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14 novembre 2004 — L’aventure témoigne du fonctionnement du système de l’américanisme : une image, une histoire, une publicité, sans doute des ventes colossales à la clé. Demain, il est très probable que les cigarettes Marlboro remplaceront, s’il n’y a pas d’obstacle juridique ou de réticences, leur traditionnel cow boy à cheval par la photographie désormais fameuse du caporal James Blake Miller, 20 ans, du Corps des Marines, natif du Kentucky (État “bleu” ou “bushiste” s’il en est). Avec un peu de chance et d’habileté, fumer une cigarette pourrait devenir un acte patriotique, et la campagne terroriste de l’interdiction de fumer aux USA remplacée par un retour en arrière, toujours au nom du patriotisme, où le fait de fumer pourrait devenir une obligation également réclamée par un conformisme terroriste.
La photo en portrait de Miller, cigarette au bec, portant son casque et des traces de la peinture de camouflage sur le visage, sale et glorieux, épuisé, approximativement rasé et avec quelques égratignures, a paru dans plus de cent quotidiens américains mercredi dernier. C’est une photo qui décrit l’intensité et la fatigue de la bataille, en même temps que l’humanité confrontée à ces rudes conditions. Miller est sur la voie de devenir un héros, — et si un homme qui fume trois paquets par jour est un héros, fumer est-il si mauvais qu’on dit ?
Voici la présentation de cette affaire qui mélange selon une formule idéalement américaniste mercantilisme et patriotisme, par le Seattle Times du 13 novembre.
« Miller is the young man whose gritty, war-hardened portrait, shot by Luis Sinco, a Los Angeles Times photographer, appeared Wednesday in more than 100 U.S. newspapers, including The Seattle Times. In the full-frame photo, taken after more than 12 hours of nearly nonstop deadly combat, Miller's camouflage war paint is smudged. He sports a bloody nick on his nose. His helmet and chin strap frame a weary expression that seems to convey the timeless fatigue of battle. And there is the cigarette, of course, drooping from the right side of his mouth in a jaunty manner that Humphrey Bogart would have approved of. Wispy smoke drifts off to his left.
» The image has quickly moved into the realm of the iconic.
» More than 100 newspapers printed it, although it took the New York Post to sum it up in a front-page headline: ''Marlboro Men Kick Butt in Fallujah.'' The fact that Miller's name was not included in the caption material only seemed to enhance its punch.
» The Los Angeles Times and other publications have received scores of e-mails wanting to know about this mysterious figure. Many women, in particular, have inquired about how to contact him. ''The photo captures his weariness, yet his eyes hold the spirit of the hunter and the hunted,'' wrote one e-mailing admirer. ''His gaze is warm but deadly. I want to send a letter.'' Maybe it's about America striking back at a perceived enemy, or maybe it's just the sense of one young man putting his life on the line halfway across the globe. »
Les chefs de Miller sont aux anges. L’armée est aujourd’hui complètement adaptée et intégrée au circuit mercantile et aux relations publiques qui vont avec, et elle sait faire bon usage de ses vertus supposées de courage et de patriotisme. « Whatever the case, the photo seems to have struck a chord, and top Marine brass are thrilled. Lt. Gen. John. Sattler, commander of the I Marine Expeditionary Force, dropped in on Charlie Company yesterday to laud the Marlboro Men. ''That's a great picture,'' echoed Col. Craig Tucker, who heads the regimental combat team that includes Miller's battalion. ''We're having one blown up and sent over to the unit.'' »
C’est un des exemples les plus parfaits du fonctionnement du système. Les vertus générales demandées aux citoyens prennent un éclat extraordinaire dès lors qu’elles se transcrivent en images (au sens propre du mot) au potentiel publicitaire évident, et aux perspectives commerciales non moins exceptionnelles. Le caporal Miller, s’il n’est pas trop niais, peut tirer un avantage juteux et quelques contrats mirifiques aux States ; Hollywood pourrait être intéressé et Miller devenir une star d’une super-production retraçant “sa” bataille de Falloujah. De ce point de vue, la bataille de Falloujah est une victoire-éclair pour le système de l’américanisme.