Chronique du 19 courant… La Grâce, en majuscule

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Chronique du 19 courant… La Grâce, en majuscule

19 décembre 2013… Impossible de ne pas voir dans ce “19 courant…” un clin d’œil destiné à celui du 19 février 2013 ; clin d’œil, complicité certes mais j’irais bien au-delà de ces mots assez anodins pour parler de continuité, de pérennité, d’unité. Enfin, entre les deux “19 courant…”, du nouveau s’est glissé tout de même, sous forme d’une majuscule, – après tout le symbole fait l’affaire ; de La grâce… à La Grâce de l’Histoire. Ah, Dieu, que le temps a passé, et pourtant ce ne fut ni en vain ni inutile.

L’événement est, cette fois, considérable. Dans quelques semaines, l’affaire de, – quoi ? – trois semaines peut-être, un peu plus qui sait, mais (presque) sans aucun doute avant le prochain “19 courant…”, La Grâce tome I verra le jour sous sa forme consacrée de livre imprimé. Je mets ce “presque” entre parenthèses et nullement souligné de gras, comme ce qui le suit, parce que ce “presque” ne devrait plus être que pour la forme, mais aussi et à l’inverse parce que tant que tout n’est pas fait, rien n’est fait. Supposez que la NSA décide de mettre à bas tous les systèmes informatiques de toutes les imprimeries de France & de Navarre, et des environs, ou que le président Hollande décide que La Grâce ne sied pas à sa présidence qui en est certes si singulièrement dépourvue ? Ces événements-là constituent en effet le cadre d’élection du travail de La Grâce, qui nourrit l’ambition de les lier directement aux appréciations fondamentales de la métahistoire.

Pour le site et pour moi-même, le chroniqueur, c’est un très grand événement ; et pour mon propre compte, ajouterais-je, et pour ce que j’en juge maintenant, événement bien plus grand, bien plus vaste, bien plus fécond et gros de changements importants que je n’imaginais. Là aussi, “tant que tout n’est pas fait, rien n’est fait” du sentiment général qu’on éprouve, d’un événement qu’on a jugé important pour soi-même et qu’on découvre ainsi encore bien plus important pour soi-même. Il en devient d’ailleurs si important que, par instant, la panique vous gagne … (Je parle bien ici de l’importance acquise par la chose pour soi-même, quelle que soit son importance objective, si quelqu’un parvient à la déterminer du reste, et sa valeur à mesure.)

Il y a bien des évidences pour expliquer cette attitude que je confie ici, pour qui connaît et fréquente le site avec régularité. Le fait me semble avéré que La Grâce a pris, au fil des années, pour moi, la place à la fois d’un mythe et d’un symbole pour dedefensa.org, en même temps que d’une référence qui semble veiller sur le travail du site, parfois le conduire, parfois l’inspirer... La réalisation achevée du premier pas et du premier tome d’une œuvre ainsi proclamée avant qu’elle n’existe, et d’ailleurs à ses risques et périls, est par conséquent, nécessairement, cet “événement important” dont je parle. Cette idée doit être dans l’esprit de chacun, lisant cette chronique, jugeant des réflexions de l’auteur, appréciant les perspectives envisagées. La parution du tome I de La Grâce n’est pas un événement pour le site mais un événement du site lui-même … C’est comme si dedefensa.org lui-même avait accouché de son premier enfant.

Mais je n’arrête pas cette célébration au seul domaine du mythe et du symbole, ou du mythe devenant enfin symbole si l’on veut. Car le mythe devenu enfin symbole, devient par conséquent directement et activement, à visage découvert désormais, acteur majeur, inspirateur, orientateur de celui dont il tient le destin ; et cette dernière expression, prise dans les deux sens : La Grâce tient son propre destin de l’enfantement de dedefensa.org et, sitôt apparue sous sa forme matérielle tenue par l’esprit dont elle est animée, il est avéré qu’elle tient le destin de dedefensa.org dans ses propres mains. Je crois qu’on a bien compris, avec la chronique du 19 février 2013 , la place formidable que La Grâce avait prise dans ma vie intellectuelle, dans mes réflexions, dans l’orientation de mes conceptions. Il n’est rien de plus normal que cette influence d’exception s’étende désormais au site lui-même, à visage découvert j’insiste, après qu’elle ait été installée naturellement sans l’esprit général de la chose. Même si ce “visage découvert” semble accessoire au regard du poids avéré et reconnu du projet sur les conceptions du site, cela constitue sans nul doute une avancée de plus de son influence, et peut-être l'avancée décisive de la chose qui existe.

Là aussi, symbole mais également bien réelle étape du changement. C’est-à-dire que la parution de La Grâce s’inscrit naturellement comme un événement symbolique d’une évolution du site qui, elle-même, témoigne d’une évolution de la situation générale telle qu'on peut et doit, à mon avis, la percevoir. Je dis mon sentiment, sans doute intuitif, mais en même temps alimenté par un autre symbole qui est la commémoration du centenaire de la Grande Guerre. (Il en est beaucoup question dans certains textes, – voir notamment le 27 août 2013, – jusque dans l’aspect de présentation commerciale du livre, qui suivra sa propre évolution, dans des canaux annexes à celui de la distribution par le site lui-même, et dont les lecteurs seront évidemment informés.)

