Clegg Factor & “special relationships

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Nicholas Clegg, leader des Libéraux-Démocrates (LibDem) au Royaume-Uni, bouscule comme un ouragan la campagne électorale. D’abord, ses remarquables prestations lors des rencontres télévisées à trois ont propulsé son parti en 2ème ou en 1ère position dans les sondages, selon les sondages. Ensuite, l’homme présente une image d’un politicien d’un nouveau type au moment où la classe politique britannique traditionnelle s’enfonce dans une impopularité et une impuissance remarquables jusqu’à être sans précédent. Enfin, Clegg se signale par une attaque frontale du tabou poussiéreux et anémique que constituent les “spécial relationships” du Royaume Uni avec les USA.

Divers journaux reprennent cette affaire précisément de l’attaque contre les relations avec les USA, en même temps que l’aventure de ce qu’on nomme désormais le Clegg Factor. On peut lire l’article du Sidney Morning Herald du 22 avril 2010, ou encore l’éditorial de The Independent du 23 avril 2010 constatant qu’après le deuxième débat télévisé à trois, le Clegg Factor s’avère n’être nullement un feu de paille. On peut enfin s’attarder à l’article d’analyse du Washington Post du 22 avril 2010, qui commente ce qui pourrait devenir un tournant de la politique britannique.

«The man of the hour in Britain's hottest prime minister's race in decades is tall and baby-faced, a self-proclaimed atheist who wants the nation to end its “slavish” devotion to Washington and consider trading in the revered British pound for the euro. Almost overnight, he has injected an ingredient into the race that has the British establishment quaking: the Clegg Factor.

»That man is Nicholas Clegg.

»In a country with a legacy of two dominant parties – Labor and the Conservatives – Clegg's stunning surge since Britain's first-ever televised prime minister debates last week has given his typically third-place Liberal Democrats the lead in at least two major polls. Only two weeks ahead of the May 6 elections, Clegg's rise is upending a nation known for the traditional political machines of Margaret Thatcher and Tony Blair. His against-the-odds message of change is energizing young voters and has the British press comparing him to President Obama. […]

»Clegg has argued that Britain's “special Relationship” with the United States is outmoded, that Britain can no longer afford to be the world's No. 2 policeman. He has called for the nation to consider reducing its nuclear deterrent and warned against "saber-rattling" on Iran.

»“If you're the U.S. administration, you might be a bit worried at the moment because you haven't had enough lunches with the Liberal Democrats, and you might want to be inviting Nick Clegg over to the embassy for dinner right about now,” said John Curtice, a professor of politics at the University of Strathclyde. “You also might be a bit worried about whether he will continue to follow the American line.” […]

»In a speech Tuesday, Clegg bluntly called Britain's “linchpin” relationship with the United States a Cold War relic and said the invasion of Iraq was “illegal.” He praised Obama, and his more internationalist stance, but maintained that both nations should rethink their priorities.

»“I think it's sometimes rather embarrassing the way Conservative and Labor politicians talk in this kind of slavish way about the special relationship,” Clegg said. “If you speak to hard-nosed folk in Washington, they think it's a good relationship but it's not the special relationship.“ He later added, “They are moving on, why on earth don't we?”»

Notre commentaire

@PAYANT Manifestement, le Royaume-Uni en a assez de son establishment vermoulu, sans imagination, vivant sur des souvenirs poussiéreux et d’ailleurs déformés par les innombrables intrusions des appendices virtualistes que sont les services de communication des vieux partis, – les seules choses dynamiques qu’ils possèdent encore, – mais, désormais, “choses dynamiques” largement prises à contre-pied par le Clegg Factor.

