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5945• Une analyse générale de la situation d’‘Ukrisis’ avec et après les référendums du Donbass et autres : une rupture pour le conflit en Ukraine, mais aussi pour la nouvelle réalité politique du monde. • Contributions : dde.org et M.K. Bhadrakumar.
Avec sa sagesse et sa modération coutumière, mais sans cacher une seule seconde sa préférence pour le sens de l’action de la partie ruse contre le désordre chaotique et solidairement autodestructrice de la partie nommée par nous ‘bloc-BAO’, M. K. Bhadrakumar développe une analyse très structurée de la situation générale d’‘Ukrisis’ à l’heure des référendums ; c’est-à-dire à l’heure de l’intégration, comme d’autres disent “annexions”, des provinces du Donbass (plus sans doute Kherson et Zaporozhye), dans la Fédération de Russie. Certes, le bloc-BAO ne cesse d’égrener sa moraline furieuse et bouffie de vitupération qui a le pouvoir étonnant, presque magique dirait-on, d’effacer ses propres actes totalement délictueux... Et donc, pour lui, le bloc-BAO, l’action russe est un acte d’agression impérialiste, et donc une “annexion” de force. Pourtant, les gens votent et continueront à voter encore trois jours, et ils n’ont pas l’air d’être hostiles à la perspective. Mais il est question de “démocratie” et de “droit international” selon l’arrangement américaniste-occidentaliste, applicable dans certaines circonstances, et pas du droit et du vote des gens.
M.K. Bhadrakumar se fiche bien de tous ces accidents de parcours. Pour lui compte d’abord les réalités des choses et du monde telles qu’il les perçoit. C’est un homme du monde nouveau qui s’organise (il fut ambassadeur de l’Inde à Ankara et à Moscou). Il est notablement optimiste et ne croit pas vraiment, pas une seconde en fait, que l’on puisse en venir à l’‘unthinkable’ ; ainsi lorsqu’il commente la déclaration du porte-parole du Pentagone sur les référendums et ce qui suit :
« C'est une déclaration suffisamment évasive enrobée de paroles martiales. Ni le Pentagone ni le commandement militaire russe ne se risqueront à la politique de la corde raide. Il est probable que l'adhésion des nouveaux territoires à la Fédération de Russie ne sera pas contestée militairement par les États-Unis ou l'OTAN. »
Mais ce qui finalement apparaît en filigrane, sans que l’auteur n’insiste dessus ni même ne le signale directement, c’est la description d’une puissance solide et structurée, la Russie bien sûr, tournant résolument le dos au bloc-BAO et s’offrant, – on pense à l’“esprit de Samarcande”, – comme référence et point de ralliement d’une alternative globale. Dès lors, la guerre de l‘Ukrisis’ prend un sens différent. Elle apparaît sous la plume de l’ancien diplomate indien, comme une souffrance et une brutalité nécessaire pour rompre, – justement. Et il n’y a pas de meilleur interprète de la chose que Medvedev, largement cité, lui le pro-occidental et l’ultra-libéral devenu patriote intransigeant, vitupérant l’Ouest et sa dégénérescence gluante, sa corruption des âmes, son hypocrisie extraordinairement narcissique, son théâtre permanent pour s’en faire accroire. Ce n’est plus le même monde.
Ainsi parlait Bhadrakumar, – avec sa “modération coutumière” (!)... Le 23 septembre 2022, sur son site ‘Indian Punchline’.
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Le référendum organisé du 23 au 27 septembre dans le Donbass et dans les régions méridionales de Kherson et de Zaporozhye en Ukraine sur leur adhésion à la Fédération de Russie est, à première vue, un exercice du droit à l'autodétermination par la population autochtone qui rejette le changement de régime soutenu par l'Occident à Kiev en 2014 et l'ascension des forces nationalistes extrêmes à tendance néonazie dans la structure du pouvoir.
Mais il a aussi d'autres dimensions. Selon toute probabilité, le référendum optera massivement pour l'adhésion à la Fédération de Russie. Dans le Donbass, la question est simple : « Êtes-vous favorable à l'entrée de la RPD dans la Fédération de Russie en tant que sujet de la Fédération de Russie ? » Pour Kherson et les Cosaques de Zaporozhye, le référendum constate trois décisions séquentielles : la sécession de ces territoires de l'Ukraine ; la formation d'un État indépendant ; et son entrée dans la Fédération de Russie en tant que sujet.
