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587Cameron debout, les bras levés et proclamant que Britannia Rules the Foot, Angela debout, bras ballants et maudissant les Bavarois, BHO debout, souriant de toutes ses dents et se gardant d’applaudir ou de siffler… En fin de partie, habile, BHO fit s’embrasser Cameron et Angela, en proclamant de toutes ses dents qu’Anglais et Allemands avaient également fort bien joué et qu’ils faisaient partie du même club, celui où “l’important c’est de participer”. Barroso, habile homme qui sait bien que la diplomatie est à égale distance de la servilité et du football, applaudissait, hilare, de ses petites mains potelées. Assis devant eux, impavide, accoudé sur la table de la salle de conférence transformée en salle de vision de la finale européenne, Hollande se demandait ce qu’il faisait là. C’était donc la finale Bayern-Chelsea, retransmise du sommet du G8 à Camp-David, qui vaut tous les communiqués du monde. (Pour la photo et quelques péripéties de la partie, voyez le Daily Telegraph, le 20 mai 2012.)
A part cela, quoi dire ? Un édito de The Independent (le 19 mai 2012) a réussi à observer que “jamais ces hommes les plus puissants du monde n’ont paru aussi impuissants” ; pourtant, que n’avait-on répété cette formule depuis 2008 ; voilà qu’elle sert à nouveau, en mai 2012, à Camp-David, au cœur de la très puissante Amérique et repoussant ainsi d’autant mieux les bornes de l’impuissance…
«Rarely have the world's most powerful people looked so impotent. The leaders of France, Germany, Italy, Japan, Russia, Canada and our own Prime Minister were received by the American President at Camp David last night at a gathering intended to hammer out a comprehensive solution to a eurozone emergency that threatens to plunge the world into a new financial crisis.
»In an acknowledgement of the increasing possibility of such an outcome, a European commissioner confirmed for the first time yesterday that Europe's institutions are preparing plans to cope with a Greek departure. “There are in the European Central Bank, as well as in the Commission, services working on emergency scenarios if Greece shouldn't make it,” said the EU Trade Commissioner, Karel de Gucht, to a Belgian newspaper.»
Le son de la cloche est similaire du côté de Russia Today (le 20 mai 2012), parce que la cloche est la même pour tous. On invente un nouveau mot pour l’occasion, intraduisible en français, pour indiquer qu’on se force à l’optimisme, histoire de paraître puisqu’on ne peut être – “hopetimism” pour “optimism”
«The economic catastrophe of Greece dominated the G8 gathering, amid fears the country may be headed for a chaotic and unprecedented exit from the single currency bloc. However, some believe that talks behind closed doors suggested a different agenda for the beleaguered nation. “Practically every financial analyst thinks that Greece will leave. It has to be an orderly withdrawal from the euro. Anything else would be a disaster,” Martin McCauley, senior lecturer at the university of London, explained to RT.
»The official eurozone mantra says everything should be done to help Athens stay in euro. Once again this united stance was recorded in the final declaration as the Camp David Summit wrapped up. Some believe the smiles and handshakes at the G8 summit are just damage control. “I think it's just trying to put up a pretty face on it, this ‘hopetimism’, so when the markets open Monday they can have some good news report,” independent journalist Charlie McGrath, the founder of Wide Awake News, told RT.
»The journalist has been even more categorical in evaluating the results of the summit. He said the world leaders could not achieve anything other than “absolutely nothing” in solving Europe's financial crisis. “We keep talking about Greece over and over and over again for the last several years. But the problem is not just Greece, Greece is a relatively small economy,” McGrath warned. “The problem is the European debt load period, and nobody is addressing the real problem which is these banks that have loaded up the debt on all these countries.”»
Nos directions politiques ont ceci de rafraîchissant, à la mesure du sourire de BHO, qu’elles ne cachent désormais plus leur jeu : elles sont si impuissantes qu’elles finissent par se captiver pour les jeux du cirques, modèle postmoderniste, bien loin de la barbarie de l’Empire romain puisqu’à l’ombre de notre démocratie triomphante, mais qui restent normalement destinés au bon peuple. Ainsi assiste-t-on à cette inversion festive et enjouée : les jeux du stade rassurent nos directions politiques et les enivrent pendant que les peuples grondent. Où est la clairvoyance ? (Mettons à part le normalement sympathique et effaré François Hollande, qui a mis une bonne journée à se décravater, sous les objurgations empressées de BHO, et qui n’arrive peut-être pas à réaliser, – espérons que cela soit son sentiment, – que les sommets des grands de ce monde, c’est du genre “tout ça pour ça”… On verra ce qu'il en restera, et dans quel sens, une fois incubé le virus-“sommet”.)
En attendant, observe Reuters (via Yahoo) du 20 mai 2012, le sommet donna ce qu’on attendait de lui, c’est-à-dire rien. Et “les marchés” s’en retournèrent, toujours aussi inquiets et nerveux.
«The Group of Eight economies stressed on Saturday that their “imperative is to promote growth and jobs”, as they also recognized problems among European banks and gave verbal backing for Greece to stay in the euro. Still, despite U.S. calls for immediate moves to boost growth, no sign emerged that Germany would soften its stance on austerity as the cure for Europe's debt problems.
»With no consensus from Europe, markets will remain in a state of alert about the risk of a chaotic Greek exit from the euro, which would hit the region's banking system and possibly the global economy. “The market loves to hate the euro right now, and we expect continued pressure now that the chance of a Greek exit is high,” said Michael Woolfolk, senior currency strategist at BNY Mellon. “The G8 is really powerless to stop this.”»
A l’inverse de sommets précédents, où les folies guerrières extérieures (Libye, Iran, Syrie) avaient pris le dessus aux G8, cette fois ce domaine fut nettement relégué au second rang. Le communiqué reste assez anodin à cet égard. C’est à nouveau “leur” portion favorite de la crise générale, – financière, bancaire, de la dette, économique, – qui revint à l’ordre du jour, et cela ressembla à nouveau aux premiers G8 des débuts tonitruants de la crise, fin 2008 et 2009, – avec la différence qu’à cette époque bénie on espérait encore que ces réunions déboucheraient sur des résultats. Dans ce cas, à Camp-David, comme dans un scénario peaufiné par avance, ce fut donc pour constater leur complète impuissance, comme un leitmotiv.
Une fois de plus, on mesura donc l’avancement des directions politiques dans le domaine du désordre, lequel continue à se répandre et à se généraliser puisque les autres pouvoirs, en général cause de ces tourments et désordres, sont eux-mêmes incapables d’un effort concerté et efficace et d'ailleurs de quelque effort que ce soit dans ce sens puisque l'orientation naturelle et exclusive de tous leurs efforts est le tourment (pour les autres) et le désordre (pour tous). Le G8 a fait la démonstration, – par l’absurde mais sans vraiment choquer les esprits qui ont désormais l’habitude, – de l’enracinement de la crise, de la crise devenue structure crisique, devenue chaîne crisique, devenue crise haute, etc., tout cela à la fois, et à la fois dans les relations internationales et les situations nationales. Il n’existe plus aucune possibilité sérieuse de cette chose reléguée au passé de notre nostalgie qu'on nomme “sortie de crise”, aucune perspective de “reprise”, aucune issue progressive d'amélioration ordonnée qu’on puisse explorer. La crise est devenue l’essence même de la situation du monde. Eux-mêmes, ces puissants impuissants, l’ont reconnu ; cela acté, ils se sont intéressés aux péripéties de la finale Bayern-Chelsea.
Mis en ligne le 21 mai 2012 à 05H23
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