Comment fabriquer une candidate USA-2020

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Comment fabriquer une candidate USA-2020

Dès le départ, dès l’annonce de sa candidature en janvier de cette année, un déchaînement de fureur, de dénonciations, de diffamations, de FakeNews, s’est développé instantanément contre Tulsi Gabbard. La conclusion aussitôt tirée fut bien entendu : elle n’a aucune chance car l’establishment, le DeepStarte, la presseSystème sont contre elle. C’est une conclusion d’apparente logique mais dont la justesse n’est pas aussi évidente tant “D.C.-la-folle” se passe aisément de logique ; et ainsi se pourrait-il bien que ce soit même le contraire.

Voici une séquence de ces derniers jours, depuis la parution d’un article anti-Gabbard sur le site The Daily Beast, site notoirement neocon, pro-guerre, pro-Israël, fastueusement financé par les diverses richesses et réseaux qu’on peut imaginer, etc.

• L’article date du 17 mai 2019 et nous apprend que « La campagne présidentielle de Gabbard est renforcée par le soutien d’apologues de Poutine ». L’intention est claire : il s’agit d’une sorte de “revenez-y”, de faire de Gabbard la “candidate de Moscou” comme on avait fait de Trump “le candidat de Moscou”. Tactique connue donc, et éprouvée, – c’est-à-dire éprouvée comme étant détestable, puisque Trump a été élu, que les enquêtes spécifiques contre “Trump-agent-de-Moscou” n’ont rien donné, etc. Peu importe, la tactique est reprise, et cette fois contre un personnage beaucoup moins contestable, et beaucoup moins vulnérable aux diverses accusations personnelles et professionnelles qui ont accompagné la campagne antiTrump dans ce domaine.

• Il se trouve que Gabbard a déjà 65 000 donateurs déclarés (c’est-à-dire 65 000 “apologues de Poutine”), et Daily Beast en mentionne trois. Citons un de ces “apologues de Poutine” dont le travail est de recruter Gabbard, ou plutôt de financer son recrutement déjà acquis au service de Poutine : le meilleur spécialiste universitaire de la Russie aux USA, le professeur de l’Université de New York Stephen F. Cohen, homme de gauche d’une intégrité personnelle et professionnelle reconnues et grandement respectées. Cohen a fait un don “personnel” (nuance sarcastique) de $1 000 à Tulsi Gabbard. L’infamie est patente et nous coupe le souffle, – et la plume, pour cette phrase d’indignation qui cause d’elle-même.

• Le 19 mai 2019, Tulsi Gabbard passe à l’émission This Week de George Stephanopoulos, sur ABC, émission fameuse et de grande écoute. Elle répond aux questions convenues en répondant par l’évidence de la “nouvelle fabriquée”, dite FakeNews, pour caractériser le caractère de corruption par la Russie de ces soutiens en question. La séquence est reprise notamment sur ZeroHedege.com et sur Russia Insider, et également développée dans une émission du 22 mai de la chaîne RT-America qui reprtend elle-même l’émission d’ABC.

• Le 24 mai 2019FoxNews invitait Tulsi Gabbard comme participante principale d’une de ses émissions d’information, pour commenter la crise actuelle de la direction américaniste (Trump vs Pelosi) et les perspectives d’une possibilité de guerre contre l’Iran. Gabbard a pu ainsi montrer ses capacités de commentaires, à la lumière de ses expériences d’officier de l’US Army (trois déploiements en Irak) et de parlementaire depuis 2012 au Congrès, à Washington, notamment dans les commissions spéciaklisées dans ces domaiunes de la sécurité nationale.

Par ces divers exemples, nous voulons montrer la présence, à la fois polémique, à la fois offensive, de Tulsi Gabbard dans la presse US, y compris la presseSystème qui devrait par ailleurs avoir comme but explicite de “démolir” cette parlementaire d’Hawaii pour cause iconoclastique d’un programme d’arrêt des guerres d’hégémonie-bidon du gouvernement US et de ses conseillers bellicistes, – et de la démolir essentiellement en l'ignorant car il n'est de meilleure arme que le silence. Les présentations sont, au contraire, soit nuancées, soit franchement ouvertes, essentiellement parce que Gabbard apporte avec elle, outre ses qualités personnelles, une argumentation structurée fondée sur une expérience impressionnante pour son âge, – tout cela faisant un contraste bienheureux par comparaison avec les discours convenus, idéologisées, manichéens et en général de plus en plus lassants des intervenants standards dans cette sorte de débat.

