Comment Tea Party soutient Occupy Wall Street

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L’identification et la caractérisation des relations, disons “objectives”, entre Tea Party et Occupy Wall Street (OWS), sont un grand mystère, dans la saga actuelle dont les dimensions sont épiques et globales (aujourd’hui, la Révolution doit emporter le monde, ou du moins faire une grande répétition de l’opération). Les deux organisations, en général fort peu organisées, sont-elles antagonistes, indifférentes, complémentaires, etc. ? Il faut noter, selon ce que nous a signalé un lecteur et ami obligeant, l’intervention très intéressante de Slavoj Zizek à Occupy Wall Street, notamment telle que rapportée par HuffingtonPost.com le 10 octobre 2011 : «Zizek also advised the people to see the Tea Party as a sister movement – “They may be stupid, but don’t look at them as the enemy,” he said». (Voir aussi la transcription de l’allocution de Zizemk sur le thème  : “Attention, ne tombez pas amoureux de vous-mêmes”…)

Russia Today a imaginé qu’on devait interroger Karl Denninger à ce propos des relations entre Tea Party et Occupy Wall Street. Aussitôt envisagé, aussitôt fait… Le 14 octobre 2011, Russia Today interroge Karl Denninger, qui est l’un des fondateurs de Tea Party. Surprise ? Denninger soutient Occupy Wall Street (OWS).

«Is it right to make comparisons between the two groups? Denninger says that, yes, to some degree the comparisons are indeed accurate. The Occupy movement, however, can learn from some of the mistakes that he says the Tea Party succumbed to. “The problem with protests and the political process is that it is very easy, no matter how big the protests is, for the politicians to simply wait for the people to go home,” says Denninger. “Then they can ignore you.”

»With the problems posing Americans as big as they are though, said Denninger, it makes sense that so many citizens are joining the movement. Denninger acknowledged that much of America has lost jobs and homes and seen the stock market crash twice in only a matter of years. “People are saying, ‘You know what? I know I’ve gotten screwed by all of this but I don’t know how I got screwed. I just know that it happened. And it all came from New York and Washington DC.”

»With the Occupy movement as broad as it is, some critics say the chaos and lack of a solid plan will be the downfall of the movement. Denninger says, though, that that could actually give the group leverage. And as the movement spreads from coast-to-coast and now abroad, perhaps he is exactly right. “One of the things that the Occupy movement seems to have going for it is it has not turned around and issued a set of formal demands,” said Denninger. “This is a good thing, not a bad thing. Everyone is looking for a set of demands.” Denninger added that once the protesters formally approach the banks and government with a list of demands, “then somebody is going to say, ‘Well, we gave you 70 percent. Now go home.’”

»In the case of the Tea Party, Denninger says such organization was actually the group’s downfall. “One of the things we wanted was the end to bailouts and an end to government deficit spending, and as you can see that didn’t happen,” said Denninger, who today manages The Market Ticker. Denninger added that demonstrators with Occupy Wall Street and the offshoots across the world shouldn’t just abandon their goals. “Stay on message, which is that the corruption is not a singular event,” he said. “You can’t focus in one place. You have to get the money out of politics, which is very difficult to do, but at the same time you can’t silence people’s voice.”»

Denninger n’est pas contre Occupy Wall Street tout en étant pour le Tea Party originel. Il est amer depuis fort longtemps parce qu’il pense que Tea Party, qui, lui aussi en son temps, était parti à la conquête de Wall Street, a été assassiné “il y a fort longtemps”. (Dans Russia Today également, il y a un an, le 22 octobre 2011.)

«America’s Tea Party movement has evolved into a nightmare for the movement’s founder. The movement used to be about corruption and government spending, but now it is about “guns, gays and God”. “It began with the Bear Sterns bailout. We had a handful of people, about a dozen, that marched on Wall Street,” said Karl Denninger, Founder of Tea Party and The Market Ticker. The intention was to speak out against excessive corporatism and corruption and hold the government accountable to its promises of change. […]

»“It took about a month for the establishment Republicans to come in and essentially take the party over,” he said. “It became all guns, gods, and gays. That’s a great thing to talk about, but that’s not what we intended.” […] “None of the so-called Tea Party candidates are talking about this,” Denninger said. “The slogan that we adopted very early on was ‘stop the looting and start the prosecuting’ and I can’t find one of these supposed Tea Party candidates that is actually willing to come out and say that in public.”»

