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223114 avril 2002 — La chute d’Hugo Chavez, le président vénézuelien, n’est pas une surprise. Parmi diverses interventions publiques, on notera celle d’un témoin interrogé par la RTBF le 13 avril, et qui appartient au milieu des organisations humanitaires internationales, qui parlait d’un processus complètement similaire à celui qui avait mené à la chute d’Allende au Chili, en 1971. Selon ce témoignage, qui rencontre les analyses courantes en matière stratégique, l’intervention américaine indirecte est un point qui ne fait guère de doute, par les moyens habituels qu’on connaît (CIA et le reste). La droite républicaine avait fait de la chute de Chavez, représentant la tradition populiste anti-américaine d’Amérique latine, une des priorités de l’action continentale de la CIA depuis l’arrivée de GW Bush à la Maison-Blanche. La question pétrolière, importante dans le cas du Vénézuela qui est un gros fournisseur des USA, a renforcé les arguments en faveur de sa chute (Chavez pratiquait une politique pétrolière et au sein de l'OPEP directement anti-américaine).
Une indication indirecte dans le sens de la thèse de l'intervention américaine se trouve dans les informations communiquées par la société d’analyse texane Stratfor. Le 13 avril, Stratfor a communiqué le texte suivant à ses abonnés des listes de prospection sur le réseau Internet :
« In fall 2001, before Venezuelan President Hugo Chavez became front-page news, government authorities in Caracas and multinational companies with business interests in Venezuela were nervously reading STRATFOR. Why STRATFOR? Because Defense Minister Jose Vicente Rangel, trying to defend then-President Chavez, wrongly labeled as ''simply speculation'' what STRATFOR members already knew: that Chavez's days in power were numbered.
» In ''Venezuelan President Near the Edge,'' published Nov. 1, 2001, STRATFOR was first in accurately predicting that ''the Venezuelan president's chances of staying in power for more than a year appear less and less likely'' and that ''developing rifts in Venezuela could lead to a coup in the near future.'' Only hours after yet another STRATFOR prediction came to pass with Chavez's fall, we've turned to the implications of the Venezuelan crisis »
Constituée en 1997, la société d’analyse Stratfor a connu son essor et son succès durant la guerre du Kosovo. Elle se montra très critique de l’action de Clinton, mais aussi remarquablement informée, à partir de sources occupant sans aucun doute des postes stratégiques dans l’administration et les services de renseignement. Nous avions réuni sur ce point certains éléments d’information et d’évaluation que nous avions publiés dans notre Lettre d’Analyse de defensa, Volume 15 n°01 du 10 septembre 1999, dans la rubrique Journal. Nous publions ci-dessous ce texte.
Les conclusions que nous proposions quant aux sources et aux connections de Stratfor nous apparaissent aujourd’hui plus valables que jamais, mais à une lumière un peu différente. Dans le commentaire ci-dessous, nous évoquions des rapports antagonistes entre Stratfor et le pouvoir (Clinton). Avec les républicains de GW au pouvoir, ces rapports ne sont probablement plus antagonistes, et les proximités originelles d’autant plus significatives. Les informations de Stratfor, dans le cas de la chute dHugo Chavez, renforcent la thèse de l’intervention américaine indirecte.
Extrait de de defensa, Volume 15, n°01 du 10 septembre 1999, rubrique Journal
« Un mystère Stratfor ?
» [Un aspect particulier] de Stratfor, c'est la capacité intrinsèque de l'équipe d'analystes travaillant dans cette société. Les comparaisons avec les services de renseignement abondent dans les reportages (de plus en plus nombreux) consacrés à Stratfor. On pourrait croire qu'il s'agit des images habituelles, dont les journalistes usent et abusent en général, et qui font d'un organisme d'information à la mode un émule d'un service de renseignement. Mais un article paru le 10 juillet dans The Spectator de Londres a jeté un éclairage nouveau sur l'’énigme’-Stratfor. Dans cet article, le journaliste et auteur spécialisé dans le renseignement James Srodes détaillait un document intitulé «A New and Dangerous World», le présentant comme «une analyse de renseignement sur la situation post-Kosovo, circulant aux plus hauts niveaux au Congrès américain». La particularité du document, précisait Srodes, est qu'il a été réalisé par «un institut privé» (littéralement : «a private think-tank») ; et Srodes citait dans son article nombre d'extraits du document, portant sur la probable alliance anti-américaine que devraient constituer la Chine et la Russie. Une simple confrontation permet de vérifier que ces extraits viennent, mot pour mot, d'une analyse diffusée par Stratfor le 27 juin dernier, et justement intitulée «A New and Dangerous World». Du coup, les détails donnés par Srodes deviennent très intéressants, puisqu'ils peuvent caractériser directement Stratfor. Et Srodes précise justement que « cet institut privé [Stratfor] est constitué d'anciens analystes de haut niveau de la Defense Information Agency [la DIA, agence de renseignement du Pentagone], qui ont été chercher refuge dans le secteur privé». Du coup, Stratfor apparaît sous un jour différent, mais également la situation à Washington, où la vogue de Stratfor (puisqu'il s'agit bien de cette société) mesure, selon Srodes, «combien les capacités de renseignement officielles américaines se sont gravement détériorées sous l'administration Clinton». Cette situation semble prendre des aspects de plus en plus révolutionnaires, lorsqu'on voit des capacités d'analyse des services officiels de renseignement se replier vers le secteur privé pour constituer un organisme qui lance un travail exactement similaire à celui d'une agence officielle de renseignement (c'est en effet le cas avec Stratfor, dont les analyses ont évidemment des proximités de forme et de conception avec les analyses des services type-DIA). Cela marque effectivement la décadence accélérée du concept de sécurité nationale qu'ont amené les pratiques de l'administration Clinton, et aussi la constitution, dans le secteur privé, de centres concurrents décidés à exploiter à leur façon et de manière concurrentielle cette matière de la sécurité nationale …»
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