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11 mai 2005 — En plus des mesures de protection et de restriction sur les grands domaines stratégiques et politiques, comme les transferts de technologies par exemple, les USA sont en train de s’enfermer, au niveau de la population et des simples courants humains et culturels, dans une structure de “Fortress America” par les effets de l’obsession sécuritaire et les lourdeurs extraordinaires de la bureaucratie. Les effets importants de cette évolution rencontrent évidemment une attitude psychologique très spécifique des Américains eux-mêmes, marquée par un sentiment de la différence repoussant l’ouverture au reste du monde et déniant l’accès de l’Amérique à ce reste du monde.
Il s’agit d’une tendance d’une grande force, qui retrouve d’autres époques où cette tendance se manifestait sous d’autres formes. Ce fut notamment le cas dans les années 1920 après l’engagement dans la Première Guerre mondiale, lorsque des quotas radicaux furent imposés à l’immigration, des quotas de type racial et culturel. Dans ce cas également, les réflexes sécuritaires et bureaucratiques fournirent un moyen d’une force considérable pour traduire cette attitude en mesures concrètes. On se trouve objectivement, aujourd’hui pour ce qui est des rapports entre les USA et le reste du monde, dans une situation que seul le mot “isolationnisme” peut acceptablement décrire, — et “isolationnisme” dans sa forme la plus radicale, qui est la forme psychologique.
Un article du Financial Times expose la situation du tourisme et, de façon plus générale, de l’accès des non-Américains aux Etats-Unis. L’article est court et donne une appréciation chiffrée du phénomène, au travers des remarques du président de l’association des industries du tourisme aux USA. La situation ainsi décrite n’en est que plus remarquable.
« The US is losing billions of dollars as international tourists are deterred from visiting the US because of a tarnished image overseas and more bureaucratic visa policies, travel industry leaders have warned. “It's an economic imperative to address these problems,” said Roger Dow, chief executive of the Travel Industry Association of America, tourism's main trade body, which concluded its annual convention this weekend in New York.
» Mr Dow stressed that tourism contributed to a positive perception of the US, which spread across to business. “If we don't address these issues in tourism, the long-term impact for American brands Coca-Cola, General Motors, McDonald's could be very damaging,” he said. The plea echoed that of other industry trade organisations which say bureaucratic visa procedures and stringent security after the September 11 terrorist attacks have deterred business travellers and foreign students. “The idea has gotten out that we've pulled in the welcome mat,” said Rick Webster, the association's director of government affairs.
» The number of international visitors last year rose 12 per cent, compared to 2003, to 46.1m, according to the US Commerce Department. They spent $93.7bn, or 17 per cent more than their counterparts the previous year. However, US market share of foreign visitors is still down 38 per cent since 1992, according to the TIA. The number of global travellers has grown by 2 per cent to 770m since 2000, but US market share has not kept pace. “Our piece of the pie has shrunk by 5m visitors,” said Mr Dow. The weak US dollar has boosted the number of international visitors, but given favourable currency rates for many foreigners, those numbers should be far higher. “The weak US dollar is masking some of the problems,” said Mr Webster. “And the dollar won't remain weak forever.” »
Les causes de cette évolution de la situation américaine sont assez classiques. Qu’elles soient identifiées de façon aussi spécifique est un point intéressant.
• D’une part, il y a l’anti-américanisme qui est devenu un phénomène majeur de la vie internationale, qui concerne d’ailleurs aussi bien une agressivité à l’encontre de l’Amérique que la perception de l’Amérique comme quelque chose de complètement différent et de fermé au reste du monde. « There's a perception of ‘Fortress America’ that is much worse than it really is », estime Roger Dow, selon une idée qui n’est pas fausse mais qui s’avère fausse au bout du compte: la perception des USA en ‘forteresse’ est infondée au départ mais elle se nourrit des événements et nourrit elle-même l’évolution américaine. La transformation en ‘forteresse’ est un processus d’abord psychologique, mais il aboutit effectivement à l’édification d’une véritable forteresse.
• La bureaucratie est une deuxième et terrible cause, qui fait craindre que rien n’est vraiment capable d’arrêter l’actuelle évolution. Selon l’article : Dow « urged US policymakers to facilitate various security measures. An October 26 deadline that requires some foreign passports to have biometric facial-recognition technology is unrealistic and must be extended.. »
De cette façon, le système américain a installé les deux outils pour décourager de plus en plus nettement les velléités de contacts approfondis, voire même temporaires, du reste du monde avec les USA : d’une part, les incitations à ne pas pénétrer aux Etats-Unis, sous la forme de l’anti-américanisme dans ses différents modes (anti-américanisme offensif et critique, anti-américanisme défensif et craintif, etc), conséquence directe et indirecte de la politique washingtonienne; d’autre part, le verrou que constituent les lenteurs et les exigences draconiennes du système bureaucratique face aux incursions extérieures. Ainsi retrouve-t-on les vieilles tendances fondamentales de l’Amérique à sa formation. Rarement, l’application technique et l’“outillage” de cette application technique auront aussi fondamentalement correspondu aux tendances fondamentales du système qui les anime. Il est évidemment hors de question que les supplications de Roger Dow soient entendues, l’argument sécuritaire étant aujourd’hui absolument sans concurrent possible aux USA.