En 2014, toutes les procédures légales pour l'admission de la Crimée et de Sébastopol dans la Fédération de Russie ont été achevées en quatre jours. On peut s'attendre à un processus expéditif cette fois-ci également. Il existe un énorme soutien de masse en Russie en faveur de la réunification avec les populations russes ethniques des régions orientales et méridionales de l'Ukraine qui ont subi de graves persécutions au cours des huit dernières années, y compris des violences brutales, aux mains d'éléments nationalistes ukrainiens extrémistes qui contrôlent l'appareil d'État. Il s'agit d'une question très sensible pour le peuple russe.
Dans l'ère de l'après-guerre froide, le diable (ou “le bon génie”) de l'autodétermination a été sorti de sa bouteille par l'Occident lors du démembrement de l'ex-Yougoslavie. Bien que les États-Unis aient orchestré la sécession du Kosovo de la Serbie dès 1999-2008, l'entité n'a toujours pas été reconnue par les Nations unies. La Serbie rejette la sécession malgré la pression soutenue de l'Occident.
Cela dit, le précédent du Kosovo n'empêchera pas les puissances occidentales de condamner l'adhésion de régions d'Ukraine à la Fédération de Russie.
La grande question aujourd'hui est celle du calcul russe. Le président Vladimir Poutine a certainement tenu compte du fait que l'adhésion des “régions russes” de l’est et du sud de l'Ukraine est une décision immensément populaire dans l’opinion intérieure. Il n'a jamais caché qu'il était extrêmement sensible aux espoirs et aux aspirations de sa nation. Les commentaires les plus révélateurs (et faisant autorité) sur ce sujet sont venus de l'ancien président Dmitri Medvedev.
Medvedev a écrit dans son canal Telegram :
« Les référendums dans le Donbass sont d'une grande importance non seulement pour la protection systémique des habitants de la LNR, de la DNR [Donbass] et des autres territoires libérés, mais aussi pour le rétablissement de la justice historique ».
De l'avis de Medvedev, ces plébiscites
« changent complètement le vecteur du développement de la Russie depuis des décennies. Et pas seulement pour notre pays. Parce qu'après qu'ils [les référendums] auront eu lieu et que les nouveaux territoires auront été acceptés par la Russie, la transformation géopolitique du monde deviendra irréversible. »
Plus important encore, Medvedev prévient :
« Un empiètement sur le territoire de la Russie est un crime, dont la réalisation vous autorise à utiliser toutes les forces d'autodéfense. »
En outre, une fois le processus d'annexion des nouveaux territoires achevé, « pas un seul futur dirigeant de la Russie, pas un seul fonctionnaire ne sera en mesure de revenir sur ces décisions. C'est pourquoi ces référendums sont si redoutés à Kiev et en Occident. C'est pourquoi ils doivent être menés à bien… »
Ce qui ressort, c'est que la Russie a abandonné tout espoir d'un règlement négocié. Moscou était initialement optimiste quant à la volonté de Kiev de négocier, mais l'expérience amère a montré que le président Zelenski n’était en rien libre de ses actes. Le tandem américano-britannique a sapé l'accord négocié par les responsables russes et ukrainiens à Istanbul en avril, sous la médiation de la Turquie. L'administration Biden assure le contrôle de la guerre par procuration. Et le calendrier de Washington est lié à l'affaiblissement et à la destruction de l'État russe, qui a été l'objectif ultime des États-Unis. N'oublions pas que Joe Biden a joué un rôle déterminant dans l'installation du nouveau régime à Kiev en 2014 et dans la transformation de l'Ukraine en un État antirusse.
Il suffit de dire que le référendum est le seul plan d'action disponible pour la Russie dans les circonstances, tandis que Kiev maintient une position maximaliste imposée par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Pologne.
