Comme le Nixon des derniers jours...

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Comme le Nixon des derniers jours...

5 juin 2004 — Il semble qu’un article publié par le site Capitol Hill Blues soit considéré avec la plus grande attention à Washington, notamment dans les milieux dissidents. Le site CounterPunch publie une appréciation de son rédacteur en chef Alexander Cockburn, qui donne le plus grand crédit à l’information de Capitol Hill Blues. Il s’agit d’une description du comportement du président GW, montrant une attitude complètement irrationnelle, marquée par l’obsession, la paranoïa, etc, et, évidemment dans le cas de GW, avec la présence et le soutien complet de Dieu.

(Un de nos lecteurs nous signale de son côté le texte de Capitol Hill Blue et le propose intégralement dans le Forum de ce jour. On s’y reportera si l’on veut effectivement disposer du texte intégral hors des vicissitudes des liens.)

Quelques paragraphes de l’article de Doug Thompson :

« President George W. Bush’s increasingly erratic behavior and wide mood swings has the halls of the West Wing buzzing lately as aides privately express growing concern over their leader’s state of mind.

» In meetings with top aides and administration officials, the President goes from quoting the Bible in one breath to obscene tantrums against the media, Democrats and others that he classifies as “enemies of the state.”

» Worried White House aides paint a portrait of a man on the edge, increasingly wary of those who disagree with him and paranoid of a public that no longer trusts his policies in Iraq or at home.

»  “It reminds me of the Nixon days,” says a longtime GOP political consultant with contacts in the White House. “Everybody is an enemy; everybody is out to get him. That’s the mood over there.”

» In interviews with a number of White House staffers who were willing to talk off the record, a picture of an administration under siege has emerged, led by a man who declares his decisions to be “God’s will” and then tells aides to “fuck over” anyone they consider to be an opponent of the administration.

»  “We’re at war, there’s no doubt about it. What I don’t know anymore is just who the enemy might be,” says one troubled White House aide. “We seem to spend more time trying to destroy John Kerry than al Qaeda and our enemies list just keeps growing and growing.” »

Effectivement, la proximité entre cette description et celle du comportement de Nixon dans les derniers temps du scandale du Watergate est, au niveau psychologique, tout à fait convaincante. Par contre, au niveau des faits eux-mêmes, et particulièrement des faits politiques, il y a des différences significatives, et même décisives.

• Il n’y a pas de poursuite officielle contre le Président, avec des échéances légales pouvant conduire à la destitution. Nixon était confronté, au moment de sa démission, aux conclusions d’une enquête parlementaire qui allaient mettre en évidence des faits sérieux contre lui, et l’auraient conduit presque sûrement à la destitution. Dans tous les cas, l’odyssée pathétique de Nixon était promise à se terminer d’une façon ignominieuse ; Nixon était déjà vaincu. Ce n’est pas le cas de GW, pour l’instant.

• Nixon n’avait plus de perspective électorale. Réélu triomphalement en novembre 1972, il n’avait plus d’échéance électorale. En ce sens, la bataille du Watergate n’avait pas d’enjeu politique direct. Avec GW, c’est tout le contraire. Nous sommes dans une année électorale et GW Bush est loin de partir battu.

• … Car c’est une autre différence : alors que la popularité de Nixon s’était effondrée, qu’il était complètement isolé et rejeté par la classe politique, parfois de façon excessive et déloyale, GW n’est pas du tout dans cette position. Certes, sa popularité a chuté, mais cela ne se reflète guère dans les intentions de vote. Même si Kerry est classé avant lui, la différence est minime et, en aucun cas elle n’est décisive. Les meilleurs analystes estiment que Kerry, dans l’état actuel des choses, s’il ne s’impose pas décisivement, n’a guère de chances de l’emporter.

• Cette différence importante déjà mentionnée doit être explicitée. Non seulement GW n’est pas isolé, contrairement à Nixon, mais nous irions encore plus loin : le désarroi de GW est partagé par tout l’establishment washingtonien, qui a été obligé de le suivre et de le soutenir dans sa folie irakienne et, en un sens, qui subit les mêmes pressions et est comptable du même désastre que le président. Nixon était isolé dans sa propre administration, GW pas du tout. (Sans compter que GW semble avoir Dieu de son côté, ce qui n’était pas le cas du pécheur qu’était Nixon.) Nixon était tenu à la gorge par Washington. GW est tenu à la gorge par l’Irak, mais Washington aussi. On en est au point où le nouvel exécutif-fantoche de Bagdad lance un avertissement public contre un départ prématuré des troupes US, ce qui signifie qu’à Washington cette option est sérieusement envisagée. Le désastre serait total et frapperait Washington encore plus que GW.

• Pour conclure, on dira que le Watergate était la tragédie d’un homme seul et d’un homme vaincu ; l’actuelle crise n’est pas la tragédie du seul GW, mais la tragédie du système dans son entier. La situation est infiniment plus grave qu’elle ne l’était en 1973-74.

Des précisions sur le départ de George Tenet

Le même article de Capitol Hill Blues donne une version intéressante du départ de George Tenet. Il s’agit d’une version beaucoup plus irrationnelle, un mouvement d’humeur de GW Bush comme il en serait coutumier désormais. La thèse est complètement acceptable, et réduit éventuellement les hypothèses plus rationnelles qu’on peut faire, y compris la nôtre ; ou bien on peut considérer qu’elle s’y rajoute sans les (la) contredire vraiment.

« The President's abrupt dismissal of CIA Directory George Tenet Wednesday night is, aides say, an example of how he works.

» ''Tenet wanted to quit last year but the President got his back up and wouldn't hear of it,'' says an aide. ''That would have been the opportune time to make a change, not in the middle of an election campaign but when the director challenged the President during the meeting Wednesday, the President cut him off by saying 'that's it George. I cannot abide disloyalty. I want your resignation and I want it now.''

» Tenet was allowed to resign ''voluntarily'' and Bush informed his shocked staff of the decision Thursday morning. One aide says the President actually described the decision as ''God's will.'' »