Comment commander un JSF quand il n’existe pas?

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Continuons le catalogue des innombrables obstacles et difficultés du programme JSF, comme si cette septième merveille du monde postmoderne était devenue une sorte d’aimant attirant à lui tous les vices et travers de l’ère technologiqsue postmoderne. Dans son livre Le choix du feu, Alain Gras parle de la notion d’“impérialisme technologique”, et il semble bien qu’il s’agisse du cas du JSF, celui-ci suivant ainsi la courbe décadente et vertigineusement descendante de son impérialisme géniteur; l’impérialisme US, dans sa version technologique encore plus que les autres, semble surtout être devenu la vertu de faire croire et de faire attendre ceux dont on a annoncé qu’on allait les conquérir.

Mais soyons concrets. Une autre difficulté surgie devant le programme JSF est en affet qu’il doit très vite recevoir des commandes effectives des pays faisant partie de la coopération. La chose est nécessaire pour tenter de stabiliser les perspectives du programme, pour présenter à tout hasard l’argument d’un prix pouvant être réduit selon la perspective enivrante d’une production augmentée, et plus généralement pour des raisons d’image et d’influence qui sont les principaux moteurs de ses campagnes marketing. Mais le programme se heurte, dans ce domaine précis, à un obstacle de taille: Lockheed Martin n’est pour l’instant pas capable de présenter les diverses données permettant au JSF de figurer dans les compétitions ou les processus devant aboutir à des commandes. Bref, comme on s’en doute, le JSF n’existe pas et n’existe nulle part, alors qu’il s’agit de le vendre vite fait.

• Il y a le cas norvégien, dont on sait qu’il n’est pas actuellement le plus accueillant pour le JSF. Les Norvégiens doivent clore les dépôts des candidatures pour leur compétition pour un nouvel avion de combat le 28 avril. La situation est proche du grotesque, voire fellinesque. SAAB, qui vit dans le monde nordique et réel, est prêt avec son offre Gripen. Eurofighter s’est retiré de la compétition en décembre 2007 en arguant que cette compétition était biaisée en faveur du JSF; les Français, avec le Rafale, sont étrangement absents. Quant au JSF, que tout le monde pronostique depuis plusieurs années, par réflexe pavlovien et américaniste, comme le seul vainqueur possible, et qui a de moins en moins de chance de l’être, – eh bien, il n’existe pas... Citons Defense News du 16 avril:

«The Norwegian government has invited Eurofighter to re-engage with the fighter replacement program and present a final bid by April 28, the binding information deadline set by the Ministry of Defense (MoD). The invitation comes amid fears that technical delays to the Lockheed Martin's F-35 Joint Strike Fighter could see the company request an extension of the April deadline, while Saab confirmed that its updated bid would be presented on time.

»“We would certainly welcome a decision by Eurofighter to re-enter the competition, even though it suspended its bid last December,” said Espen Barth Eide, the state secretary at the MoD. “We would like all three aircraft, the Gripen, the Joint Strike Fighter and the Eurofighter, to remain part of the process.”

(...)

»Problems associated with the development of a number of the high-tech components in the newest version of the JSF could leave the U.S. binding information report “light” on all technical specifics, an MoD source said. “We may see a request for an extension to the deadline,” the source said. Some Oslo-based analysts agree. “It will be very difficult for the Americans to respond to all of the many Norwegian demands within the deadline of April 28,” defense analyst John Berg said.»

• Le deuxième cas est celui des habiles Britanniques, qui n’en finissent pas de se louer des incroyables vertus des special relationships. Ils veulent au départ le F-35B à décollage vertical, et ce choix doit influencer une décision cruciale concernant leur(s) nouveau(x) porte-avions (au moins un, sans doute deux): installation d’une catapulte ou pas? Si c’est le F-35B, ce n’est pas nécessaire. Mais que dire du F-35B? Le MoD doit prendre la décision de s’engager dans la voie d’une commande de F-35B à la fin de l’année mais le F-35B n’est pas prêt du tout. Lockheed Martin ne commencera pas à “explorer l’enveloppe de vol complète” du F-35B (traduction: découvrir si le F-35B existe bien en tant que tel) avant juin 2009, cela sans limitation de temps annoncé pour la conclusion. L’alternative pour le MoD est le F-35C de la Navy – dans ce cas, le(s) porte-avions UK doi(ven)t avoir des catapultes. On sait que le sort de cette version, – question prix, délais, voire son existence même, – est suspendu au bon vouloir de l’U.S. Navy, qui a manifestement d’autres plans en tête. Pour simplifier le côté kafkaïen de la chose, le MoD devrait se décider cet été à propos de l’installation ou pas de catapultes sur son (ses) porte-avions, ce qui dépend de tout ce qu’on vous a précédemment expliqué d’impossible à comprendre pour l’instant. Aviation Week & Space Technology nous explique une petite partie de la chose dans ses éditions du 7 avril (accès payant).

«The British Defense Ministry is faced with committing to the Joint Strike Fighter F-35B version before the aircraft has demonstrated key capabilities, or delaying its procurement process—risking a trickle-down effect on its overall program.

»While the U.K. has identified the short takeoff/vertical landing (Stovl) F-35B as its preferred version of the Lockheed Martin JSF, a final decision on which model to buy to replace the BAE Systems GR9 Harrier has yet to be made. The choice remains divisive within the Defense Ministry, where there are supporters for the F-35C U.S. Navy variant.

»The timing of the U.K. commitment to its first F-35s—up to three operational test and evaluation (OT&E) aircraft—originally meant that the F-35B production prototype would already have flown core elements of the Stovl performance flight testing prior to a decision. This is no longer the case.

»If the U.K. sticks to its current plan, it will commit to the OT&E aircraft in either December or next January. Under its revised F-35B test schedule, Lockheed Martin won’t begin to fully explore the aircraft’s Stovl envelope until January 2009.»

Bon week-end malgré tout...


Mis en ligne le 19 avril 2008 à 14H36