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990L’activité est grande, aujourd’hui, dans les centres d’analyse occidentaux, pour déterminer ce qui n’a pas marché avec Poutine. (Puisqu’il s’avère, à vrai dire, que la politique occidentale vis-à-vis de Poutine n’est pas une réussite.) En marge de leur visite moscovite, les Américains se sont activés à faire le compte. Triste décompte.
On a une bonne analyse de ce débat dans une dépêche de McClatchy Newspapers, en date du 12 octobre ; une analyse qui, nous dit-on, reflète bien le courant “auto-critique” qui parcourt actuellement les milieux de sécurité nationale de Washington.
Le rapport McClatchy Newspapers est intéressant parce qu’il nous expose les modalités des erreurs US vis-à-vis de Poutine, — puisqu’il s’avère (titre de l’article) que… «Bush, aides “grossly misjudged Putin”». Quelques extraits exposant le cas:
«Bush's strategy on Russia assumed that Russian President Vladimir Putin embraced democracy, wanted integration with the West and sought a “strategic partnership” in which Moscow would acquiesce to U.S. policies such as NATO expansion. Feuds could be resolved through the close personal relationship that Bush believed he had with his Russian counterpart.
»Instead, fueled by record oil and natural gas prices and resentment of what he lambasted in February as Bush's “almost uncontained hyper use of force,” Putin has led global opposition to the U.S. war in Iraq, hosted Palestinians on the U.S. list of terrorist groups, sold anti-aircraft missiles and other arms to Iran and stymied Bush's drive to tighten U.N. sanctions on the Islamic republic for refusing to suspend uranium enrichment.
(…)
»The U.S.-Russian tensions are a far cry from June 2001, when Bush declared after his first meeting with Putin in Slovenia that he'd looked in the Russian leader's eyes, found him “trustworthy” and “was able to get a sense of his soul.”
»Bush and his aides “grossly misjudged Putin,” considering him “a good guy and one of us,” said Michael McFaul of Stanford University's Hoover Institution.
»The former KGB officer created that illusion partly by appearing to share Bush's political and religious convictions, standard tradecraft employed by intelligence officers to recruit spies, he said.
»“Putin . . . is a brilliant case officer,” said Carlos Pasqual, a former senior State Department official now at The Brookings Institution, a center-left policy organization in Washington.
(…)
»U.S. officials refused to accept “that the Russians do have an interest in what they call their ‘near abroad,’” said a former top State Department official who requested anonymity to speak more freely. “The Russians would have differences of opinion with us, and we would not acknowledge that we had differences of opinions.”»
Ainsi apprend-on successivement :
• Ce que les Américains (et l’Ouest avec, bien sûr) attendaient de leurs nouvelles relations avec la Russie, comme une chose naturelle et évidente, comme une alliance enfin équilibrée entre les anciens adversaires de la guerre froide, – c’est que la Russie devînt une démocratie à l’occidentale, c’est-à-dire alignée sur les USA, intégrée dans les circuits économiques et financiers occidentaux, agréant aux diverses initiatives occidentales (dont l’expansion de l’OTAN).
• Il n’était pas concevable ni envisagé une seconde que les Russes aient leurs intérêts propres, notamment dans les “pays proches” de l’ex-bloc communiste. Comme le dit l’officiel du département d’Etat cité, on refusait d’admettre que les Russes aient des opinion différentes de celles du département d’Etat.
• La chose se résume dans la phrase fameuse de Bush, annonçant qu’il avait découvert que Poutine avait une âme, bref qu’il était un être humain comme vous et moi. Cela signifiait, bien évidemment, qu’il était un Américains, comme vous et moi ; qu’il était «a good guy and one of us», comme résume brillamment Michael McFaul, de la Hoover Institution de Stanford.
• Nous avons enfin la révélation de la substance du génie de Poutine. Il réside en ceci qu’il a réussi, en bon officier du KGB, à “retourner” et, quasiment, à recruter GW Bush : «The former KGB officer created that illusion partly by appearing to share Bush's political and religious convictions, standard tradecraft employed by intelligence officers to recruit spies, he said.» Même si nous sommes un peu étourdi par le brio de l’analyse, une objection venue à notre esprit est de nous demander dans quelle mesure le “brillant officier” du KGB avait besoin de simuler pour paraître avoir les mêmes convictions que Bush pour le “retourner” puisque le département d’Etat avait d’ores et déjà décidé que c’était bien le cas (“…on refusait d’admettre que les Russes aient des opinion différentes de celles du département d’Etat”).
On se demande ce qui est le plus remarquable: les erreurs qui furent commises, qui ne sont rien d’autre que l’expression de la nature la plus primaire de la psychologie américaniste et du virtualisme désormais courant à Washington, ou la critique apparemment légère et sereine, voire souriante, qui en est faite. Tout le monde, critiques et critiqués, continue à être content de soi et du système de l’américanisme. Comme dit l’autre, «[i]n Washington, nothing succeeds more than failure».
Mis en ligne le 15 octobre 2007 à 14H21