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16 octobre 2004 — Les signes de très sérieux problèmes pour l’armée US en Irak s’accumulent. Deux nouvelles du jour le montrent sans discussion possible.
• L’appel aux Britanniques. Les Américains veulent investir Falloujah mais ils ne se sentent pas assez forts pour assurer seuls cette mission. Ils ont demandé aux Britanniques de les aider en assurant, avec une unité de 650 hommes, la couverture de leurs arrières. C’est la première fois que les Américains demandent de l’aide aux Britanniques, et cette décision est sûrement très significative. Les Américains ont systématiquement écarté jusqu’ici, pour des questions de prestige, l’idée de faire appel à des troupes non-US ; qu’ils le fassent dans les conditions actuelles est effectivement très significatif.
• L’indiscipline devient un très grave problème. Pour la première fois, un cas majeur est signalé avec
le refus d’obéir d’une petite unité de 17 soldats (des réservistes). (La nouvelle a été d'abord connue de sources privées. Sa diffusion a obligé les autorités à reconnaître officiellement l'incident.) Ce qui est caractéristique est que ce refus d’obéissance concerne une mission a priori sans difficultés opérationnelles extrêmes (un convoi vers la ville de Taji), ce qui suggère une insécurité considérable dans le pays et une pression psychologique formidable pesant sur les forces US. Un autre point caractéristique dans cette affaire est le fait que les soldats se plaignent du mauvais état du matériel, ce qui suppose également de grandes difficultés au niveau de la logistique. Cela fait beaucoup pour l’“hyper-puissance” dont la force militaire était décrite, il y a 20 mois à peine, comme évoluant dans un monde à part, au point que le seul problème qu’on lui voyait était que cette trop grande puissance empêchait la coopération avec les alliés. On mesure a posteriori le sérieux des informations des experts et des journaux “de référence”.
« Discipline and morale among US troops in Iraq was under fresh scrutiny last night as the military admitted that 17 soldiers were being investigated for refusing to operate a fuel convoy because of safety fears.
» The soldiers, from a unit north of Baghdad, told family members that they considered the convoy destined for Taji to be a ''suicide mission'', citing the poor condition of their vehicles and the absence of ground and air support to protect the convoy.
» The refusal, confirmed by military sources in Baghdad, is the first time that concerns about equipment and safety have led to a major breakdown of discipline. Allegations about the state of US army equipment have been aired throughout the conflict and have become a feature of the US presidential campaign, with senator John Kerry airing the subject in presidential debates. But it is the first time that doubts about morale among US troops stationed in Iraq have surfaced so publicly. »
Les nouvelles plus générales venues d’Irak sont extrêmement alarmantes, confirmant indirectement la situation pathétique de la campagne américaine. Le pays est en train de sombrer dans le chaos. Un excellent article du San Francisco Chronicle du 15 octobre nous donne une bonne illustration de la situation en Irak.
La position des Américains y est désormais de simple survie. (L'acte d'indiscipline signalé ci-dessus ne semble être qu'un exemple parmi d'autres et d'autres sources confirment le très bas moral des forces.) Il apparaît que les bruits insistants de retrait pourraient bien être rapidement confirmés. Le chroniqueur indépendant proche des républicains Robert Novak, qui avait annoncé le 20 septembre que le retrait était désormais envisagé dans l’administration GW Bush, a réitéré ses affirmations dans un article du 7 octobre, malgré des démentis officiels. L’insistance de Novak, homme en général bien informé, semble correspondre à l’évolution catastrophique de la situation sur le terrain.
Il semble que le scénario-catastrophe envisagé soit de tenir au moins jusqu’en janvier, en tentant de reprendre les villes rebelles par la puissance de feu, pour garantir un simulacre d’élections, avant d’envisager un départ massif des forces US, mission accomplished (libération du pays, élections, démocratie, discours à la gloire de l’Amérique, etc…). La sinistre farce irakienne serait ainsi achevée.
Un point intéressant et plein d’incertitude est celui-ci : que se passerait-il si Kerry l’emportait ? Il n’entrerait en fonction que le 20 janvier 2005, le pouvoir formel restant à Bush et à son équipe pendant trois mois. Quelles seraient les décisions concernant l’Irak, et qui les prendrait, à un moment aussi crucial ? Les relations entre républicains et démocrates étant de guerre ouverte, la collaboration serait très probablement mauvaise, pour ne pas dire pire. On imagine aisément que l’administration Bush ne voudrait pas aider l’administration Kerry à tenter de rétablir la situation. C’est à cette occasion que des erreurs graves pourraient être commises, à cause de décisions prises selon les circonstances politiciennes à Washington, entraînant des conséquences catastrophiques sur le terrain.