laissons la supputation des évènements qui auraient attendu le Venezuela en cas de défaite de Chavez et voyons les perspectives avec sa victoire.
A cause de cette baisse de régime de sa précédente présidence, surtout à partir de 2009 à cause de l’effet-Obama (une certaine proximité entre Chavez et Obama), de son cancer et de l'extension du rythme antiSystème vers d’autres pays du continent, on peut effectivement considérer la victoire du Chavez ce 7 octobre comme une véritable “relance” de l’ère Chavez, et même une deuxième période. L’événement s’inscrit dans le cadre d’un programme ambitieux de Chavez pour sa “révolution bolivarienne” au niveau intérieur, ainsi qu’à l’extérieur avec des initiatives au niveau du pétrole (des récentes évaluations renforcent le statut du Venezuela, avec l’annonce de réserves pétrolières théoriques supérieures à celles de l’Arabie) et d'une politique extérieure de plus en plus activiste. Chavez devrait retrouver sa verve révolutionnaire et occuper à nouveau une place centrale dans l’ensemble latino-américain qui ne cesse de se développer et de structurer son opposition au Système et au bloc BAO. Après le revers, tout proche de l’élimination pour lui, de Saakachvili en Géorgie, la réélection de Chavez est un coup pénible pour le Système, qui travaille aussi bien à partir de lieux et de personnages symboliques… Chavez est un énorme symbole antiSystème. Il est prêt pour un nouveau départ, chargé d’une légitimité nouvelle, dans une situation générale qui ne fait que confirmer les thèses sur lesquelles il s’appuie.
Mis en ligne le 8 octobre 2012 à 11H06