L'adhésion du Donbass, de Kherson et de Zaporozhye crée une nouvelle réalité politique et la mobilisation partielle de la Russie sur une voie parallèle est destinée à lui fournir une base militaire. L'adhésion signifie un changement de paradigme dans la mesure où toute nouvelle attaque contre ces régions peut être interprétée par Moscou comme une attaque contre l'intégrité territoriale et la souveraineté de la Russie.
Il est certain que les attaques gratuites de Kiev contre des civils et des infrastructures civiles dans le Donbass, à Kherson et à Zaporozhye déclencheront une réaction russe. Toute attaque sera considérée comme une agression et Moscou se réserve le droit de répondre « de manière adéquate ». Le fait que le déploiement russe dans ces territoires sera considérablement accru et amélioré signale la volonté d'utiliser la force.
Parallèlement, les opérations militaires spéciales de la Russie se poursuivront jusqu'à ce que les objectifs fixés soient pleinement atteints. Cela signifie qu'un nombre encore plus grand de territoires pourrait passer sous le contrôle de la Russie, créant d’autres ‘faits accomplis’ sur le terrain, alors que la voie du dialogue s'est refermée. Et, bien sûr, tout cela se déroulera à un moment où l'Europe sombre dans la récession, les sanctions contre la Russie donnant leur plein effet boomerang. Il est improbable que les citoyens européens soutiennent leurs gouvernements pour entrer en guerre avec la Russie au sujet de l'Ukraine. Kiev et ses mentors à Washington et à Londres doivent prendre tout cela très au sérieux.
Le porte-parole du Pentagone, Patrick Ryder, a réagi comme suit :
« Personne ne prendra au sérieux de tels référendums bidons, et les États-Unis ne reconnaîtront certainement pas leurs résultats. Comment cela affectera-t-il notre soutien et celui de la communauté internationale à l'Ukraine ? Cela n'affectera en rien, nous continuerons à travailler avec l'Ukraine et nos partenaires internationaux pour leur fournir l'aide nécessaire à la protection de leur territoire. »
C'est une déclaration suffisamment évasive enrobée de paroles martiales. Ni le Pentagone ni le commandement militaire russe ne se risqueront à la politique de la corde raide. Il est probable que l'adhésion des nouveaux territoires à la Fédération de Russie ne sera pas contestée militairement par les États-Unis ou l'OTAN.
Cela dit, la Russie est de toute façon en guerre contre l'OTAN, comme l'a déclaré le ministre de la défense Sergey Shoigu, même si ce n'est pas en termes de fournitures d'armes américaines, que « nous trouvons des moyens de contrer », mais dans les systèmes occidentaux existants, – systèmes de communication, systèmes de traitement de l'information, systèmes de reconnaissance et systèmes de renseignement par satellite.
Le fait est que l'adhésion des régions du Donbass, de Kherson et de Zaporozhye à la Fédération de Russie est une mesure irrévocable qui ne peut être et ne sera pas annulée tant que la Fédération de Russie restera un État indépendant, comme l'a souligné Medvedev. Les Etats-Unis ainsi que l’“Occident collectif” et l’OTAN le savent. En clair, l'algorithme de guerre par procuration de l'OTAN est obsolète et devient une pièce de musée.
L'analogie de la CIA avec le djihad afghan des années 1980 n'est plus valable, si tant est qu'elle l'ait jamais été. En effet, la Russie a évité un “bourbier” en Ukraine et est en passe de retourner la situation contre l'OTAN.
Dans son discours national de mercredi, Poutine a déclaré :
« En cas de menace contre l'intégrité territoriale de notre pays et pour défendre la Russie et notre peuple, nous utiliserons certainement tous les systèmes d'armes à notre disposition. Ce n'est pas du bluff. »
Poutine a également déclaré que la Russie disposait d'une capacité de frappe nucléaire supérieure.
Pour être doublement sûr que le message est bien passé, Moscou a levé le voile [hier] sur son tout dernier ICBM, le ‘Sarmat’. Les résultats du référendum doivent être déterminés au plus tard 5 jours après le dernier jour de vote, le 27 septembre, et la question de l'adhésion à la Russie est considérée comme approuvée si plus de 50% des participants au plébiscite votent en sa faveur. Il est important de noter que la Douma d'État russe doit tenir des sessions plénières à Moscou les 27 et 28 septembre.