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635Nous allions en balade sur le site du Financial Times et nous tombâmes sur ce texte du 22 septembre nous annonçant que “les Européens voient Moscou comme une menace contre la sécurité”. Nous parcourons le texte, y trouvant le commentaire d’un sondage sur la perception des Européens et des Américains (quel pays vous paraît le plus menaçant?, etc.). Il est ici question des réponses des Européens principalement.
Grand cas est fait par le FT, sinon cas principal voire exclusif, de cette appréciation selon laquelle la Russie est considérée comme une menace par 2% des Européens interrogés en juillet, 4% en août et 17% en septembre, – cette progression considérée comme la conséquence du conflit en Géorgie. (Ou bien, selon une formulation alternative que nous proposons: “cette progression considérée comme la conséquence de la propagande des médias occidentaux durant le conflit en Géorgie”, – le FT y reconnaîtra les siens.)
Puis, grande source de préoccupation, voire d’irritation de la part du FT, fort inquiet pour notre sécurité à tous: que les Européens, ayant choisi leur ennemi, n’en soient pas pour autant partisans de dépenses de défense supplémentaires, – pour faire face à la menace russe, indeed, omniprésente et multidimensionnelle.
Voici quelques extraits de la chose:
«The Russian military’s recent incursion into Georgia means that many more west Europeans now regard Russia as a greater threat to global stability than states such as Iran, Iraq and North Korea, according to a survey for the Financial Times.
»Despite this, a clear majority of people in western Europe remain firmly opposed to their governments spending more on defence and diverting resources away from public health and social programmes.
»Indeed, the Harris opinion poll for the Financial Times, conducted after the conflict between Russia and Georgia last month, indicates the citizens of three west European states would strongly oppose their national armies defending east European nations from a Russian attack. Britain, France, Germany, Italy and Spain are all legally obliged to defend their fellow Nato members Estonia, Latvia and Lithuania under the Atlantic alliance’s Article 5 commitment to mutual defence.
»However, in Germany, Italy and Spain, more people say they would oppose the notion of their national troops rushing to defend the Baltic states than would support the idea.
»In Germany, as many as 50 per cent of people say they would oppose national troops going to the defence of the three states, compared with only 26 per cent who say they would support it. Only in Britain and France do more people support the idea of their armies defending the Baltic states than oppose it.
»The contrast between Europeans’ rising fears of Russia and their unwillingness to support any action to meet the challenge posed by Moscow militarily is the most striking feature of the survey. The difficulty for governments contemplating an increase in defence spending is that growing public anxiety about Russia is somehow doing little to change the debate.»
Un peu plus loin, un paragraphe rappelle l’évolution générale des sentiments du public européen. Vous remarquerez que, dans ce paragraphe, se glisse(nt) parmi les pays considérés comme les plus “grandes menaces contre la stabilité”, – “the US”, d’ailleurs curieusement placés entre Chine et Iran, comme si les USA occupaient cette place: «Over the past year, Harris has asked Europeans on a monthly basis which states they regard as the greatest threat to global stability. Russia has repeatedly ranked well behind China, the US, Iran and Iraq. As recently as August, before Russia’s incursion into Georgia, only four per cent of west Europeans deemed Russia as the greatest threat to world stability. But the September poll shows 17 per cent of respondents putting Russia top of the list, ahead of Iran on 14 per cent and not far behind China on 21 per cent.»
Vous vous frottez les yeux, car que viennent donc faire les USA dans cette salade? Nulle part ailleurs dans ce texte il n’est question des USA comme étant une “menace contre la sécurité”. Y a-t-il erreur? Puis vous consultez les jolis graphiques dans le texte et, surprise, surprise… Vous vous frottez les yeux à nouveau et vous découvrez que, dans le jugement de ces mêmes Européens qui sembleraient, à lire le FT, ne considérer que la Russie à cet égard, les USA sont la première menace au monde contre la sécurité. 29%, 31%, 26%des Européens en jugent ainsi, en juillet, août et septembre respectivement.
Résumons par deux points.
• Le premier point est que tout l’article est une dénonciation indirecte mais radicale de la Russie comme si elle était la seule et la plus grave menace, alors qu’elle est vue comme telle par 17% des Européens en septembre, et un appel aux armes pour s’armer contre cette menace. Pas un mot, pas un seul mot sur la position des USA, qui sont jugés comme la première menace dans le monde contre la sécurité puisqu’ils le sont pour 26% des Européens en septembre. Certes, on comprend qu’un journaliste prête attention à une telle menace (la Russie) parce que ce pays est aux frontières de l’Europe, mais on comprend moins qu’il ne fasse aucune mention de cette autre menace que sont les USA, plus grave que la Russie et avec constance depuis plusieurs années, et menace qui se trouve à l’intérieur de nos frontières par le biais de nombreuses bases installées en Europe, et à laquelle nous sommes bien curieusement alliés.
• Le second point, moins important ou moins évident, n’en est pas moins significatif parce qu’il complète le tableau par un mensonge par analogie faussaire sur une question juridique. Le FT précise en passant, à propos de l’Article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, que les pays européens qui refusent de s’armer «are all legally obliged to defend their fellow Nato members Estonia, Latvia and Lithuania under the Atlantic alliance’s Article 5 commitment to mutual defence». La façon dont est présentée cette affirmation, au milieu des gémissements sur le fait que l’Europe de l’Ouest ne veut pas entrer en guerre pour l’Estonie, implique que l’Article 5 oblige à défendre militairement tout pays de l’Alliance. Cela est faux, un mensonge sans la moindre équivoque.
Il s’agit d’un exercice de désinformation d’une grossièreté rare, un travail de propagandiste effectué sans la moindre considération pour le lecteur. Les Anglo-Saxons, surtout les Britanniques dans ce cas, qui perdent toute mesure lorsqu’il est question de la Russie, perdent le maniement des nuances dans leur façon de faire leur travail d'honorables auxiliaires du système. Ils agissent comme si leurs lecteurs devenaient de plus en plus bêtes, à un point où l’on peut se demander s’ils ne deviennent pas eux-mêmes de plus en plus victimes de leur virtualisme. C’est une évolution préoccupante, qui indique du laisser-aller et un affaiblissement notable de la capacité technique du bidouillage de l’info. Nous méritons tout de même mieux, – qu’ils fassent donc un effort, by Jove.
D’autre part, il y a aussi l’hypothèse effectivement qu’ils sont eux-mêmes trop virtualisés par leur propre propagande pour concevoir des manœuvres aussi basses, et aussi mal faites, que celle-ci qu’on croit distinguer en l’occurrence. C’est alors que, pour ces gens-là, il est impensable que les USA puissent être désignés comme une menace alors qu’ils le sont effectivement, et à la première place sans aucun doute. L’inconscient efface la chose, comme une incongruité qui risque de peser sur l’estomac, jusqu'aux incidents les plus regrettables. Il n’y aurait alors pas de mensonge mais un déni de la réalité “toxique”, une médecine ou une œuvre de bienfaisance, un peu comme le plan de sauvetage de Paulson nous soulagera de toutes ces dettes “toxiques” qui pourraient nous faire croire que le système déconne un peu.
Mis en ligne le 24 septembre 2008 à 14H57