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1648L’empire américain procède et progresse par la pratique du signe : dollar, films, fastfood, musique, mode, constructions, supermarchés, télé, feuilletons, ce qu’on voudra. Pour reprendre l’expression de Roland Barthes l’Amérique est un empire des signes. Les Mythologies de Barthes avaient d’ailleurs comme par hasard une cible américaine, du chewing-gum à la conquête spatiale en passant par l’anticommunisme ou la sempiternelle et hypomaniaque rage antirusse.
Les mêmes signes qui ont servi ici à anéantir les nationalités qui venaient d’Europe composer cet empire servent à anéantir les nationalités outremer, à mettre fin à l’histoire et sa diversité, et ce où que ce soit, à coups d’experts et de banquiers, d’humanitaires ou de tueurs-saboteurs.
L’empire américain se présente volontiers comme un convertisseur pacifique et bienveillant, ce qui ne l’a pas empêché d’utiliser une violence sans égale dans l’histoire du monde : coups d’Etat à la carte, destruction de l’Europe sous les bombes (la thérapie de choc), anéantissement de l’Allemagne et du Japon, rasage gratis de la Corée ou du Vietnam. On ne parle pas de ce que cet empire fait subir aux Arabes depuis soixante ans avec la complicité des traîtres de la tribu de Riyad.
Ceci dit, le petit Obama qui se lance comme un gosse mal élevé dans une campagne puérile contre la Chine ou la Russie, avant de sortir par la petite porte de l’Histoire, devrait au moins savoir une chose : l’empire américain n’a rien d’original !
Citons l’historien romain Tacite (60-140 de notre ère) qu’Obama doit très mal connaître. Tacite écrit une vie de son beau-père Agricola qui soumet la Bretagne à l’époque. La Bretagne, c’est-à-dire la Grande-Bretagne, qui depuis a retenu la leçon : il faut avoir une flotte solide pour se protéger de ce qui vient de la mer.
Voici ce que Tacite écrit concernant la soumission de la Bretagne par les Romains. Les massacres (d’ailleurs ahurissants) d’un côté, les signes et le conditionnement de l’autre.
XXI. 1. Vint l'hiver, qui fut entièrement consacré à la mise en œuvre d'initiatives très salutaires pour des gens disséminés et incultes et d'autant plus portés à faire la guerre. Agricola voulait les habituer à vivre paisiblement et à occuper agréablement le temps libre.
Occuper le temps libre : la Paramount, McDonald’s ou Disneyland !
Tacite poursuit. Bien avant Washington, Rome a compris qu’il faut contrôler l’éducation, surtout celles des élites flattées de se convertir ou de trahir :
2. De plus, il faisait initier les enfants des notables aux arts libéraux et préférer aux acquis culturels des Gaulois les dispositions naturelles des Bretons : eux qui naguère méprisaient notre langue, ne désiraient-ils pas maintenant, à tout prix, la parler couramment ?
3. Par la suite, cela fit bien de s'habiller comme nous et beaucoup adoptèrent la toge. Peu à peu, les Bretons se laissèrent aller à l'attrait des vices à découvrir sous les portiques, dans les thermes et le raffinement des festins. »
Mais Tacite est un maître, car tout en étant romain il respecte l’adversaire. Voici ce qu’il ajoute sur les effets de cette manipulation des mœurs et des esprits :
L'inexpérience leur faisait appeler civilisation ce qui amputait leur liberté (idque apud imperitos humanitas vocabatur, cum pars servitutis esset.)
Un brave chef breton nommé Calgacus tente de réveiller l’esprit de liberté chez les bretons.
Voici comment Tacite retrace son discours extraordinaire :
« Au-delà de notre terre, il n'y a plus rien. La mer ne nous protège même plus : la flotte romaine nous y attend… Au-delà, il n'y a plus un seul peuple. Il n'y a plus rien. Rien que des vagues, des écueils et une menace encore plus grande, celle des Romains. »
Calgacus appelle les romains raptores orbis, les ravisseurs du monde.
Il ajoute :
6. Le monde entier est leur proie. Ces Romains, qui veulent tout, ne trouvent plus de terre à ruiner. Alors, c'est la mer qu'ils fouillent ! Riche, leur ennemi déchaîne leur cupidité, pauvre, il subit leur tyrannie. L'Orient, pas plus que l'Occident, n'a calmé leurs appétits. Ils sont les seuls au monde qui convoitent avec la même passion les terres d'abondance et d'indigence.
7. Rafler, massacrer, saccager, c'est ce qu'ils appellent à tort asseoir leur empire. (Auferre, trucidare, rapere, falsis nominibus imperium).
Font-ils d'une terre un désert ? Ils diront qu'ils la pacifient (ubi solitudinem faciunt, pacem appellant.)"
C’est presque Léon Trotski, que j’ai déjà cité ici : « pour chaque brigandage, l’Amérique nous sert un mot d’ordre d’émancipation. »
On ajoutera que la notion antique de barbarie s’applique à notre époque. On se soumet à l’empire ou on sera anéanti en tant que barbare.
Et Calgacus donne un conseil d’insoumission :
« Ne croyez surtout pas que vous échapperez à leur fierté méprisante en vous effaçant dans l'obéissance. »
Pour compléter le texte de Tacite, relisez le Combat des chefs d’Astérix.
Agricola, sur Wikisource, traduction Burnouf
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