De tout cela ressortent d’abord désordre et confusion extrêmes dans les diverses descriptions : autant celle de l’historique et du destin de Tea Party, que celle de l’activité de Tea Party, que celle de la tactique de Occupy Wall Street par rapport à l’enseignement de Tea Party et ainsi de suite. Mais aussi, on comprend bien que ce désordre et cette confusion servent ces mouvements, nous dirions, selon la formule fameuse, “à l’insu de leur plein gré”… La description que Denninger fait du destin de Tea Party est fausse objectivement, quant à la réalité des situations et quant aux résultats obtenus. Ce n’est pas le parti républicain qui a phagocyté Tea Party, mais l’extrémisme déstabilisateur et déstructurant (dito, antiSystème selon les positions relatives) de Tea Party qui a infecté littéralement le parti républicain, qui l’a subverti, qui en a fait une machine de guerre involontaire et inconsciente (“à l’insu de son plein gré”, et comment) contre son propre monolithisme-Système et, d’une certaine façon, brisé le “parti unique” en grippant fondamentalement le fonctionnement du pouvoir US par l'opposition sauvage entre ses deux ailes républicains-démocrates. Mais on comprend l’amertume de Dillinger : ce résultat, ce n’était pas son but, lui qui voulait de véritables réformes sous la pression extérieure de Tea Party. C’est que Dillinger est un brave citoyen US, qui croit encore à l’American Dream, et que le Système peut être réformé sans être détruit, – ce qui, comme l’on sait, n’est pas du tout notre avis, parce qu’il faut que le Système soit détruit et, par conséquent, le pouvoir US au premier chef. Donc, Dillinger est malheureux, ce qui nous attriste, et Tea Party a rempli son office, ce qui nous comble.

Cela bien compris, l’idée implicite de l’intervention de Dillinger, qui est de dire qu’objectivement, OWS peut suivre la même voie que le Tea Party originel, que les deux mouvement sont complémentaires chronologiquement, est assez juste. Dillinger approuve la tactique structurelle de OWS, qui est de rester sur ses positions et sous ses tentes à Wall Street, de repousser les offres implicites de collaboration du Système, d’éviter d'être précis dans ses revendications, de fonctionner sans dirigeants identifiés et ainsi de suite. (Nous avons souvent détaillé cette tactique, qui était déjà présente, de facto, dans Tea Party, et différait de l’orientation rationnelle que voulaient lui donner des dirigeants comme Dillinger  ; encore une fois, c’est le fait que Tea Party a échappé à cette rationalité qui a suscité son efficacité...) La différence est qu’OWS, grâce à Tea Party, est une étape au-delà de l’action de Tea Party à cause du travail inconscient de Tea Party. Il est en position de force parce qu’il a rencontré ce “Moment psychologique”, largement préparé non par le programme de Tea Party mais par la tension psychologique imposée par Tea Party. En fait, les deux mouvements ont naturellement trouvé leurs “missions historiques” nécessairement antiSystème. Ils ont bien mérité de la dynamique antiSystème, qu’ils ont largement alimentée. Le constat que la position de OWS nous conduit à faire est que cette situation antiSystème est aujourd’hui formidablement avancée aux USA. Les événements sont très proches de la complète incontrôlabilité : y basculeront-ils ou pas ? Question posée, mais les prochaines semaines (peut-être les prochains jours, diraient les impatients, mais il faut tempérer…) seront intéressantes. Quant à la campagne présidentielle de 2012, ce sera un très grand cru car, quoi qu’il arrive dans les prochaines semaines, c’est un formidable potentiel explosif qui est en train de s’amonceler dans ce cœur du Système qu’est le processus politique fondamental (l'élection du président) du système de l’américanisme.


Mis en ligne le 15 octobre 2011 à 06H38