On ajoutera deux dimensions qui ont leur intérêt. Principalement, comme cerise sur le gâteau destinée aux grands affrontements stratégiques et intellectuels du temps, l’avantage (discret avec elle mais néanmoins bien réel) du type-LGTBQ : Gabbard a la particularité d’être femme et membre d’une minorité ethnico-culturelle, avec la peau très légèrement et élégamment colorée. Il y a également, pour cette femme qui socialement se situe nettement à gauche, une touche d’accusation d’influence de milieux d’extrême-droite, comme l’ont noté certains commentaires de textes sur Gabbard sur ce site. Tout cela conduit à compléter le personnage Gabbard, c’est-à-dire à en faire un personnage capable d’attirer toutes les attentions, – hostiles, bien entendu, mais également très intéressées, – c’est-à-dire un personnage au potentiel considérable, qui dispose de tous les caractères suscitant l’attention du système de la communication

Il reste bien entendu que l’axe fondamental de l’action de Gabbard, c’est son opposition totale, constamment réaffirmée, martelée, proclamée, à la politique expansionniste et hégémoniste du Système (disons, la politiqueSystème). Gabbard a déjà franchi des obstacles où on l’a vu hésiter avant de finalement les franchir, et conserver ces positions extrêmes dans l’antiSystème malgré des attaques et des tentatives de lynch médiatique du fait de ses interrogateurs. Désormais, elle est installée dans cette position, et cette fermeté commence à devenir un avantage.

Elle est constamment l’objet d’attaques, comme dans l’absurde article de Daily Beast, et l’alacrité et la fermeté qu’elle a montrée dans ses ripostes en ont fait une personnalité qui, du point de vue télévisuel, du point de vue de l’audience si l’on veut des termes techniques et grossiers qui sont pourtant déterminants dans le choix des personnes à qui l’on donne la parole, constitue un pôle d’attraction. Gabbard est en train de devenir une personnalité de prime time, malgré ses positions qu’on jugerait quasiment impossibles à exprimer dans les grands réseaux US. 

L’entendre, comme dans le segment FoxNews référencé, être consultée avec respect pour développer sa condamnation absolue et fortement argumentée contre la politiqueSystème d’une possible guerre contre l’Iran au cours d’une interview de 10 minutes, avec remerciements des présentateurs à la clef, est la démonstration de cette position et de cette stature qu’elle est en train d’acquérir. Ainsi en arrive-t-on à conclure que le tollé soulevé par sa candidature et son programme a fini, en quelques mois, par lui donner l’occasion de s’affirmer comme une vedette des interviews et des commentaires sollicités, servie par une excellente diction, une formidable connaissance des dossiers, et en arrière-plan ce paradoxe du prestige de l’uniforme porté au combat et les spécificités de la “diversité” même si elle n’en fait guère état… Ainsi, la mécanique de la communication du Système, par ses excès, ses outrances, son absence du sens des nuances, sollicitant par la force des choses des réponses de Gabbard-devenue-vedette des plateaux et donc l’accès à ces plateaux, pourrait-il bien être en train de fabriquer une candidate antiSystème et antiguerre de grande stature.

Actuellement, Gabbard est dans les sondages de popularité de la myriade de candidats à la désignation démocrate, en mauvaise position. Six la précèdent, de 33% à 4%, ce qui lui semblerait lui donner bien peu d’espoir. Mais lorsqu’on sait que celui qui a 33% est le pauvre clown gâteux-peloteur Joe Biden, on comprend que ces sondages relèvent dans leur esprit des popularités et des notoriétés d’un autre temps, et nullement de celles d’aujourd’hui, telles qu’elles émergeront lorsque la campagne se mettra en place. C’est à ce moment qu’on pourra apprécier si Gabbard s’est imposée sur la scène nationale, et donc si elle en mesure de lancer une campagne complètement iconoclaste dans une époque devenue folle et qui semble avoir comme consigne d’activité un constant iconoclasme qui permet les issues les plus inattendues.

 

Mis en ligne le 25 mai 2019 à 17H10