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836La France à l'ONU, c'est l'événement diplomatique de l'automne. Il y a d'autres domaines où la France s'affirme, dans tous les cas selon certains de nos confrères anglo-saxons. (Les liens aux deux articles mentionnés dans l'édito ci-dessous peuvent être trouvés dans notre F&C du 20 octobre 2002, sous le titre « Je t'aime, — Neither Do I ».)
Une chose nous a fait hésiter, après coup, concernant cet éditorial : le titre, qui fait un peu, selon l'expression bien française, “cucu-la-praline”. Réflexion faite, non ; son côté vieillot, justement, est ce qu'il nous faut, dans la mesure où l'un des points essentiels de notre logique dans l'analyse que nous faisons de comportement français, c'est l'appui formidable que la France trouve dans ses traditions. « Cocorico » est bien un terme qui renvoie à ce monde-là, dépassé, disqualifié et ainsi de suite ; la réalité est que c'est une France complètement passéiste, présentant le bon sens de ses traditions historiques et une forte identité nationale qui a triomphé de tous ces grandes nations et théories postmodernistes qui s'ébattent, soit dans la politique-bulldozer des USA, bonne à globaliser en petite charpie, soit dans la non-politique économiste, à la Schröder. Bien entendu, il ne faut pas répercuter cette analyse, qui est ignominieusement unpolitcally correct.
On ne parle que de ça. Un article ici (Newsweek), un article là (le Guardian), la presse (anglo-saxonne, en plus) résonne de la gloire de la France. Ce pays régulièrement vilipendé pour son archaïsme, régulièrement renvoyé aux soi-disant regrets de son passé qui n’a plus court, apparaît soudain comme l’un des grands acteurs du monde. Le voilà leader du reste (Rest Of the World), celui à qui parlent les Américains, celui qui présente et défend la cause des autres.
Sa campagne onusienne, sur la question de l’Irak, a été rondement menée. La France y montra des vertus tactiques (son habileté manoeuvrière à l’ONU) et des vertus psychologiques (la volonté entêtée de Chirac), d’autant plus remarquables que les autres (the rest of the world, cette fois sans majuscules, et cette fois US compris) en manquaient complètement. Pour l’essentiel, et c’est beaucoup, elle a tenu sur les principes naturels et immémoriaux de sa diplomatie : l’indépendance, la souveraineté nationale, pour elle et pour les autres (ce dernier point l’amenant à épouser évidemment la nature multipolaire des relations internationales). Appuyée ferme sur ces références de fer, elle a évidemment contesté les intentions américaines sur l’Irak. On remarque combien tout cela décline l’évidence.
Là-dessus, on s’exclame sur le reste : sur ses dépenses militaires, sur sa position en Europe, sur sa puissance économique. Tout cela n’est pas nouveau, on le redécouvre d’ailleurs régulièrement. C’est à la fois l’héritage de la France, qui est une grande nation, et le produit de son adaptation aux nécessités du système depuis un demi-siècle selon les principes mentionnés plus haut.
Il y a donc du naturel dans ces événements. Mais ce naturel porte une leçon qui n’est pas indifférente : le succès français pour cette saison est celui de la vision politique du monde ; le dramatique recul allemand marque par contraste les limites de la vision économiste du monde ; et le piétinement furieux des USA, celles d’une vision du monde appuyée sur la seule force brutale. Le succès français est aussi celui de l’identité nationale fortement appuyée, c’est-à-dire celui de l’identité en général, contre les thèses de la globalisation qui homogénéise tout. La France est bien placée aujourd’hui pour dynamiser à sa façon le processus européen : c’est dans ces grands moments d’affirmation identitaire qu’on peut susciter des entreprises collectives car on n’a plus à craindre d’y perdre son âme.
On verra donc ce que la France fera de son crédit, et on le verra vite car les enthousiasmes médiatiques passent aussi vite qu’ils naissent. Contrairement à ceux qui découvrent, la France connaît souvent des bouffées d’enthousiasme extérieur à son endroit : à l’été 1995, par exemple, pour le début du premier mandat Chirac, une occasion qui fut aussitôt perdue. Aujourd’hui, la France a un allié de poids : les USA. Leur comportement furieux et irresponsable rend absolument nécessaire l’émergence d’une inspiration alternative.