Comment Poutine manœuvre Washington sur l’Iran

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Le constat sur la question iranienne que font deux auteurs US, dont l’excellent spécialiste Nikolas Gvosdev (directeur de National Interest), est sans appel. Poutine a complètement pris la mesure de Washington et impose son rythme dans la crise iranienne, surtout depuis la publication de la NIE 2007 qui paralyse Washington dans une position défensive. Les Russes n’hésitent pas à déployer leur stratégie sans la moindre restriction.

L’analyse de Nikolas Gvosdev et de Ray Takeyh paraît aujourd’hui dans l’International Herald Tribune le 1er janvier 2008.

«If the deadlock in the UN Security Council over the final status of Kosovo signals any future trends, it is that Russia has finally dispensed with any lingering beliefs that it should work with the United States to set the global agenda.

»One of the legacies that Vladimir Putin bequeaths to his successor is Russia's changed position in the world. Moscow no longer has any interest in making minor modifications to a policy largely predetermined in Washington. And the principal beneficiary of this changed perception may be Iran.

(…)

»… Despite its unsavory reputation in the West, Iran has acted responsibly in dealing with Muslim republics and populations of Central Asia. The United States may view Iran as a revolutionary power bent on upending the regional order. But for Russia, Iran is largely a status quo state whose continued cooperation is critical for stability in the Middle East and the projection of Russian influence in that region. The strategic alignment between the two nations only reinforces the economic interests.

»The Bush administration, which has dedicated so much of its efforts to rebuilding ties with Europe, has utterly failed to bridge the gap with the Russian Federation. Having failed to stop the United States over Kosovo and Iraq, Moscow's stance on Iran demonstrates Russia's return as a major actor. For its part, Tehran has learned to love Russia's strategy of placating the United States with superficial gestures while enhancing its relations with Iran. In the coming months, there will be ample Russian and American pledges of cooperation against Iran's persistent nuclear violations. However, the strategic landscape has changed. And that does not bode well for America's attempt to rein in Iran.»

Deux remarques peuvent être proposées pour accompagner cette analyse.

• La première est évidemment une confirmation. La Russie a complètement repris son autonomie de puissance et, dans cette perspective, sa diplomatie s’avère beaucoup plus habile et créatrice que celle de l’Occident (pour le coup, on peut effectivement parler d’“Occident”, l’aveuglement américaniste ayant complètement infecté les pays ouest-européens). C’est en effet le plus remarquable du côté russe, qui montre bien la rupture effectuée entre le modèle soviétique et l’actuel cadre souverainiste de la politique russe (au contraire des USA, qui en restent plus que jamais à la vision d’une “politique de force”, sans doute incapables d’imaginer autre chose). Le retour de la puissance russe n’a nullement précipité la Russie vers un retour à la “politique de force”, mais a fait renaître une vraie diplomatie, que la puissance russe sert plutôt qu’elle ne l’oriente.

• L’échec français de la politique maximaliste décidée l’été dernier est aujourd’hui complètement mis en lumière. Les Français sont enfermés dans la même position que les USA, mis sur la défensive avec une rhétorique d’intransigeance qui n’a plus de raison d’être et qui n’a pas les moyens de s’affirmer. Le tournant français de l’été 2007 pouvait se défendre à l’été 2007, et tant que planait une menace d’attaque des USA que les Français pouvait prétendre contenir en “accompagnant” Washington. Aujourd’hui, il apparaît futile, entêté et appuyé sur une rigueur de raisonnement complètement marginalisé par les événements. Cette persistance dans une position politique devenue caduque avec la publication de la NIE 2007 montre une sclérose et un dogmatisme de la diplomatie française, assortis d’un comportement de suffisance à ne pas vouloir modifier ce que les événements vous imposent de modifier. Résultat : aujourd’hui, dans la crise iranienne, les Français n’existent plus. Ils s’occupent donc des avatars des organisations humanitaires et des SDF.


Mis en ligne le 2 janvier 2008 à 09H40