Nick Clegg a été instantanément surnommé le “Obama britannique”. Il a tout pour plaire à cet égard, sinon, si l’on ose encore dire cela, la couleur de la peau: origine hollandaise par sa mère, russe (vieille noblesse exilée à la révolution) par son père, une femme espagnole, avec trois fils nommés Antonio, Miguel et Alberto, tous trois élevés dans la religion catholique à l’insistance de la mère alors que Clegg lui-même se proclame athée depuis 2007, – une sorte de Révélation à l’envers, si l’on veut. A part cela, qui n’est pas banal, tout nouveau, Clegg…

Il est contre les “bruits de botte” menaçants contre l’Iran, il s’est prononcé contre la guerre en Irak, il laisserait bien tomber le sterling pour l’euro (ce qui implique un tournant européen) et, surtout, comble du comble, il voue aux gémonies les “relations spéciales” avec les USA. Il se dit d’ailleurs, à cet égard, parfaitement en accord avec le président Obama, ce qui n’est pas si faux. Il fustige le tempérament d’“esclave” des conservateurs lorsqu’il s’agit des relations avec les USA. Tout cela, clamé publiquement, n’est pas totalement nouveau puisqu'on sait suffisamment que la mise en question des “relations spéciales” avec les USA maturent depuis deux ou trois ans dans l’esprit de nombreux experts britanniques. Mais clamer cela publiquement, c'est en soi tout à fait nouveau. De cette façon, Clegg semble tomber à point nommé pour exprimer un sentiment diffus qui ne demande qu’à être pris en compte d'une manière ouverte et affirmée. Il est bien possible que cet engagement anti-US ait un poids électoral bien plus grand que celui qu’on lui prête, et qu’il améliore encore la fortune de Clegg. Si c’est le cas, Les LibDem, qui seraient selon les sondages au moins un partenaire obligé d’un gouvernement de coalition, en feraient une condition de leur participation. Cela soulagerait peut-être leurs partenaires, – sans doute les travaillistes, – qui sont de plus en plus hostiles à ces relations mais qui n’ont pas le courage de se décider à ce propos.

Qui plus est, l’engagement de Clegg dans cette voie, avec les autres aspects qu’on a mentionnés, implique des changements d’ordre généraux qu’on doit qualifier de fondamentaux. Il s’agit alors d’une réorientation complète de la politique du Royaume-Uni, de l’“anglosphère” chère à Churchill autant qu’à Blair, vers une ère d’activité politique européanisé, avec les modifications doctrinales auxquelles cela conduirait, dans un sens d’une réelle distance prise avec les dogmes hyper-libéraux (au sens économique) et tout ce qui les accompagne. C’est à dire que le Factor Clegg pourrait devenir, pour les Britanniques, dans certaines conditions, une “révolution Clegg”. Et il faudrait bien cela pour tenter de passer en force les formidables épreuves économiques et financières qui attendent le Royaume-Uni après les élections. Clegg, s’il arrivait à influencer une politique britannique encroûtée dans une sorte d’isolationnisme paradoxalement emprisonné dans ses relations avec les USA, pourrait convaincre les dirigeants et les élites britannique de se tourner à fond vers l’Europe pour tenter de sauver économiquement le pays tout en prenant des décisions politiques décisives de rapprochement avec les grandes puissances politiques européennes, notamment avec l’axe phénoménal qui s’ébauche entre Paris, Berlin, Varsovie et Moscou.

Effectivement, Clegg pourrait introduire un facteur inédit, sorte de “British Gorbatchev” directement ou indirectement, à un moment où l’Angleterre se trouve devant des échéances de quitte ou double. La rupture avec les USA signifierait une réorientation complète de la coopération, notamment de sécurité, vers le continent, notamment vers la France, mais aussi vers les autres puissances citées. De toutes les façons, le choix ainsi envisagé n’en est pas vraiment un. Si les Britanniques n’optent pas pour un bouleversement politique et tout ce qui l’accompagne (économique, financier, etc.), l’alternative est la catastrophe, la marginalisation, sans même l’aide des USA qui, sous Obama, ont d’autres chats à fouetter et, à l’image du président US, ne cultivent pour l’Europe et le Royaume-Uni qu’indifférence et désintérêt.


Mis en ligne le 23avril 2010 à 13H47