Ainsi la chose est-elle à son heure, et nous n’avons pas manqué le rendez-vous qui importe, malgré tous les rendez-vous manqués précédemment. Je veux parler symboliquement, non pas nécessairement de la Mort , comme le faisait Seeger et qui serait dans notre cas une dramatisation inutile et injustifiée, mais de la précipitation et du flux déchaîné des événements ... Qui ne sent, aujourd’hui, que la métahistoire, qui progresse au galop des quatre cavaliers de l’Apocalypse, a atteint un rythme inarrêtable, un rythme de sa propre force et de sa propre volonté, emportée par la fureur des événements qu’elle crée à mesure et auxquels elle donne, comme par une grâce étrange, une complète autonomie d’action ? Nos directions politiques, ébahies, et par conséquent bouches bées et yeux exorbités, observent au-delà de leurs prompteurs vides cette fureur, sans y rien entendre, absolument sourds à l’intelligence de tous ces événements. Je crois que le tumulte est trop fort pour leurs pauvres psychologies épuisées, pour qu’ils puissent seulement entendre ce qui importe, sans parler d'en déchiffrer la signification profonde.

L’“information officielle” dans son extraordinaire indigence, relayée comme telle par la presse-Système, est absolument noyée, décimée, pulvérisée dans le flot impétueux du système de la communication. Ce nouvel acteur, le système de la communication, libéré de ses chaînes et qui s’est découvert une vocation antiSystème, ne s’est jamais senti aussi complètement libre de sa force joyeuse déconstructrice des narrative officielles à mesure que les porte-paroles non moins officiels tentent désespérément et à peine perdue, de les maintenir en état de survie artificielle. Même lorsque survient une aubaine comme les obsèques de Mandela, qui est le terrain rêvé de leur simulacre, ils arrivent, ces dirigeants officiels, à cochonner la chose par l’une ou l’autre incongruité, ou par un “traducteur gestuel” en pleine crise de schizophrénie, interprétant pour les sourds classiques et les malentendants postmodernes leurs discours en une bouillie pour les chats superbement insaisissable, – restituant ainsi, à la lumière des perceptions soudain brouillées dans une cérémonie qu’on jugeait “sous contrôle”, le véritable sens de leur bouillie à eux, ces mots insensés et ces phrases au “sens vide de sens”, ces verbes privés d'action et ces qualificatifs comme autant d'ornements mortuaires de la pensée, c'est-à-dire la vérité nue de leurs convictions diverses... Comment se comprennent-ils encore, je veux dire, la simple vision d’un visage, le leur, entrevu dans un miroir, une fois délesté de leur discours si complètement infécond et insubstantiel ? Mais quoi, c’est qu’ils ne savent même pas ce qui leur arrive, et ils ne reconnaissent même pas leur visage, le leur, et n’ont nul souvenir du discours de quelques minutes auparavant ... (Sur le “traducteur gestuel” schizo, voyez une chronique qui vaut son pesant de dérision de Slavoj Zizek, dans le Guardian du 16 décembre 2013 : «The ‘fake’ Mandela memorial interpreter said it all, – He claimed an ‘attack of schizophrenia’ rendered his signing unintelligible, but his performance translated an underlying truth...»)

Qui ne sent aujourd’hui que nous atteignons des limites indicibles et incompréhensibles, au-delà desquelles s’ouvre l’inconnu des grands effondrements des vanités terrestres ? Sans le moindre doute, pensai-je, le symbole de 2014, centenaire de la mythique et horrible Grande Guerre, semble convenir parfaitement pour marquer et qualifier un nouvel élan de l’esprit, de la réflexion, de l’observation. La publication de La Grâce souligne cela, et le site suivra les instructions de cette métahistoire déchaînée. Il va devoir se transformer, il est en train de se transformer, tentant de toutes ses forces de se maintenir au niveau de ces événements extraordinaires qui emportent notre contre-civilisation vers ce sort qu’elle ne peut plus désormais éviter.

Qui s’en étonnera, après tout, lorsqu’il s’agit, dit en termes symboliques, de “la Grâce” faite au monde par l’Histoire… Ce livre en plusieurs livres, ce projet, ce récit, parti de rien comme l’on voit une source ouvrir un déferlement à venir vers les horizons, gronde aujourd’hui en s’acharnant à suivre les événements formidables, pour tenter de leur restituer une signification, une cohérence, que les escouades des appointés du Système ne peuvent plus fournir, – par bonheur, ils ont abandonné tout espoir de ce point de vue. Décidément, bien plus qu’un livre en plusieurs tomes, bien plus qu’un projet qui vit de sa propre vie, La Grâce est bien un symbole. Elle prétend tenir sa place dans ce mugissement de l’Histoire devenue métaphysique pure, dans cette fureur splendide qui est en train, sous nos yeux, d’arracher des mains du Système fou et prédateur de toutes les hauteurs de l’esprit, les rênes de notre destinée.

Nous sommes en train de vivre, en toute conscience et en toute lucidité, la Fin des Temps d’une époque qui est devenue maudite et insupportable. Le spectacle n’est pas de tout repos, les futurs qui nous pressent ne sont pas exempts de menaces terribles et nous sommes tous comme autant de fétus de paille pressés de tant de souffrances à venir ; mais il ne sera pas dit, pour notre compte et pour mon compte, que nous ne savions pas, et que ne voyions pas. Notre honneur est bien de figurer et d’être loyal et fidèle à notre devoir d'un jugement libéré ; et notre honneur, c’est là un engagement qui va au plus profond de moi à la mesure de mes forces et de mon énergie, nous ne l’abandonnerons jamais.

Philippe Grasset