Chicanos vs US ?

Chicanos vs US ?

18 juin 2002 — C'est une affaire pleine de signification. Des groupes de la communauté hispanique du Texas avaient contesté le redécoupage de la représentation parlementaire du Texas à la Chambre des Représentants selon l'argument que ce redécoupage ne rendait pas justice à l'expansion de la population hispanique du Texas pendant les années 1990, et même que ce redécoupage contrariait cette expansion. (Durant les années 1990, les Hispaniques du Texas ont augmenté de 2,3 millions, comptant pour 60% de l'augmentation de la population du Texas pour la période.) En d'autres termes, les Hispaniques texans soupçonnent les autorités du Texas de manipuler le découpage électoral pour sous-représenter la population hispanique. L'affaire est allée devant la Cour Suprême des États-Unis. Celle-ci a rejeté la requête des Hispaniques sans même écouter leurs arguments.

« Hispanic groups unsuccessfully argued that while minorities accounted for the most growth in Texas in the 1990s, district lines will not dramatically change their chances of winning offices. ''We are strongly disappointed and really frustrated that the excitement over the Census numbers and the enormous growth over the decade of the Latino community in Texas has really been diminished by courts that are reluctant to create new Latino districts,'' said Nina Perales, attorney with the Mexican American Legal Defense and Education Fund. »

Cette bataille du Texas diffère complètement des autres contestations soulevées par le redécoupage électoral des USA réalisé pour tenir compte du résultat du recensement de 2000. Ce n'est pas une contestation politique classique, entre démocrates et républicains, mais une contestation d'un nouveau genre pour cette sorte de débat, basée sur la question de la représentation électorale d'une minorité qui l'est de moins en moins, notamment au Texas (« The Texas case is not a disagreement between political parties, but a fight between advocates for Hispanics and the state », dit la nouvelle d'Associated Press qui rapporte l'incident). Ce point est d'autant plus évident, et significatif, que les démocrates (sous l'étiquette desquels les Latinos sont en général représentés), et parmi eux des élus d'origine hispanique, n'ont pas suivi jusqu'au bout les groupes latinos («  Democrats and some Hispanic leaders disagreed with a plan drawn by Hispanic groups, saying it would jeopardize incumbent Hispanics and some incumbent Democrats. ») Enfin, la Cour Suprême a tranché brutalement alors que dans les cas de contestation courants, elle écoute les plaideurs et tente de trouver une issue satisfaisante. La raison ne fait aucun doute : « The Supreme Court, under conservative Chief Justice William H. Rehnquist, has not been sympathetic to requests for special line-drawing consideration for minorities. »

Ces diverses péripéties appellent plusieurs commentaires.

• La querelle montre que la question de la représentation de la population US d'origine hispanique en tant que telle, est devenue un problème sérieux.

• Les revendications présentées au nom de cette appréciation rencontrent l'hostilité de tout l'establishment, y compris l'appareil politique (démocrate) qui bénéficie d'habitude principalement des suffrages des hispaniques, y compris des Hispaniques faisant partie de cet establishment.

• L'enjeu est clair et se définira de plus en plus dans ce sens. Pour l'establishment, il s'agit d'empêcher que les Hispaniques tendent à se constituer en une sorte de groupe politique se caractérisant par l'origine ethnique. La pratique des caucus, admise à l'intérieur des partis, répond à des rassemblements ethniques dans la mesure où ceux-ci tirent leur légitimité de leur appartenance aux partis (au système). Tout bascule si un rassemblement ethnique d'élus risque de trouver sa légitimité directement à partir de l'électeur de sa communauté. C'est ce qui menace avec les Hispaniques, qui sont suffisamment structurés et rassemblés pour cela, et l'initiative qu'on décrit ici constituait effectivement une menace de cette sorte. D'où l'hostilité qu'elle a rencontré.

• La riposte de l'establishment a été efficace mais elle est risquée. Si les Hispaniques sentent qu'ils ne trouvent pas la représentation à laquelle ils estiment avoir droit au sein du système, ils risquent de chercher d'autres voies d'affirmation. C'est dans ce cas que le système pourrait perdre le contrôle de ces masses hispano-américaines.

• L'affaire ''Chicanos vs Texas'' pourrait ouvrir la voie à une évolution de plus grande ampleur, allant vers une situation ''Chicanos vs US''. Mais c'est un risque qu'on jugerait inéluctable, un risque inscrit dans l'évolution démographique autant que dans la cohésion ethnique et religieuse de la minorité hispanique. Cette évolution est bien entendu, à son terme, une menace directe contre la structure états-unienne actuelle.